Budget

Analyses de cabinets d’experts: les « occasions manquées » de l’exercice budgétaire

Comme à l’accoutumée, les différents cabinets d’audit et d’experts-comptables livrent leurs analyses à l’issue de la présentation du Budget. Cette année, les commentaires sont davantage positifs, hormis quelques notes mitigées.

D’emblée, André Bonieux, Senior Partner de PwC Mauritius, estime que le ministre des Finances a élaboré un ensemble varié de réformes. « Il a commencé par dire que nous devons faire preuve d’audace. Effectivement, il a apporté un certain nombre de mesures attrayantes, mais nous estimons qu’il aurait pu mieux faire sur les réformes potentielles… Le ministre a fait un réel effort pour réformer l’économie, mais pas dans la mesure à laquelle nous nous attendions », souligne-t-il.

André Bonieux se dit également préoccupé par le projet du Metro Express, qui sera financé et géré par l’état, bien qu’il démarrera avec la construction d’un terminal à Port-Louis, effectuée sur une base Build Operate Transfer. « Compte tenu de la gestion de la National Transport Corporation, on peut appréhender les coûts d’opération de ce projet financé par les contribuables. Un Public-Private Partnership (PPP) serait bien plus efficace et les attraits du projet seraient bien mieux évalués », estime le Senior Partner de PwC Mauritius.

Il ajoute qu’en dépit des mesures positives, « il semble que le gouvernement s’entêterait à employer des structures démodées ». André Bonieux précise que le Metro Express et les investissements dans l’eau seront toujours et uniquement financés par l’état et la création d’emplois continue à tomber sous sa responsabilité. « Les chiffres indiquent que le nombre de fonctionnaires augmentera, pour passer à 62 365 l’année prochaine, ce qui représente une hausse de 19 % par rapport à juin 2016. C’est tout simplement étonnant ! »

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Améliorer le climat des affaires

L’autre occasion manquée : la hausse de 13,8 % des dépenses récurrentes, tandis que les revenus provenant des taxes devraient croître de 9,3 %. « Alors que l’augmentation des recettes fiscales semble vigoureuse, le gouvernement dépense plus qu’autrefois dans une année où l’inflation ne sera que de 2 %. Le déficit du financement sera énorme quand la subvention de l’Inde sera épuisée. La hausse des dépenses du gouvernement avec un déficit budgétaire de 3,3 % reste un sujet de préoccupation. »

André Bonieux déplore aussi le fait que la réforme sur le ciblage des prestations sociales n’ait pas été évoquée lors de la présentation budgétaire. « Ces bénéfices, qui étaient initialement destinés aux défavorisés, sont offerts à tous et coûtent probablement une fortune à l’état », explique André Bonieux.

Il accueille, cependant, les mesures visant à améliorer la facilité des affaires, dont l’accélération de la procédure pour l’octroi des permis de construction, le développement du foncier et le fait d’avaliser les projets en attente. Ou encore, l’autorisation aux non-citoyens d’acquérir des résidences et des immeubles commerciaux. André Bonieux salue aussi la fusion des grands organismes publics pour une meilleure efficience.

Concernant le congé fiscal qui sera accordé à des nouveaux créneaux dans le secteur du Global Business, Dheerend Puholoo, Associate Director de PwC Mauritius, souligne que c’est déjà le cas pour des sociétés qui ont installé leurs sièges régionaux à Maurice et qui bénéficient d’une exonération partielle de l’impôt. « On se demande si les congés fiscaux annoncés auront l’effet escompté. Dans un environnement fiscal international, il est encore plus important que ces incitations fiscales soient accompagnées d’exigences de fondement. »

Il fait aussi ressortir qu’une personne non assujetie à la Taxe sur la valeur ajoutée, qui s’approvisionne de l’étranger, devra appliquer cette taxe sur les services avant de la remetttre à la Mauritius Revenue Authority. Dheerend Puholoo souligne que bien que cette mesure vise à instaurer des règles équitables entre les entreprises domestiques et étrangères, elle constitue, toutefois, un fardeau administratif pour le contribuable.

« En général, le Budget apporte quelques bonnes mesures pour une efficacité accrue de l’administration fiscale et des incitations fiscales visant à relancer l’économie. Cependant, certaines mesures semblent aller à l’encontre des objectifs de simplification et d’équité fiscale », estime Dheerend Puholoo.

« Mesures audacieuses »

Sattar Hajee Abdoula, Chief Executive Officer (CEO) de Grant Thornton, donne lui aussi une bonne note au Budget, où le ministre a pris le taureau par les cornes en s’attelant à répondre aux besoins du secteur privé et du public mauricien.

Il regrette, toutefois, que la question de la pension n’ait pas été soulevée. « Différée depuis trop longtemps, la pension est une bombe à retardement qui exige des mesures concrètes et une attention immédiate afin de répondre à ce phénomène global. Ce problème ne devrait pas être jeté aux oubliettes et demande des mesures plus détaillées. »

Il salue aussi la création d’une National CSR Foundation. Mais il questionne la diligence et la performance à l’issue de l’allocation des fonds par rapport aux objectifs fixés. « Il existe un manque de précision quant au délai d’utilisation des fonds de la National CSR Foundation et le respect des engagements déjà pris par le secteur privé sur le court et moyen termes en matière de CSR », dit Sattar Hajee Abdoula.

Il est aussi d’avis que le Budget ouvre la voie à la réalisation d’objectifs à court et à moyen termes avec une croissance du Produit intérieur brut projetée à 4,1 % pour 2016-17, contre 3,4 % en 2015-16, en dépit d’une année passée relativement mouvementée. « Notre économie semble donc être réellement résiliente et dispose, grâce à ces mesures budgétaires, de toutes les armes pour être enfin lancée à plein régime », ajoute-t-il.

Pour le cabinet BDO, la réduction du frêt aérien de 40 % est audacieuse et la bienvenue, car elle vise à aider le secteur des exportations. « Elle améliorera la compétitivité et le potentiel de croissance du secteur du textile et de l’habillement. »

« Ce Budget marque un tournant dans la façon dont il a été présenté. Les mesures sont audacieuses et vivement appréciées. Le jury délibère. Si la croissance attendue brise la barre psychologique des 4 %, ce sera alors le début d’une nouvelle ère », estime la firme BDO.

 

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