Interview

Dr Ramesh Durbarry, directeur général du Civil Service College: «On ne se bouscule pas au portillon du Civil Service College»

Dr Ramesh Durbarry, directeur général du Civil Service College
Lancé avec ambition cette année, le Civil Service College peine à décoller. Une situation qui préoccupe son directeur général, le Dr Ramesh Durbarry. Il attend 2016 pour lancer son offensive, car il doit assurer la formation de 85 000 fonctionnaires. Vous rentrez d’une mission de Singapour. Quel était l’objectif de cette visite? Je suis allé visiter le Civil Service College de Singapour et voir dans quelle mesure nous pourrions collaborer avec cette institution.
Votre constat?   J’ai été agréablement surpris par ce que j’ai constaté sur place. Là-bas, j’ai vu comment est situé le collège et comment sont dispensés les cours. Il y a une grande collaboration entre le collège et tous les ministères. J’ai été impressionné par la volonté des responsables de s’assurer que les fonctionnaires suivent les cours de formation. En fait, Singapour croit beaucoup dans la formation continue. Un parallèle avec la situation à Maurice? À Singapour, ils ont la vision 2050. Partout où vous allez, il y a des banderoles, des panneaux d’affichage qui vendent ce concept. Le message passe et rappelle constamment à la population ce qu’on attend d’elle. C’est une invitation à tous de réfléchir comment ils peuvent participer concrètement à cette vision. Même les plus petits. C’est une ’shared vision’ et elle incite la population à réagir et être partie prenante de cette initiative. À Maurice, nous avons notre vision 2030. Malheureusement, on ne sent pas le même engagement dans cette vision.
[blockquote] « Il ne sert à rien de ‘sit back and relax’ et attendre qu’on vienne vers vous. Il serait temps de se montrer intéressé et de prendre l’initiative. Il est important de ‘delearn’ and ‘relearn’ » [/blockquote]
Déjà, il faudrait que vous-même, en tant que DG du Civil Service College, preniez les devants… Laissez-moi souligner qu’à Singapour, les fonctionnaires doivent suivre 100 heures de formation par an, dont 60% liés à leur travail et 40% pour leur développement personnel. C’est une idée très novatrice. Les Singapouriens croient beaucoup en l’innovation. Ils estiment que ces formations inciteraient les fonctionnaires à devenir plus créateurs. Le plus intéressant, c’est que les fonctionnaires choisissent eux-mêmes leurs cours et leur ’release’ sont facilement approuvés par leurs chefs hiérarchiques. Ils ont aussi une charte de ’duties and responsibilities’ liée à leurs tâches. Ils ont des objectifs à atteindre, subissent des évaluations continues et sont éventuellement récompensés par des bonus qui sont des ’performance-based pay’. Quid de la situation à Maurice? Je dois admettre que nous peinons à décoller.
Pourquoi? Il y a plusieurs raisons à cela... N’avons-nous pas à Maurice un certain nombre d’heures recommandé de formation pour les fonctionnaires? Le Pay Research Bureau (PRB) recommande 40 à 65 heures de formation dépendant du grade du fonctionnaire. Il faut comprendre que la formation ne veut pas seulement dire un face à face, cela peut être une formation en ligne, à distance ou bien un coaching. Tout cela compte dans les 40 à 65 heures. Mais, ce n’est pas bien structuré. Pourquoi n’applique-t-on pas cette recommandation du PRB? Quand il s’agit de hausse salariale, c’est appliqué bien vite pourtant... Certaines personnes ont été formées, mais d’autres n’ont aussi jamais reçu de cours de formation ! Et là, c’est grave. La faute à qui? Peut-être à une communication déficiente entre les différentes parties prenantes. Peut-être que les ‘line managers’ n’informent pas leurs subordonnés. Peut-être que nul ne lit les recommandations du PRB qui ne sont liées à la grille salarial… La formation est un droit. Il faut en prendre avantage.

Parcours impressionant

À 46 ans, le Dr Ramesh Durbarry est bardé de diplômes. Avant de diriger le CSC, il était le directeur adjoint de l’Amity Institute of Higher Education. Il a été Head du département de Marketing, Tourism and Hospitality au Bedfordshire Business School du Royaume-Uni. En l’an 2000, il a développé le School of Public Sector Policy and Management à l’Université de Technologie et a créé le School of Sustainable Development and Tourism en 2008. Il a aussi travaillé à l’université de Nottingham en tant que Research Felllow et Associate Professor en Tourism Marketing and Management, entre autres.

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Que faut-il faire pour remédier à cette situation? Je pense que c’est aux agents d’interpeller leur responsable des ressources humaines pour savoir quand ils auront leur formation. Cette question, tous les fonctionnaires devraient la poser. Il ne sert à rien de ‘sit back and relax’ et attendre qu’on vienne vers vous. Il serait temps de se montrer intéressé et de prendre l’initiative. Il est important de ‘delearn’ and ‘relearn’. Vous avez lancé vos premier cours en novembre. Une première évaluation? Une première cuvée de 120 fonctionnaires a été formée. J’ai noté de l’intérêt, voire de l’engouement. J’espère que cela continuera. Tous les ministères jouent-ils le jeu? Pas tous. Comment expliquez-vous cela? Ils ne savent pas tous ce que nous faisons. Valeur du jour, on ne se bouscule pas au portillon du Civil Service College pour solliciter des cours de formation. Que font les ‘training committees’ des ministères, préconisés également dans le rapport du PRB? Il est du devoir des ‘chairpersons’ de ces comités d’établir un relevé des besoins en formation de leur ministère. Je dépends beaucoup d’eux. Je regrette le ‘poor response’, comme dirait l’Anglais. En tout cas, l’an prochain, on changera d’approche. J’ai tout de même une demande pour des cours en leadership et management. Il faut améliorer notre système, donner aux fonctionnaires les outils nécessaires pour qu’à leur tour ils puissent évoluer dans un monde en évolution. Quel est votre objectif pour 2016? Former 85 000 personnes, toutes les grades confondues, dans la fonction publique et les corps paraétatiques ! Ce n’est pas une mince affaire. On ne réalisera pas cet objectif tout seul. J’aurai besoin de l’aide et de la collaboration de tous nos partenaires. Je n’hésiterai pas à solliciter les institutions privées et les universités. Je suis confiant qu’en 2016, le Civil Service College prendra son envol. Il nous importe d’être plus visible. Je compte beaucoup sur les ‘chairpersons’ des ‘training committees’. Optimiste? Oui, je ne suis pas du genre à jeter les armes, d’autant plus que ce projet me tient à coeur.
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