Interview

Jean-Claude de l’Estrac, secrétaire général de la COI: « Le sang malgache irrigue toute l’Indianocéanie »

La Commission de l’océan Indien (COI) reçoit à son siège, vendredi, le président de la République de Madagascar, Hery Rajaonarimampianina, invité d’honneur aux célébrations du 12 mars. Une occasion pour Jean-Claude de l’Estrac de souligner le destin commun des deux pays. [blockquote]Madagascar peut offrir à Maurice tout ce qu’elle n’a pas, et Maurice peut proposer à Madagascar tout ce dont elle a besoin.[/blockquote] Vous allez recevoir le président de la République de Madagascar  au siège de la COI,vendredi. Quelle est l’importance de la visite de Hery Rajaonarimampianina ? C’est un choix extrêmement heureux et le gouvernement mérite nos félicitations. D’abord, entre nos deux pays, il existe des liens de sang. De plus, ce sang malgache irrigue toute la région. C’est cette histoire commune qui constitue le substrat de l’Indianocéanie. C’est le passé, mais il y a surtout l’avenir. Il y a, dans cette étape de notre histoire, une nette complémentarité économique entre les deux pays. Madagascar peut offrir à Maurice tout ce qu’elle n’a pas, et Maurice peut proposer à Madagascar tout ce dont elle a besoin. Vous quitterez bientôt la COI. Comment définiriez-vous votre mandat de secrétaire général ? Intense et fructueux ! Je disais au début de mon mandat que je ferai mentir les COI-sceptiques. Pari réussi, si j’en crois nos ministres des Affaires étrangères qui viennent de dire publiquement, lors de la réunion du conseil qui s’est déroulée le 26 février à St-Denis, tout le bien qu’ils pensent de l’action de la COI au cours des quatre dernières années. Quelles sont les initiatives les plus marquantes de l’action de la COI? L’heure d’un bilan complet n’est pas tout à fait arrivée. Je quitte ma fonction le 15 juillet. Mais d’ores et déjà, je pense que ce qui restera quand on aura oublié tout le reste, c’est l’émergence sur la carte mondiale d’une région désormais connue comme l’Indianocéanie. Quand je suis arrivé à la COI, notre identité n’était que géographique, on parlait des ‘îles du sud-ouest de l’océan Indien’. Aujourd’hui, l’Indianocéanie est une région distincte qui a fait valoir sa spécificité tant au plan politique que culturel. Je ne désespère pas de faire entrer le mot dans le dictionnaire. Mais déjà nous avons gagné la bataille de l’usage par les politiques, les scientifiques et les médias. Des regrets? Oui, un immense regret. Celui de n’avoir pas réussi à convaincre nos pays membres de transformer la Commission en Communauté de l’océan Indien. Cela aurait mis la COI au même plan que les autres communautés économiques régionales. Le plus frustrant, c’est que cet échec est dû à des malentendus. Y aurait-il des chantiers inachevés? Bien sûr ! La COI va se doter d’un nouveau plan de développement stratégique qui couvrira les prochaines années dans la continuité des chantiers lancés. Nous venons de nous assurer d’un financement du Fonds européen de développement pour la période 2015-2020. Nos projets sont structurants, ils exigent un long temps d’exécution mais ils sont sur les rails, que l’on parle de compagnie aérienne régionale, de desserte maritime et de fibre optique, de sécurité alimentaire, de gestion des catastrophes ou de veille sanitaire… Vous auriez voulu rester plus longtemps ? Non, je ne souhaite pas jouer les prolongations. Un secrétaire général mauricien, c’est déjà une dérogation. Votre candidature au poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie… Quelle expérience en tirez-vous ? Des regrets de n’avoir pas été élu? Belle expérience et aucun regret. Je viens de me rendre compte à nouveau combien cette campagne a marqué les esprits en Afrique. Si vous lisez l’argumentaire qui me vaut un Award à la première édition des Africa World Wide Awards, vous constaterez que ce sont surtout les idées développées lors de cette campagne sur l’industrialisation, la gestion des diversités culturelles, les nouvelles formes de croissance durable, et l’intégration économique qui ont retenu l’attention en Afrique. Après la politique partisane, un engagement au niveau de la région (une autre forme de politique), journaliste, éditorialiste… On imagine aisément que vous ne prendrez pas votre retraite de sitôt ! What next ? Les options sont plus nombreuses. Je me suis fixé un délai pour décider, mais j’ai décidé que je ne prendrai pas de retraite. J’ai déjà essayé, je ne suis pas doué… La MBC, un chapitre clos? La porte est vraiment fermée? Clos ! Un retour en politique, est-ce envisageable? Non ! Un bilan du gouvernement après 14 mois au pouvoir? Plus de politique, vous dis-je ! Si l’éditorialiste devait se réveiller, ce serait une autre paire de manches. Mais ce n’est pas ce à quoi je pense en me rasant chaque matin… Mais déjà les salles de rédaction parlent de votre retour dans la presse. Qu’en est-il exactement ? C’est une option mais une réorientation n’est pas exclue.

Riche carrière

Âgé de 68 ans, Jean-Claude de l’Estrac a eu une riche carrière dans la presse et dans la politique. Il a été conseiller municipal, député et ministre des Affaires étrangères. Il a succédé depuis juillet 2012 au Seychellois Callixte d’Offay au poste de secrétaire général de la Commission de l’océan Indien (COI). Il est aussi l’auteur de plusieurs livres, dont L’histoire racontée à mon petit-fils, Mauriciens enfants de mille races, Mauriciens enfants de mille combats, Passions politiques, Maurice 1968-1982 et L’an prochain à Diego Garcia,  une saga politico-légale sur les Chagos. Récipiendaire du Prix Nicholas Lambert, il a aussi été fait Chevalier de l’Ordre du mérite de Madagascar et Officier de la Légion d’honneur par la France.

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