Interview

Alain Laridon, ancien député et ambassadeur : «Deux années de retard en raison des affaires politiques»

Alain Laridon

Le bilan du gouvernement de l’Alliance Lepep pour l’année 2016 est loin de convaincre Alain Laridon, ancien député et ambassadeur au Mozambique. « On a mis la barre trop haut, en faisant notamment miroiter la promesse d’un deuxième miracle économique », dit-il.

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Quel bilan faites-vous de l’action gouvernementale pour l’année 2016 après deux ans au pouvoir?
Cela aurait dû être l’année de la mise en chantier des grands travaux publics, mais le nouveau gouvernement n’a fait qu’accomplir des projets de périphérie et d’entretien, qui sont un peu le lot de n’importe quel gouvernement, et non des projets de grande envergure. Il faut citer quatre faits qui caractérisent l’échec politique, économique et social de ce gouvernement. D’abord, la courbe du chômage a augmenté. Ensuite, on a vu la régression de Maurice dans l’indice Doing Business.

Puis l’apparition des drogues synthétiques qu’on n’arrive pas à endiguer. Et enfin, l’incapacité à réduire le nombre des accidents sur nos routes. Maurice a connu deux années de retard, en raison des affaires purement politiques, comme celle de la BAI, très mal gérée, même s’il y avait matière à enquête financière. En fait, tout est parti des promesses démagogiques faites durant la campagne électorale de décembre 2014.

Expliquez-vous.
On a mis la barre trop haut, en faisant notamment miroiter la promesse d’un deuxième miracle économique. La population a été dupée, car les conditions de ce miracle n’existaient nullement. Ce qu’on appelle le miracle économique des années 85-88-89, est le résultat d’une série de facteurs exogènes et endogènes, qui ont favorisé la croissance économique de Maurice. Tout a commencé lorsque les entreprises de Hong Kong ont été délocalisées, avant la rétrocession de l’île à la Chine en juillet 1997. à ce moment-là, certains entrepreneurs mauriciens ont entamé des négociations avec des entrepreneurs hongkongais pour les convaincre de venir s’installer à Maurice où on a lancé une zone franche, avec une législation qui leur était favorable.

Même si, au départ, les conditions de travail dans cette zone hors taxes laissait à désirer, elles ont offert des emplois à des femmes. Le revenu des femmes conjugué à des facteurs économiques internationaux, ainsi qu’à une très bonne stratégie de développement de nos dirigeants politiques et économiques d’alors, ont permis de créer ce qu’on désigne comme le miracle économique. Aujourd’hui, aucun de ces facteurs n’existe. Le monde subit encore les conséquences de la crise des subprimes, sur lesquelles est venue se greffer la fin des quotas sucriers qui sera effective cette année.

Est-ce que le départ du PMSD du gouvernement n’apparaît pas comme un acte opportuniste ?
Je pense que le PMSD a senti que la mise sur pied de  la Prosecution Commission, qui nécessite l’amendement à la Constitution, ne poursuit guère d’autres objectifs que de mettre fin à la carrière politique de Navin Ramgoolam, et le PMSD ne veut pas entrer dans l’histoire avec une telle complicité. Le volet de cette éventuelle commission qui a trait à son caractère rétroactif, a renforcé les convictions de Xavier-Luc Duval à l’effet qu’en définitive, rien ne sera épargné pour ‘finir’ Navin Ramgoolam.

Toute cette démarche ne relève que de la politique au lieu de répondre aux attentes de la population sur les défis que sont le chômage des jeunes, l’absence d’investissements étrangers, la consolidation de notre secteur financier, la promotion du secteur des PME, l’approfondissement de nos relations avec l’Afrique...

«Cela aurait dû être l’année de la mise en chantier des grands travaux publics, mais le gouvernement n’a fait qu’accomplir des projets d’entretien.»

Comment cohabiteront le PMSD et le MMM dans l’opposition, lorsqu’on sait que Paul Bérenger a déclaré que « tout sépare le MMM du PMSD » ?
Il faudra que ces deux partis trouvent un modus operandi commun. Je pense que c’est possible. Dans les années 70, il y a eu le fameux front commun « chaussette » qui avait conduit Paul Bérenger et sir Gaëtan Duval à conclure une entente, obligeant le gouvernement de sir Seewoosagur Ramgoolam à organiser les élections générales de 1976.

Est-ce cette conjoncture qui donne un peu d’aile à Navin Ramgoolam ?
On peut le penser. De toute façon, tout le monde s’accorde à dire que les élections de 2014 ont été un vote par défaut, sanctionnant davantage un gouvernement que son bilan. Il ne faut pas perdre de vue que malgré ses revers et l’impopularité de ses dirigeants, le Parti travailliste a toujours survécu à ses dirigeants, car c’est un parti ancré dans l’Histoire et la conscience collective. Cela dit, Navin Ramgoolam connaît un regain de popularité, même timide, parce que ce gouvernement est aussi incapable de tenir ses promesses.

Sa défaite aurait-elle pu être l’occasion d’un rajeunissement du Parti travailliste ?
Il y a eu un débat à cet effet, me semble-t-il. La direction veut d’abord ‘coach’ les jeunes avant qu’ils ne soient jetés dans l’arène politique. Mais il ne suffit pas d’encadrer des jeunes pour favoriser le changement dans la gestion des affaires d’un pays, encore faut-il qu’ils aient une véritable culture politique, avec un sens du devoir et de la rectitude, le tout fondé sur un programme gouvernemental cohérent.

Que vaut aujourd’hui le MMM après ses différentes fractures ? Paul Bérenger est-il encore capable d’incarner les aspirations de ce parti ?
Je suis le premier attristé par la crise qui secoue le MMM. Paul Bérenger en est le premier et le seul responsable, lui dont les combats politique et syndical ont permis de réaliser des avancées pour la classe des travailleurs. Il a les défauts de ses qualités. Cette année, on verra s’il est capable de capitaliser sur un gouvernement affaibli pour redynamiser le MMM.

Le discours de fin d’année 2016 du Premier ministre, qui était très optimiste, réussira-t-il à rétablir la confiance effritée au sein de la population ?
Il faudra vérifier si les promesses sont concrétisées et si elles sont porteuses d’une croissance supérieure à 4 %. à ce moment-là on verra la création d’emplois, mais encore faut-il qu’ils soient productifs, et non des postes pour les petits copains.  Mais à ce jour, les statistiques les plus optimistes font valoir qu’une croissance à 4 % est quasi hors d’atteinte. Je ne veux pas être un oiseau de mauvais augure car je suis un patriote et peu importe le gouvernement qui est au pouvoir, je ne souhaite pas que le pays plonge dans la misère.

Avez-vous l’impression que les Mauriciens s’intéressent aux élections à Rodrigues ?
Ils le devraient, comme ailleurs, en Syrie, concernant le sort des réfugiés, au Sahara occidental, qui réclame son indépendance, ou encore s’agissant du Brexit. Il ne faut pas que nous vivions repliés sur nous-mêmes.

 

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