Débats au Lycée des Mascareignes : l’indépendance de Maurice après un demi-siècle

On n’en finit pas de s’interroger lorsqu’il s’agit de faire une évaluation du chemin parcouru après l’indépendance de Maurice,  le 12 mars 1968 , soit 50 ans après . La question est à plusieurs volets étant donné que les avis divergent au niveau des communautés. C’est dans cette réflexion que réside la pertinence de l’exposé de Gilbert Ahnee, journaliste, qui, jeudi au Lycée des Mascareignes, est venu rétablir les faits à partir des chiffres, lors d’une conférence-débats organisée par l’Université Populaire de l’ile Maurice, intitulée « 50 ans : réflexions sur l’indépendance. »

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Au cours de ce débat auquel avaient été également conviés Roshni Mooneeram, écrivain et chercheur, Gillian Geneviève, enseignant et écrivain et Avinaash Munohur, docteur en philosophie, les intervenants ont chacun mis  l’accent sur un aspect spécifique de notre indépendance et sur certains enjeux auxquels Maurice est confronté. Roshni Mooneeram a retracé un aspect méconnu de notre peuplement, en  nous faisant revivre une partie de l’histoire des colonisations.

Le début de l’intervention de Gilbert Ahnee a été axé sur les résultats chiffrés des élections générales de 1967, qui, détaillés, démontrent que les votes dans les régions urbaines et rurales ne permettent pas de leur donner un caractère ethnique. Peu avant, il a fait référence à Anatole de Boucherville, entre autres,  qui dans le journal La Croix en 1913, avait émis  l’idée d’une nation libre. L’interprétation ethnique des résultats du scrutin de 1967 est une idée préconçue  qui, par la suite, fera croire à  l’existence d’un certain manichéisme ethnique. Sans doute est-il que du coté de certaines communautés minoritaires, vues comme des méchants à rebours de l’histoire, et de l’autre une communauté considérée comme étant du bon côté de l’histoire ayant soutenu l’indépendance, ont été amenées à se haïr en raison d’une interprétation simpliste des faits. En les rétablissant par les chiffres issus du scrutin de 1967, Gilbert Ahnee nous met devant un fait demeuré jusqu’ici dans l’obscurité  et qui doit nous interpeller  à revisiter le schéma classique et régressif qui a toujours été tenu comme critère pour la nomination des Premiers ministres de Maurice.

Quel rapport entre l’analyse que fait le philosophe français Michel Foucault de l’univers carcéral, et celui des camps sucriers et des champs de cannes mauriciens ? Avinaash Munohar, dans son exposé intitulé ‘Les Traces du colonialisme dans notre pays », s’est approprié du concept de Foucault pour dépeindre l’univers sucrier. Il l’a d’abord décrit  comme un espace de circonscription du corps et des idées et ensuite comme un univers aliénant selon la description marxienne du terme.Il a été  plus tard repris par le psychiatre Franz Fanon.

Si les barons sucriers n’avaient pas ce motif en tête lorsqu’ils firent appel à des dizaines de milliers de ‘coolies’ indiens, il n’empêche que le résultat peut ressembler à l’analyse que le philosophe français fait du milieu carcéral. Mais, il faudrait sans doute tempérer l’analyse d’Avinaash Munohar en  fonction de prêtres hindous au sein de ces communautés de ‘coolies’, celle des écoles d’hindi – les fameux baitka- , la préservation de certaines traditions ancestrales, qui ont pu donner un sentiment identitaire et unitaire à ces derniers. Ce qui a évité la destruction totale de leurs croyances, contrairement à la situation des anciens esclaves. Il n’existe, à ce jour, aucun ouvrage sur cet aspect du travail des coolies et son impact sur le psyché. On peut, cependant, raisonnablement penser que cet impact est demeuré  quasi nul au regard des progrès de la communauté hindoue  au sein de la population mauricienne, aidée en cela par la main invisible de l’histoire.

 

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