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De l’asphalte au terrain de cricket…: le rêve indien de huit enfants des rues

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Ce mardi 19 septembre, Alexandre, Jamel, Angelo, Kersley, Charline, Ashweehna, Anastania et Alvina, huit enfants vivant en situation de rue, épaulés par l’ONG Safire, prennent leur envol pour porter haut les couleurs de Maurice à la Street Child Cricket World Cup 2023, prévue à Chennai.

Dans les poches de pauvreté, l’asphalte rugueux est le terrain de jeu. C’est souvent là où les fragiles rêves des enfants vivant en situation de rue se croisent, exposant leur vulnérabilité aux nombreux fléaux qui les guettent au quotidien. Mais l’espoir demeure. Alexandre, Jamel, Angelo, Kersley, Charline, Ashweehna, Anastania et Alvina, tous bénéficiaires de l’ONG Safire (Service d’accompagnement, de formation, d’insertion et de réhabilitation de l’enfant), en sont un exemple vivant. 

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Bernard Delangre, le coach.

Ces jeunes, âgés de 14 à 18 ans, mettront le cap sur l’Inde ce mardi pour participer à la Street Child Cricket World Cup 2023, qui se tiendra du 22 septembre au 2 octobre à Chennai. En Inde, sur le terrain de cricket, l’équipe de Safire, comprenant six joueurs et deux remplaçants, filles et garçons confondus, rivalisera avec d’autres enfants vivant en situation de rue de 13 nations différentes, dont le Bangladesh, le Rwanda, le Sri Lanka, le Zimbabwe, le Mexique, l’Angleterre et l’Afrique du Sud. 

Pour la plupart d’entre eux, ce sera leur premier voyage en avion. Enfants vivant en situation de rue, ils affirment qu’ils n’auraient jamais imaginé qu’un jour ils pourraient voyager à l’étranger. Pour eux, c’est une opportunité extraordinaire. Accompagnés par leurs éducateurs, ils tenteront de remporter la victoire et hisser fièrement le drapeau mauricien au sommet du podium.

En préparation de ce grand voyage, l’équipe de Safire, qui accompagne actuellement environ 400 enfants vivant en situation de rue à travers l’île, dans le but de les aider à bâtir un avenir meilleur, a consacré de nombreuses heures à l’entraînement, soit trois fois par semaine, cherchant l’excellence pour briller lors de cette Coupe du monde de cricket pour les enfants des rues. 

« L’objectif est d’aller le plus loin possible » 

Éducateur et coach dévoué, Bernard Delangre enseigne le cricket aux bénéficiaires de Safire depuis un an. C’est un sport qui se joue avec une balle et un bâton plat, appelé une batte, explique-t-il. « Deux équipes s’affrontent durant le match. Une équipe lance la balle et essaie de faire sortir les joueurs de l’autre équipe, tandis que l’autre équipe essaie de marquer des points en frappant la balle et en courant d’un bout du terrain à l’autre », indique-t-il.

Le jeu peut sembler un peu complexe au début mais avec un peu de pratique et la maîtrise des bases, il devient plus facile à comprendre, ajoute-t-il. « Ce sport repose sur trois principes simples notamment ‘Bowling’, ‘Batting’ et ‘Runs’. » S’il admet que le cricket peut être un sport exigeant physiquement, il souligne que ce n’est pas nécessairement difficile. La vitesse est le facteur décisif et c’est le plus rapide qui emportera le match. 
Alors que le cricket conventionnel se joue avec 21 joueurs, l’équipe de cricket de Safire est composée de six joueurs et de deux remplaçants, indique Bernard Delangre. Chaque enfant sait « bowl » et « bat », précise-t-il.

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Christopher Julie, l’autre coach.

Afin de préparer les huit joueurs pour la Street Child Cricket World Cup à Chennai, sa méthodologie d’enseignement repose sur les bases du jeu et Bernard Delangre les a également familiarisés avec les termes anglais du cricket, afin qu’ils puissent comprendre les instructions de l’arbitre (« Umpire ») sur le terrain. Ainsi, les termes tels que « Bowler », « Wicket », « Batter », « No ball » et « White Ball » n’ont plus de secret pour les huit joueurs de Safire.

L’équipe a été composée à la suite d’une sélection rigoureuse, passant de 30 joueurs à 20, puis à huit, en fonction des performances des enfants. « Les compétences artistiques et l’éloquence ont également joué un rôle dans la sélection des participants en raison du programme d’art et de la conférence sur les droits des enfants, un aspect clé de cette rencontre en Inde », précise le coach. 

Pour Bernard Delangre, le cricket est avant tout un sport d’équipe. D’ailleurs, il est d’avis que les enfants ont une chance de gagner et de faire honneur au pays en jouant ensemble. 

En raison de problèmes de santé, il ne pourra pas se rendre en Inde, mais il a toute confiance en Christopher Julie, le deuxième entraîneur, pour veiller à ce que les enfants donnent le meilleur d’eux-mêmes sur le terrain. « L’objectif ultime est d’aller aussi loin que possible dans la compétition, la victoire sera la cerise sur le gâteau », conclut le coach. 

Petit lexique de cricket 

  • Bat (Batte) : C’est un objet plat et large que le batteur utilise pour frapper la balle.
  • Ball (Balle) : C’est la petite sphère que le lanceur lance vers le batteur.
  • Batting (Frappe) : fait référence à l’action de frapper la balle avec une batte pour marquer des points. 
  • Bowling (Lancer) : Il désigne l’action d’envoyer la balle en direction du batteur de l’équipe adverse. Le joueur qui exécute cette action est appelé le « lanceur » ou le « bowler ». 
  • Pitch (Champ) : C’est la zone centrale où se déroule le jeu. C’est là que le batteur se tient et où le lanceur lance la balle.
  • Wicket (Guichet) : C’est une structure faite de trois piquets de bois avec une petite planche posée dessus. Le but est de protéger le guichet et de le frapper avec la balle pour sortir le batteur.
  • Runs (Points) : Ce sont les points que l’équipe en attaque marque en frappant la balle et en courant d’un bout du terrain à l’autre.
  • Inning (Manche) : C’est une période de jeu où une équipe a son tour pour frapper et l’autre équipe a son tour pour lancer.
  • Over (Over) : C’est une unité de mesure du nombre de lancers qu’un lanceur peut effectuer. Un over équivaut à six lancers.
  • LBW (Leg Before Wicket) : C’est une règle qui dit qu’un batteur peut être sorti s’il empêche la balle de frapper les guichets avec sa jambe.
  • No ball : Un « No Ball » est un lancer qui n’est pas autorisé. Cela peut se produire pour diverses raisons, par exemple si le lanceur a dépassé la ligne de lancer ou s’il a fait un pas incorrect. Lorsqu’un « no ball » est signalé, l’équipe adverse reçoit un point supplémentaire et le batteur ne peut pas être sorti lors de ce lancer spécifique.
  • White Ball : Une « White ball » en cricket fait référence à la balle utilisée dans les matchs limités par le temps.

Faisons connaissance avec les petits cricketeurs  

Alexandre Josephine, 15 ans

alexandreOriginaire de Port-Louis et bénéficiaire de Safire depuis trois ans, Alexandre s’apprête à vivre une expérience inoubliable en représentant Maurice lors de la Street Child Cricket World Cup 2023. Pour lui, c’est bien plus qu’un tournoi. C’est une chance unique d’explorer le monde au-delà de son île. Le cricket, qu’il découvre tout juste, le fascine par sa puissance et sa précision, un peu comme son amour pour le football.


Jamel Lagaieté, 15 ans

jamelRésidant à Bois-Marchand, Jamel, après avoir brillé lors d’un tournoi de football pour les enfants des rues au Qatar, s’envole pour l’Inde pour participer à la Street World Cup de Cricket. Fier de cette opportunité, il avoue néanmoins ressentir une légère appréhension pour les matchs à venir. Cependant, il est déterminé à donner le meilleur de lui-même. Il sait que chaque effort compte. En dehors du terrain, il s’adonne également à la boxe, révélant une véritable passion pour les défis.


Angelo Nanny, 18 ans 

anjeloOriginaire de Baie-du-Tombeau, Angelo enchaîne les tournois de différentes disciplines. Après le Qatar, c’est en Inde qu’il se rend pour le cricket. Il attend avec impatience cette aventure, avec l’espoir de se faire de nouveaux amis et de plonger dans une culture inédite. Même s’il a découvert le cricket récemment, il l’a maîtrisé en un temps record. Pour lui, représenter son pays est un honneur et une opportunité à ne pas manquer. En dehors du cricket, il se passionne pour le football et le cyclisme.


Kersley Aurélien, 15 ans

kersleyOriginaire de Triolet, Kersley fréquent l’ONG Safire depuis trois ans. Il décrit le cricket, qu’il trouve accessible et amusant, comme un jeu où il suffit de « lancer la balle ». Ce voyage est une première pour lui et il le considère comme une opportunité intéressante. Toutefois, son objectif ultime reste la victoire. Il joue également au football.


Charline Laventure, 16 ans

charlineOriginaire de Bambous, Charline est une petite nouvelle chez Safire. Ses premiers pas dans le cricket n’ont pas été faciles, confie-t-elle, mais au fil du temps, elle est parvenue à maîtriser les subtilités du jeu. Passionnée par la course à pied, elle attend avec impatience cette première expérience hors de l’île. Pour elle, cette opportunité est une chance à ne pas laisser passer pour découvrir une autre culture.


Ashweehna Jeddedu, 15 ans

ashweenaRésidant à Montagne-Longue, Ashweehna a récemment rejoint l’ONG Safire. Le cricket, une discipline qui ne lui aurait jamais traversé l’esprit, est devenu son nouveau défi. Excitée par cette première expérience internationale, elle promet de donner le meilleur d’elle-même pour porter haut les couleurs de Maurice. En dehors du cricket, elle adore sauter à la corde, une passion qui dévoile sa détermination et son agilité.


Anastania Lisette, 14 ans 

anastaniaHabitant le village de Caroline, Anastania est bénéficiaire de Safire depuis deux ans. Son premier voyage la remplit d’excitation. Si la vitesse de la balle la terrifiait au début, elle maîtrise désormais le cricket avec assurance. Elle affirme qu’elle donnera tout sur le terrain pour que Maurice remporte ce tournoi mondial, comptant notamment sur l’esprit d’équipe. Anastania pratique également la boxe et le football. Pour elle, cette opportunité représente bien plus qu’un simple match ; elle offre une chance à tous les enfants des rues de montrer leur talent.


Alvina Jeddedu, 16 ans

alvinaRésidant à Montagne-Longue, Alvina vient à peine de découvrir le cricket, qu’elle a adopté avec passion. Entre le badminton et la course à pied, elle est une compétitrice dans l’âme. Elle se dit prête à relever ce défi avec détermination pour faire honneur à Maurice. « Cricket pe resi fer mwa parti », dit-elle avec un mélange de confiance et d’enthousiasme.


Qui gagne le match ?

Dans un match de cricket, l’équipe qui a le plus grand nombre de « runs » à la fin de ses manches est déclarée gagnante. Si une équipe a été incapable de jouer toutes ses manches en raison d’un nombre insuffisant de « runs » ou si le temps imparti pour le match expire, le résultat peut être déterminé par d’autres règles, comme le nombre de « Wickets » perdus ou d’autres critères selon le format du match. Si le match est limité par le temps (comme un match de Test) et se termine sans vainqueur par exemple, en raison de mauvaises conditions météorologiques, il peut se conclure par un match nul ou un match nul égal. Les résultats spécifiques peuvent varier en fonction du type de match et des règles spécifiques du tournoi ou de la compétition.

D’une piste à l’autre…

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Le championnat du monde de cricket comprend également un programme d’art et une conférence sur les droits des enfants. Ainsi, les enfants ont également consacré leur temps aux répétitions d’une performance de danse qu’ils présenteront lors de cet événement à Chennai, mettant en lumière la riche diversité culturelle de Maurice et le séga. La chorégraphie leur a été enseignée par deux bénévoles de la Krumania Dance Academy. Elles sont Anishta Mohadeb et Lovena Mohit. Leur mission a été d’apprendre à ces jeunes joueurs de cricket à danser afin qu’ils puissent briller davantage lors de cet événement international. 

Mardi 12 septembre, nous rencontrons la petite équipe de cricket de Safire à la Krumania Dance Academy, à Quatre-Bornes. Vers 11 h 30, les petits champions en herbe du cricket font leur entrée, rompant le silence qui règne dans la salle de danse. Leurs éducateurs les rappellent à l’ordre. Ils se changent avec enthousiasme, enfilant les costumes qui illumineront leur prestation lors du spectacle de danse, dans le cadre de la Street Child Cricket World Cup 2023. 

Une fois les enfants prêts, la musique démarre et ils s’élancent sur la piste de danse. Leurs chorégraphes, Anishta Mohadeb et Lovena Mohit, avec lesquelles ils ont noué une amitié, les accompagnent dans la danse, tout en apportant les ajustements nécessaires à leurs mouvements et pas. Sur les visages de ces jeunes se dessinent des sourires radieux. Voilà déjà un mois qu’ils se retrouvent pour une heure de répétition par semaine, s’efforçant d’atteindre l’excellence. 

Pour les deux chorégraphes, cette aventure est une belle expérience. « Les danseurs et danseuses de la Krumania Dance Academy sont très engagés socialement. Nous accompagnons bénévolement les enfants en difficulté ainsi que les adultes. Pour nous, c’est un immense plaisir de partager notre art et notre passion », indique Lovena Mohit.

Anishta Mohadeb se dit, elle, émerveillée par la motivation et la joie des enfants à chaque séance de répétition. « Nous avons tout fait pour donner la confiance nécessaire à ces enfants pour briller sur scène. Qui sait, l’un d’entre eux pourrait même devenir un danseur professionnel demain », soutient-elle. Les deux chorégraphes confient que les répétitions ont été intenses et que chaque enfant a donné le meilleur de lui-même. 

Le spectacle que l’équipe de cricket présentera en Inde mettra en avant la richesse culturelle et la diversité de Maurice à travers le séga. 

« Nous sommes convaincues que chaque mouvement, chaque costume, apportera une explosion de couleurs lorsque l’équipe de cricket de Safire montera sur scène. La Krumania Dance Academy est impatiente de voir ces enfants briller à l’étranger et nous souhaitons de tout cœur qu’ils reviennent à Maurice avec la coupe en main », affirme Anishta Mohadeb. 

Faire entendre la voix des enfants des rues sur la scène internationale

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Amanda Van Schellebeck

« En 2014, nous avons intégré le réseau de Street Child United. Cette participation de Maurice à la Street Child Cricket World Cup solidifie le travail des leaders d’équipes qui plaident en faveur des droits des enfants des rues, un aspect fondamental de cette aventure. Une équipe de Safire a participé à la Street Child Cricket World Cup en Angleterre en 2019. Maintenant, nous allons à Chennai », souligne Amanda Van Schellebeck, Administrative and Monitoring Coordinator de l’ONG.

C’est en 2019, dit-elle, que des éducateurs de l’ONG ont été initiés au cricket par un membre du conseil d’administration. « Aujourd’hui, ils transmettent avec passion cette discipline aux enfants, leur ouvrant ainsi les portes de nouvelles possibilités. Cela fait un an que nous enseignons le cricket à nos bénéficiaires. » 

Selon Amanda Van Schellebeck, un des moments forts de ce voyage pour l’équipe de cricket de Safire sera le trajet en train de Mumbai à Chennai. « Ils seront en compagnie de six équipes de cricket d’enfants des rues de différents États indiens. Je pense que ce sera une façon unique et aventureuse pour nos huit joueurs de découvrir l’Inde. Grâce au soutien de plusieurs sponsors, bénévoles et de donateurs privés, les billets d’avion des enfants et leur transport ont été payés. Quant aux équipements, des kits officiels leur seront remis par l’organisation Street Child United. » 

Elle souligne également l’importance cruciale de cette opportunité pour faire entendre la voix des enfants des rues de Maurice sur la scène internationale. L’Administrative and Monitoring Coordinator de Safire insiste sur la nécessité du dialogue sur les défis et discriminations auxquels les enfants des rues sont confrontés et l’importance de chercher des solutions pour leur assurer un avenir meilleur. Pour elle, l’éducation et le sport sont les outils les plus puissants pour lutter contre les fléaux, surtout la drogue.

 

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