Interview

Jacques Malié : «Le critère du ranking est plus juste»

Jacques Malié

Même s’il accueille l’introduction du Primary School Achievement Certificate, le pédagogue et ancien directeur du collège du Saint-Esprit, estime que pour avoir une répartition équitable des admissions dans les collèges à travers le pays, le 'ranking' est plus juste.

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L’introduction du Primary School Achievement Certificate (PSAC) n’est-il qu’un changement d’appellation du Certificate of Promary Education (CPE) ?
Le CPE a été contesté et décrié car ces examens entraînaient une compétition à la fois aux écoliers et à leurs parents. Le ministère de l'éducation a alors introduit le Continuous Assessment à travers le concept de modulaire qui consiste à étaler les examens, mais certains parents n’ont rien compris, les enfants continuant à prendre des leçons particulières pendant les vacances.

Il faudrait comprendre ces parents qui ne veulent que du bien pour leurs rejetons…
Il y a une culture qui s’est installée à Maurice : celle de la compétition. Il est alors difficile d’éradiquer la rat race dans cette conjoncture.

Pourquoi ?
Je pars du principe que, quelle que soit la formule, ce sont les examens qui détermineront l’admission au secondaire. Cette admission, avec la création des Académies, va conditionner le choix des collèges.

Ce problème de choix ne se poserait-il pas si tous les collèges avaient le même niveau, selon vous ?
La disparité de la qualité d’enseignement, des disciplines et de l’éventail des matières offertes est criante, d’où cette course vers les collèges catégorisés « bons ». Dire le contraire relèverait de l’hypocrisie.

Avec le concept modulaire qui est de permettre de prendre des matières, comme l’histoire-géo et les sciences en août, cela apporte-t-il un plus aux écoliers ?
Le Continuous Assessment réduit le fardeau, tout en conditionnant l’admission, soit être classés parmi les meilleurs. Cela inclut que le programme scolaire est échelonné, ce qui est à l’avantage des écoliers, balayant du coup le scepticisme de beaucoup qui estiment, à tort, que le programme n’est pas terminé avant ces examens en août.

Lors des examens d’histoire-géo et sciences, il y a eu des questions qui ne figuraient pas dans le syllabus. Comment expliquer cela ?
Ce qui s’est passé démontre à combien les parents sont soucieux des résultats. Dans tout examen, il y a des questions-pièges qui sont relatives au programme, mais dites différemment, permettant aux élèves de répondre selon leur bon sens et non selon ce qu’ils ont appris par cœur. Si, à la fin des corrections et le screening, le MES estime que la majorité n’a pu répondre à la question, celle-ci pourrait ne pas être comptabilisée pour tous.

Pour les récents examens de Arts en Upper VI, il y a eu un tollé quant au pittaya, qui devait être dessiné en préparatoire, mais ce fruit était indisponible sur le marché local. Il a été remplacé à la dernière minute par de l’ananas. Manque de professionnalisme ?
Cela prouve que Cambridge peut aussi se tromper. Il y a eu un rectificatif. Le problème a dû survenir au palier de la supervision qui devrait être renforcé au Mauritius Examinations Syndicate (MES). Il ne faut pas faire le procès du MES, étant difficile de faire le suivi pout tout ce qui touche à l’académique. J’estime qu’on a cherché la petite bête.

Les parents sont en colère quand ils ont appris que les résultats des examens de leurs gosses en Histoire-géo et sciences en Std V. Quelle logique ?
Tout examen mérite des résultats. D’autant que 50 % des points seront octroyés au grade supérieur. Si l’enfant a mal travaillé, ses points lui permettront de s’améliorer. Il n’y a pas de logique dans ce que le ministère de l'éducation a décidé dans cette rétention des résultats.

Pourquoi les écoles catholiques ont boudé le concept des Académies ?
L’idée de ces Académies découle du constat que la compétition s’installait à un trop jeune âge avec l’absence de discernement de l’enfant. Cela a été repoussé au Grade 9, soit à la Form III. Toutefois, ce sera un examen compétitif pour avoir accès à une des Académies. Les écoles catholiques privilégient depuis quelques années l’accent préférentiel avec l’introduction des collèges préprofessionnels, une politique d’inclusion, soit des classes présentant des compétences multiples (mixed abilities).

Dans ces collèges réfractaires au prevoc, on préfère les ‘gifted children’»

La ruée vers l’or n’est que reportée alors ?
Ce changement apportera deux conséquences, soit la course vers des collèges et le classement parmi les meilleurs. Il y a aussi la perte d’identité scolaire. L’enfant aura le choix de quitter son établissement qu’il a fréquenté  pendant sept ans et s’était familiarisé dans son environnement pour aller vers d’autres cieux. On crée ainsi des consommateurs de l’éducation. Pour la ruée vers l’or qu’est l’admission dans un bon collège, on la critique tout en l’adulant. Il y a un égo exacerbé de la part des parents. C’est une maladie incurable qui taraude l’égocentrisme de certains.

Craignez-vous le rush vers les écoles catholiques pour la prochaine rentrée ?
Il y aura une forte demande et il sera difficile de plaire à tous. Cet exercice de sélection en Grade 1 nous fera avoir plus d’ennemis. Que dire à ces parents dont les enfants n’ont pas été sélectionnés ? Tout simplement d’attendre que des places soient libérées en Form III, puisqu'il se peut qu’il y ait exode vers des Académies, et tenter leurs chances d’admission à partir d’examens internes.

Le concept Nine-Year Schooling va-t-il quelque peu atténuer la pression habituelle ?
On a la chance d’avoir une ministre qui est elle-même pédagogue et qui tente de bien faire. Dans le secteur de l’éducation, tout changement chamboule et entraîne des réfractions. Cela coince souvent avec des politiciens qui ont un agenda autre que l’éducation.

Est-on condamné à voir naître une nouvelle formule à chaque changement de gouvernement ?
C’est un fait qui est condamnable. Toutefois, l’éducation ne devrait pas être tributaire de la mainmise politique. Il faut une continuité, quitte à apporter de menus changements.

On part du principe avéré qu’il n’y a pas d’uniformité dans la qualité des collèges, publics et privés. Que dire à un parent, dont sa fille a eu 5 A et qui est canalisée vers un collège X pas très réputé, et une autre avec les mêmes 5 A qui est postée dans une institution huppée ?
C’est une question difficile à répondre. Ce genre de réflexion n’est pas le propre des Nine-Year Schooling. Au niveau des collèges catholiques, avec les mixed abilities qui préconisent les 5 A variant entre 20 et 24 unités. Il y a plus d’élèves avec 24 unités qui n’auront pas accès à ceux ayant eu 15 unités.

En clair, le concept de mixed abilities a préséance sur les meilleurs éléments ?
On prend les plus faibles, c’est un fait. Si l'on prenait les 24 unités, il n’y aurait pas de places pour tous.

Y aurait-il une différence entre avoir un A et un autre A ?
Malheureusement, cette calculation pour avoir un A n’est pas disponible.

Cela s’apparente-t-il à un ‘grading’ déguisé ?
Il y a deux questions qui n’ont pas de réponse : primo, la priorité sur la base des grades et des points et, secundo, que veut dire la proximité des zones. Est-ce à vol d’oiseau, au kilomètre près ? Il faut répartir les élèves dans le pays, je l’admets. Mais il est difficile de le faire, à moins de revenir au ‘ranking’.

Finalement, nous revoilà à la case départ avec le ‘ranking’ et ses gros sabots…
Le critère du ‘ranking’ est plus juste car il peut être expliqué, alors que les autres formules ouvrent la voie à des critiques.

Parlons prevoc. Est-ce un parc éducationnel où l'on envoie des enfants comme cobayes ?
Le prevoc est né du synode mis en chantier par le diocèse catholique. Il y a eu assimilation, intégration. Ces élèves portent le même uniforme que leurs amis du collège du ‘mainstream’. Une question de ne pas différencier.

Il y a aussi eu humiliation, un apartheid à la sauce mauricienne, vous conviendrez …
Dans certains collèges, il y a eu effectivement une forme d’humiliation, on marque la différence, on accepte ces élèves de force, des enseignants refusant de travailler avec eux. On considère cette catégorie d’élèves comme responsables de l’échec de l’établissement tout entier en matière de comportement, alors qu'on sait que certains élèves du ‘mainstream’. ont tout aussi, si ce n’est pire, des comportements plus qu’abusifs. Dans ces collèges réfractaires au prevoc, on ne conçoit pas qu’il y ait des recalés, on préfère les ‘gifted children’.

 

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