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Julie Etiennette : «Les enfants de Roche-Bois peuvent briller»

Elle est l’un de ces nombreux enfants de Roche-Bois qui ont su démentir les préjugés qui ont cours sur ce faubourg de la capitale. Julie Etiennette poursuit actuellement sa quatrième année d’études à l’Université de Maurice en Sciences sociales.  Elle raconte sa vie et son quartier.

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«Roche Bois ne se résume pas à la drogue, bagarre et misère… » C’est le cri du cœur de ce petit bout de femme de 24 ans. Aînée d’une famille de trois enfants, Julie est la fille de Gaëtan et Stella Etiennette, agent de sécurité et femme au foyer respectivement. Ancienne élève de l’école Saint François Xavier et du collège d’État Colline Monneron à Port-Louis, Julie n’a jamais pensé qu’elle irait jusqu’à l’université. « J’ai même voulu arrêter l’école en Form III car je trouvais que les études étaient trop difficiles. D’autant que pour moi c’était normal de ne plus aller à l’école si on n’en avait pas envie. C’est un peu l’exemple que je voyais autour de moi. » Mais ses parents ne l’entendaient pas de cette oreille. Ils l’ont encouragée et convaincue de l’importance de l’éducation pour réussir sa vie. « Mes parents ont appris pas mal de choses à travers les formations du Mouvement pour le Progrès de
Roche-Bois (MPRB), notamment à travers le programme Ecole des parents. »

Julie a fait partie des enfants bénéficiaires de MPRB depuis le primaire. « J’ai suivi le programme d’Accompagnement scolaire et social du centre ainsi que des formations résidentielles. J’étais aussi membre du Club de lecture et d’écriture. Un cheminement avec les autres enfants de mon quartier qui m’a beaucoup appris sur les réalités de la vie. » C’est ainsi que son HSC en poche, Julie a voulu à son tour aider les autres enfants de la région. Elle s’est engagée comme animatrice volontaire du projet d’Accompagnement scolaire en 2012. Un an après, les responsables du MRPB lui ont proposé un poste permanent de secrétaire administrative. « C’est une grande fierté pour moi d’autant que je suis très reconnaissante envers le mouvement. »

Le regard des autres

La remise de certificat à l’ICJM pour le parcours de Leadership Social.

Dans la foulée, Julie est acceptée à l’Université de Maurice dans la faculté des Sciences sociales. Elle boucle en mai prochain sa quatrième et dernière année d’études. « Au départ, j’avais peur du regard des autres. Je me demandais ce que les autres étudiants penseraient ou diraient de moi, fille de Roche-Bois. D’autant qu’il y avait dans ma classe des employés de la Sécurité sociale et d’autres fonctionnaires. » Ils étaient tous surpris et, certains agréablement, d’accueillir une jeune fille de Roche-Bois à l’UoM. La jeune fille aura même droit à toutes sortes de questions sur son quartier. Si c’était vraiment dangereux d’y circuler, s’il y avait toujours des bagarres, la drogue… « Je leur ai expliqué que Roche-Bois avait beaucoup évolué et qu’on pouvait marcher tranquillement sans se faire agresser ‘or whatever’. Il faut juste ne pas avoir peur ou snober les gens dans la rue. Je leur ai même dit que les toxicomanes sont les premiers à venir vous prêter main forte en cas de pépin. »  Durant ces quatre dernières années, Julie aura été en quelque sorte l’ambassadrice de
Roche-Bois à l’UoM.  « Grâce à moi, les regards ont changé et les préjugés ont été modérés, du moins en ce qui concerne ceux que j’ai côtoyés. »

Sa réussite, Julie l’attribue essentiellement à ses parents. « Ce sont eux qui m’ont encouragée. Pour mes études à l’université, mon papa a tenu à tout payer lui-même. Je suis très fière de mes parents. Même si moi je n’ai pas été admise dans un collège national, ma sœur et mon frère eux y sont arrivés. Cela, grâce aux efforts de mes parents. » En effet, Anaëlle, la petite sœur, après avoir fréquenté le collège Droopnath Ramphul, a trouvé aussi sa place à l’Université de Maurice. Michael, le petit frère, fréquente quant à lui le collège Royal de Port-Louis.

« J’aurais finalement été le bon exemple pour mes cadets. Moi en tant qu’aînée, je n’avais pas eu cette chance. C’est peut-être pour cela que j’ai voulu à un certain moment abandonner l’école. Je n’avais vraiment aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie, je ne pensais même pas aller à l’université. » Julie souligne aussi le rôle de ses grands-parents qui ont toujours soutenu la famille. En particulier, son grand-père paternel qui accorde une attention particulière aux études de ses petits-enfants. « Il nous accompagnait aux leçons particulières, nous déposait et nous récupérait à l’école. Bref, l’encadrement familial est primordial pour la réussite des enfants. »

« Y en a partout »

Julie avec ses amies du collège d’État Colline Monneron à Port-Louis.

Autant que se souvienne Julie, c’est suite aux émeutes de 1999 que l’image de Roche-Bois s’est ternie davantage. « Mais comme je n’arrête pas de le dire à mes amis, ce n’était qu’un malheureux événement de l’Histoire. Oui, il y des drogués, voire des trafiquants, des familles qui vivent dans des conditions d’extrême pauvreté… Mais ce n’est pas pour autant que c’est tous les jours la  bagarre. La cité n’est pas à feu et à sang au quotidien. » Tant et si bien que la jeune femme n’a jamais pensé vivre ailleurs que dans ce quartier de Port-Louis. « Je suis née ici. C’est ma terre et je ne me vois pas quitter ma cité. Cela ne m’a même jamais effleuré l’esprit. J’aime ma vie ici, des méchants et des gentils y en a partout. »

Elle conseille ainsi aux jeunes de son quartier de ne pas baisser les bras, de persévérer et de ne pas tenir compte des on-dit et des préjugés. « La drogue ou la pauvreté ne doivent pas être considérées comme une fatalité. Au contraire, ces réalités doivent nous motiver à aller plus loin et à prouver que même ‘zenfan Roche-Bois capav  briye’. Et là, je pense à notre lauréat qui lui aussi était un bénéficiaire du MPRB. » Julie, déjà travailleuse sociale dans l’âme, lance aussi un appel aux autorités : « Elles devraient être plus attentives et faire une évaluation sérieuse des besoins des habitants du quartier. Elles doivent descendre sur le terrain, aller voir les conditions dans lesquelles vivent certains et leur donner les moyens appropriés pour s’en sortir ».

Alors qu’elle n’avait aucune ambition lorsqu’elle était toute jeune, Julie a aujourd’hui des rêves plein la tête : que les regards changent sur Roche-Bois ; que l’île Maurice ne connaisse  plus de magouille, de corruption et de barons de drogue ; être enseignante ; et last but not least, faire un grand voyage à l’étranger… C’est tout le mal que nous lui souhaitons !

 

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