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Escroquerie : ces pseudo-guérisseurs qui abusent de la confiance de leurs clients

Les voyants et guérisseurs étrangers opèrent dans un cercle fermé, souvent avec l’aide d’intermédiaires mauriciens qui font leur marketing.

Pseudo-guérisseurs et autres voyants distribuent des tracts avec leurs numéros de téléphone à travers le pays. Certains vont jusqu’à placarder des affiches dans les abribus. Nous avons sollicité l’un d’eux, opérant dans la région de Quatre-Bornes, pour avoir des renseignements sur ses consultations. Il prétend avoir « étudié à Madagascar » et mettre « beaucoup plus l’accent sur la prière que sur la magie noire ». 

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Le Défi Plus est entré en contact avec un « guérisseur et voyant ayant étudié à Madagascar » afin d’essayer d’en apprendre un peu plus sur son activité. Sur les tracts qu’il distribue, l’homme prétend pourvoir résoudre divers problèmes (santé, argent, vie conjugale, etc.) et même prédire l’avenir.   

Interrogé sur sa capacité à tout régler, il explique que cela dépend du problème spécifique, car il est parfois sollicité pour des situations complexes. « Bizin gete problem-la avan. Ena dimoun malsans. Ena dimoun rod melanz mesanste ek fer ditor lezot. Tousala ena. Je suis parfois appelé à arranger certaines relations. Ena koup pa pe tini, lerla zot vinn ar mwa. Mais je dois connaître la nature exacte du problème avant tout car mes pratiques ne relèvent pas de la magie noire mais plutôt de la prière. Mo pa fer sorselri mwa, mo pa fer ditor dimoun. Mo plis prie », précise-t-il. Le montant de sa consultation est fixé à Rs 200. Questionné sur d’éventuels paiements supplémentaires en cas de satisfaction, il répond que « cela dépend entièrement des clients ». 

La tendance de distribuer des tracts à travers le pays pour faire la promotion de services de guérisseurs et voyants a « refait surface depuis le début de cette année », indique-t-on au niveau des autorités. Par le passé, la police et la Tracking Team du Passport and Immigration Office ont mené plusieurs opérations pour traquer des escrocs qui sévissaient dans diverses régions. Il s’agissait d’étrangers (notamment d’Indiens) mais aussi de Mauriciens. Chacun d’eux avait son propre mode opératoire. Il semble que cette forme d’escroquerie en plein jour reprenne de l'ampleur.

« Au moins un cas recensé par mois dans chaque poste de police »

La police affirme qu’il y a « au moins un cas d’escroquerie présumée lié à un pseudo-guérisseur recensé par mois dans chaque poste de police ». La situation est encore plus grave car certaines personnes portent plainte pour attouchements sexuels. « Les pseudo-guérisseurs semblent profiter de la vulnérabilité de leurs clients pour satisfaire leurs désirs charnels. Sous prétexte de chasser les mauvais esprits lors de leurs supposées consultations, ils se livrent à des attouchements sur leurs clientes », explique un enquêteur.

Face à cette situation préoccupante, les autorités mettent en garde la population. « Il est essentiel de rester vigilant et de ne pas tomber dans le piège de ces escrocs qui exploitent la détresse et la vulnérabilité des gens. La lutte contre de telles pratiques frauduleuses reste une priorité pour la police, et il est nécessaire de sensibiliser le public aux dangers que représentent ces pseudo-guérisseurs et voyants qui abusent de la confiance des gens. »

Prison et amende

La loi est claire : « Nul n’a le droit de prédire l’avenir d’autrui en échange d’argent, de biens ou de faveurs sexuelles », peut-on lire dans le code pénal. Ce délit, qualifié d’escroquerie, est passible d’une peine d’emprisonnement comprise entre 6 mois et 30 ans selon la nature des faits et les circonstances, ainsi que d’une amende de Rs 50 000. En outre, obtenir des faveurs sexuelles dans le cadre d’une consultation de voyance est considéré comme un viol par la loi mauricienne.

Un père de famille : « Kan ou dan bez, ninport ki laport ou pou al tape »

Rencontré à Quatre-Bornes cette semaine, un père de famille de 75 ans s’est confié sous le couvert de l’anonymat. Son fils, âgé d’une quarantaine d’années et diplômé de l’université de Maurice, est sans emploi depuis dix ans. Il souhaite ardemment consulter un guérisseur pour « comprendre ce qui ne va pas ». « Je suis croyant mais il y a des choses qui se produisent dans votre vie qui restent inexplicables », dit-il. Pourquoi recourt-il à la voyance étant donné sa foi religieuse ? « Je ne crois pas à ces bêtises mais je veux comprendre pourquoi mon fils n’arrive pas à trouver du travail et pourquoi il est toujours célibataire à son âge. Ou kone kan ou dan bez, ninport ki laport ou pou al tape », répond-il.

Om Varma, sociologue : w« Des gens sont à la fois curieux et inquiets face à l’avenir »

Le sociologue Om Varma souligne que « des gens sont à la fois curieux et inquiets face à l’avenir ». Selon lui, certaines personnes font confiance à ces praticiens, tandis que d’autres restent sceptiques. « Il y a des changements dans la vie et nous sommes dans l’incertitude quant aux problèmes auxquels nous devrons faire face dans le futur. Nous avons tendance à rechercher un certain soulagement à travers les prédictions », explique-t-il. Cependant, il appelle à la vigilance. « Il faut se méfier de ceux qui prétendent pouvoir prédire l’avenir. Nous ne pouvons pas changer le cours du destin, mais nous pouvons changer nous-mêmes. C’est grâce à un état d'esprit positif et à la persévérance que l’on peut changer les choses en mieux », conclut-il.

La ruse des bracelets en cuivre à Rs 200... 

Il y a quatre ans, des ressortissants indiens en situation irrégulière à Maurice (après l’expiration de leurs visas de tourisme) utilisaient un stratagème particulier pour arnaquer les gens. C’était la ruse des bracelets en cuivre. Dans la pratique, ils choisissaient une personne au hasard et lui passaient un bracelet en cuivre au poignet tout en faisant semblant de prier. L’escroc réclamait ensuite Rs 200 au porteur du bracelet en disant que le bijou « sacré » ne devait « jamais être enlevé du poignet au risque de perdre la vie ».

D’autres pseudo-voyants abordaient de potentiels clients, toujours au hasard, et faisaient des « prédictions » sur leur avenir gratuitement. Si la personne voulait connaître la suite, les escrocs réclamaient une certaine somme d’argent.

Deux pseudo-voyants indiens ont également été arrêtés par la police en 2018. Ces derniers s’adonnaient à leurs consultations dans une maison aménagée qu’ils louaient pour Rs 2 500 par mois. Leurs séances de voyance duraient une quarantaine de minutes et mêlaient numérologie, astrologie, lecture des lignes de la main, lecture dans les coquillages et soulagement spirituel. 

Les deux individus arpentaient le marché de la région ou le centre-ville pour distribuer des brochures vantant leurs services et mentionnant leurs numéros WhatsApp. Ils proposaient aussi des solutions aux personnes confrontées à des problèmes financiers, éducatifs, amoureux ou judiciaires. Ils disaient même détenir le pouvoir d’« éloigner les ondes négatives, les mauvais esprits et les maladies, et d’accorder une protection aux deux générations à venir ».
 

 

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