Interview

Anwar Joonas : «Il faudra faire l’effort de payer la compensation salariale»

Plus on donne une compensation sans un retour en gains de productivité, plus il faudra s’attendre à une situation plus difficile à l’avenir, estime Anwar Joonas, Chairman de Joonas & Co Ltd et ancien président de la Mauritius Employers’ Federation  (MEF). L’économie, prévient-il, ne pourra pas supporter la masse salariale à la longue.

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« 2015 a été une année difficile. 2016 l’a été encore plus. Il y aura encore de la grisaille en 2017. »

Le gouvernement propose une compensation salariale de Rs 125 aux salariés touchant entre Rs 15 001 et Rs 50 000 par mois et Rs 200 à ceux touchant moins de Rs 15 000. Ce qui coûtera Rs 1,865 milliard à l’économie. Comment accueillez-vous cette décision ?
Malgré que dans le passé, il y a eu un accord pour qu’on ne prévoie pas de compensation salariale si l’inflation est inférieure à 5 %, le secteur privé a toujours eu un geste envers les employés. Les entreprises ont payé une compensation de Rs 400 en 2014,  de Rs 600 en 2015, entre Rs 150 et Rs 250 en 2016. Aujourd’hui, la question est de savoir si toutes les entreprises vont pouvoir payer d’autant plus que cette année, la situation est plus difficile, car l’économie a ralenti drastiquement.

Va-t-on continuer à faire des fleurs ou prendre ses responsabilités pour protéger les emplois et sécuriser les entreprises ? N’oublions pas que toute activité a besoin d’être pérennisée. Surtout dans un contexte où interviennent des événements hors de notre contrôle. À titre d’exemple, il est prévu que le prix du pétrole flambera à partir de janvier. D’autre part, il y a eu une baisse conséquente de nos exportations en termes de valeur avec la dépréciation de la livre sterling et la baisse de l’euro alors que le dollar est en hausse.

Sans parler que nous perdons chaque jour notre compétitivité face à des pays tels que le Vietnam, le Cambodge, la Birmanie, pour ne citer que cela. Il serait plus sage de revoir les priorités des industries. Il faudra notamment revoir tout ce qu’on peut fabriquer et ce qu’on ne peut plus fabriquer dans le secteur manufacturier. Nous devons impérativement miser sur des industries orientées vers la haute technologie et davantage vers les services que vers la fabrication basique. Pour cela, la formation sera essentielle à tous les niveaux. 

Selon vous, si certaines entreprises ont la capacité de payer, d’autres ne l’ont pas… 
Ce ne sont pas tous les secteurs qui ont la possibilité de payer. Certains font bien, d’autres moins alors que quelques secteurs, notamment la construction, font très mal. Le montant de la compensation étant raisonnable, il faudra faire l’effort de payer.

Pour les syndicats, les opérateurs économiques brandissent chaque année la carte de la conjoncture économique difficile ou encore les risques de licenciement pour ne pas payer la compensation. Comment réagissez-vous face à ces critiques ?
Le patronat est-il en train de mentir ? Alors que tout le monde témoigne des difficultés de notre économie. Pourquoi penser que le patronat crie au loup quand la réalité est devant soi ?

Le débat autour de la productivité est revenu sur le tapis. Pour le Gouverneur de la Banque de Maurice, l’actuel système de révision salariale a fait son temps. Raj Makoond, le CEO de Business Mauritius, va plus loin en qualifiant le mécanisme actuel de « bombe à retardement pour le pays ».  Votre avis ?
Le Gouverneur de la Banque de Maurice et le CEO de Business Mauritius soulèvent deux points très sérieux à considérer. Plus on donne une compensation sans un retour en gains de productivité, plus il faudra s’attendre à une situation plus difficile à l’avenir. L’économie ne pourra pas supporter la masse salariale à la longue. D’ailleurs, la façon dont le Pay Research Bureau (PRB) accorde des compensations nous interpelle et nous inquiète.

La question de productivité n’a, toutefois, pas été prise en considération dans le calcul de la compensation. Vos commentaires ?
C’est dommage ! Depuis 2008, on souhaite la mise en place du National Pay Council.

Nous sommes arrivés à la fin de 2016. Quel bilan faites-vous de l’économie mauricienne ? Et comment s’annonce 2017 ?
2015 a été une année difficile. 2016 l’a été encore plus. Il y aura encore de la grisaille en 2017. Le gouvernement a promis des développements majeurs l’année prochaine. Nous sommes dans l’attente et l’expectative.

 

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