Interview

Jean-Michel Pitot, CEO du groupe Attitude : «L’industrie touristique bénéficie d’un ‘feel good factor’»

Jean-Michel Pitot

Le groupe hôtelier Attitude fête ses 10 ans cette année. L’occasion pour son Chief Executive Officer, Jean-Michel Pitot, de parler du développement du secteur touristique et des dangers qui le guettent.

Publicité

Vous êtes le Chief Executive Officer (CEO) d’un des principaux groupes hôteliers du pays. Avec plus de 100 établissements et une multitude de groupes déjà présents, comment se démarquer face à une concurrence de plus en plus féroce et diversifiée ?
Nous avons créé une marque forte et un positionnement différent. Notre offre consiste à entraîner nos hôtes à vivre des expériences locales et dans des établissements hôteliers au style contemporain et au charme mauricien. Nos expériences permettent la rencontre avec la vraie, la belle âme de l’île Maurice, bien au-delà de ses attraits touristiques traditionnels. À travers nos expériences Otentik Attitude, nos hôtes sont transportés au cœur de l’histoire, de la culture, de la gastronomie et de l’hospitalité mauricienne. Et c’est avec cette marque aujourd’hui que nous arrivons à séduire et fidéliser nos hôtes et partenaires.

Les groupes hôteliers sont souvent critiqués pour leur politique de All Inclusive, alors qu’Attitude emprunte un chemin différent en s’ouvrant vers l’habitant et l’authenticité. Pourquoi avoir opté pour cette voie ?
Le All Inclusive est un faux débat et on entretient une mauvaise perception du All Inclusive à Maurice. C’est une part de marché non négligeable de nos arrivées touristiques. Nous devons répondre à une demande du marché, une tendance mondiale et adoptée par toutes les destinations. Le All Inclusive n’est pas un choix que nous prenons. Il est un nouveau mode de consommation de vacances et il nous est demandé par nos clients. Il s’agit là de la loi de l’offre et de la demande. Si nous ne voulons pas perdre des arrivées touristiques au profit d’autres destinations, nous devons aussi avoir une offre All Inclusive.

Notre concept encourage l’interaction avec les Mauriciens hors de nos établissements. Par exemple, parmi l’une de nos expériences Otentik Attitude, nous avons le Otentik Dinner, le dîner chez l’habitant. Nos Family Members reçoivent chez eux les hôtes pour un dîner local, et l’intégralité de la quote-part du dîner est reversée au Family Member. Une autre expérience que nous avons développée est le Otentik Discovery, une application de géolocalisation disponible sur Play Store et App Store, au départ de nos établissements et qui propose plusieurs circuits ayant pour but de permettre aux hôtes de découvrir à pieds, à vélo ou encore par bus, les alentours de l’hôtel, soit les pêcheurs, les bonnes adresses, les boutiques du coin, Goodlands etc. Le dernier itinéraire que nous avons lancé est le Street Food à Port-Louis, au départ de l’Aapravasi Ghat ; les hôtes peuvent découvrir les boulettes, le dholl puri Mimoza, le rôti Aka, ou l’Alouda Pillay au bazar de Port-Louis.

Le groupe Attitude est en pleine expansion. Quelle est son ambition ?
Nous allons en priorité renforcer l’expérience client et consolider notre guest satisfaction pour être en parfait accord avec notre promesse de marque authentique. Nous étudions les opportunités pour étendre nos opérations à Maurice ou encore exporter notre savoir-faire et notre marque sur la région.

Le All Inclusive est un faux débat et on entretient une mauvaise perception du All Inclusive à Maurice.»

Faut-il introduire des mesures ou « incentives » pour protéger les groupes hôteliers locaux ?
L’hôtellerie n’a pas besoin de mesures additionnelles à ce jour, car l’industrie touristique bénéficie aujourd’hui d’un feel good factor. Les résultats le prouvent. Par ailleurs, tout un chacun doit apprendre à gérer la concurrence, cela du moment qu’elle est saine. En revanche, le succès de la destination est largement influencé par l’image reflétée par son hôtellerie. Il est primordial de ne pas mettre ce meilleur atout en danger et il faudrait s’assurer que l’hébergement hors hôtel et les services proposés soient contrôlés pour être au même niveau que celui pratiqué dans l’hôtellerie. Il faudrait s’assurer que toute l’offre hébergement et activités annexes aient pour benchmark, le service hôtelier.

Est-ce qu’il est encore possible de se développer sur le plan local et si oui, de quelle manière ?
Nous pensons qu’il faut savoir saisir les opportunités. Sur le plan local, nous avons construit notre marque inspirée de notre île et il y a toujours matière à se développer par le biais d’acquisitions ou de structures existantes. Il y a localement des structures hôtelières existantes à fort potentiel qui pourrait être relancées au travers d’un positionnement marketing clair. Cependant, les coûts d’acquisition restent élevés. 

Le groupe a-t-il des ambitions régionales ? Si oui, lesquelles ?
Nous pensons être prêts pour un développement régional dans un futur proche. Mais avant d’y arriver, il nous faut d’abord nous assurer que nous avons une marque forte et qui pourrait s’exporter, ainsi qu’une structure organisationnelles composée d’une équipe solide pour prendre des challenges hors de nos frontières.

Le tourisme sac-à-dos reste mal vu. Les plus critiques disent qu’on est en train de brader la destination Maurice afin de pouvoir gonfler les arrivées touristiques. Partagez-vous cette opinion ?
Le touriste sac-à-dos est un positionnement comme un autre. Il est faux de dire que Maurice est une destination sac-à-dos car nous sommes, ce que nous appelons, une destination longue – 11 heures de vol depuis l’Europe et un peu moins depuis l’Asie. Le billet d’avion moyen est à 800-1 000 euros depuis l’Europe, qui est notre plus grand marché émetteur. Ce budget est relativement élevé pour les touristes sac-à-dos. De plus, nous n’avons, à Maurice, aucune structure pour accueillir ce genre de touristes. Pas de camping aménagé pour commencer, par exemple.

Quelle devrait être la politique pour que le secteur soit durable ?
Nous devons continuer à ambitionner pour la destination, d’une promotion de la destination soutenue, efficace et actualisée au travers des moyens de communication actualisés, le numérique par exemple. Nous devons être en mesure de proposer des produits d’hébergement qui reflètent une certaine qualité, peu importe la gamme. Je précise que la qualité ne doit pas être associée au luxe uniquement. Il est possible d’offrir des produits de qualité dans tous nos services, qu’ils soient des services hôteliers ou des activités touristiques annexes. La qualité devrait être le maître mot de notre développement touristique.

Je pense aussi que la formation des jeunes est importante pour soutenir notre industrie. Il est primordial de pouvoir motiver les jeunes à embrasser une carrière dans le tourisme. 

La propreté de notre île est quelque chose dont nous devons également nous préoccuper et cela devrait être une priorité. L’île n’est pas ce qu’on pourrait qualifier de propre ; certaines zones doivent être embellies. Il y a aussi la protection de notre environnement de manière générale mais surtout de la préservation de notre environnement marin. Notre lagon est un pilier de notre produit touristique. Je pense sincèrement que nous devrions également être prudent lors du développement de nouvelles économies, qui pourraient impacter directement sur nos activités touristiques. Le développement des fermes aquacoles est, selon moi, une prise de risque trop élevée pour notre industrie touristique. Et finalement, je pense que nous devons continuer de tout mettre en œuvre pour s’assurer d’être une destination « safe and secure. »

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !