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La Commission de l’Océan Indien : pour une nouvelle culture erratique indianocéaniques

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La Commission de l’océan Indien (COI) a fait la une des médias régionaux ses dernières semaines au sujet « de mauvaise gestion de ses finances » et « qu’il y a avait du désordre dans la maison » avec des déficits de Rs 28,6 millions durant la période 2011 à 2015. Malheureusement le traitement de ce problème dans les médias n’a pas éclairé vraiment l’opinion publique de l’Indianocéanie.

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La question qui mérite une réponse claire est « Est-ce que ce problème relève beaucoup plus d’un dysfonctionnement de son secrétariat général ou d’une mauvaise interprétation du rapport d’audit des budgets du secrétariat général de la COI ». Mis à part Maurice, la diplomatie du silence choisie par les autres pays membres et les bailleurs de fonds de la COI, en particulier, l’Union Européenne, n’a malheureusement pas aidé non plus à clarifier la situation.

La position du CEDREFI

Le CEDREFI crée en 1981, est une ONG qui reste attachée à la promotion et au développement de la coopération régionale au sein de l’Indianocéanie et l’organisation trouve que le Communiqué de la COI la semaine dernière est venu rectifier le tir et rétablir certains faits pertinents afin que les parties prenantes à l’Indianocéanie puissent voir plus clair dans ce dossier. Aussi le ton polémique du traitement médiatique démontre que la COI ne laisse pas les médias de la zone indifférents et la COI doit veiller à ce que son image ne soit pas ternie par de mauvaises interprétations.

Pour le CEDREFI, il n’y a rien d’anormal que des « dysfonctionnements » ou des problèmes de gestion, selon la posture qu’on adopte, se produisent au sein d’une organisation comme la COI. La question fondamentale n’est pas qu’il y ait des problèmes, mais s’il existe des mécanismes en place au sein du Secrétariat Général pour prévenir, détecter et apporter des mesures correctives là où c’est nécessaire et à chaque fois que ce gendre de problème se manifeste ? Après tout quelle institution nationale, régionale et internationale n’est-elle pas confrontée à un moment de sa vie à des problèmes de gestion ou d’interprétation des rapports d’audit ou d’évaluation ? Le tout c’est d’éviter tout dérapage inutile.

Gouvernance et Communication de la COI

Le plus important pour le CEDREFI est que la COI consolide sa gouvernance et ses mécanismes de communication et fasse preuve de plus de pédagogie dans sa démarche, surtout qu’elle prenne en considération le fait qu’elle est plus redevable vis-à-vis du peuple de l’Indianocéanie et de ses institutions démocratiques.

Après tout, comme le confirme le Communiqué de la COI en date du 27 octobre 2017, le Secrétariat Général de la COI est financé à 90% par les contribuables de l’Indianocéanie.

Par conséquent, la COI doit rendre des comptes, dans un souci d’une plus grande transparence et de bonne gouvernance, aux contribuables de la zone. Ce souci de transparence nécessite dans l’avenir que la COI non seulement rende public les comptes audités du Secrétariat Général, mais aussi qu’elle rende accessible le rapport de son Comité d’Audit et de son Comité de Budget. Aussi, il ne suffit pas de publier les chiffres dans le rapport annuel, mais dans un esprit de transparence et d’accessibilité de l’information, la COI a le devoir de faire un effort PEDAGOGIQUE auprès des populations et des parties prenantes dans l’Indianocéanie afin d’assurer qu’il n’y ait pas dans l’avenir des confusions voire de mauvaises interprétations de ses informations sensibles et combien utiles pour les représentants des populations et les autres parties prenantes au processus de la coopération régionale. Une telle démarche permettra à nos différentes parties prenantes à la construction de l’Indianocéanie de porter un jugement objectif et balancé sur l’utilisation des fonds alloués par les contribuables de la région d’Indianocéanie.

La COI qui a besoin de sérénité pour fonctionner est une institution trop importante dans le Sud-Ouest de l’océan Indien (surnommé le Trapèze des Mascareignes) pour qu’on la laisse s’enliser dans des polémiques qui sont stériles et qui desservent les intérêts de l’organisation et des pays de la région. Voilà des leçons à retenir pour l’avenir à tous ceux qui sont attachés à l’Indianoceanie.

Le paradoxe mauricien

Cependant, depuis sa création, la COI a toujours eu d’une part, des ardents promoteurs, qui se sont battus et qui continuent à le faire pour que la COI connaisse des avancés, et d’autre part, des « COI-Sceptiques » qui n’ont jamais cru en la nécessité d’une organisation comme la COI pour défendre et promouvoir les intérêts des Petits États Insulaires en Développement (plus connu comme SIDS – Small Island Developing States) du Sud-Ouest de l’océan Indien mais surtout car elle est la seule Organisation Intergouvernementale composée exclusivement des États insulaires de l’Afrique.

Donc il n’a rien de nouveau dans le ciel indianocéanique. Cependant certains de ses « COI-Sceptiques » tant dans le secteur public et du privé mauricien se sont par la suite convertis en grands bénéficiaires lorsque la COI a pu mobiliser des ressources financières et a commencé à structurer les relations régionales. De plus, les plus irréductibles au sein de l’État mauricien ont toujours eu une attitude opportuniste et sans conviction en préconisant ‘Prend kasse la e pas kasse la tet avek rezilta’.

Cette attitude mauricienne a contribué à l’absence de cohérence au niveau de certains projets/programmes et la faiblesse de liens organiques entre la politique sectorielle au niveau national et les programmes régionaux de la COI. Il est vrai que ce problème n’est pas propre à Maurice, mais il a pris une tournure particulière dans beaucoup de projets. Ce qui explique que dans beaucoup de cas, une fois que le financement arrive à sa fin, les documents et les publications se retrouvent dans des cartons et l’État n’est pas en mesure de poursuivre à son compte le processus généré par les projets ou se trouve dans l’incapacité d’intégrer les résultats du projet dans le processus de politique publique au niveau national.

Les défis de la présidence mauricienne

Le processus de l’indianocéanie a de beaux jours devant lui, mais encore faut-il bien cerner les priorités régionales et ne pas perdre son temps dans des choses futiles ou disperser ses ressources limitées. Les grands chantiers structurants initiés pendant ses cinq dernières années vont dans la bonne direction et doivent se poursuivre. Cependant, en parallèle, le CEDREFI pense qu’il y a certaines questions qui méritent une attention particulière afin de consolider le processus de l’Indianocéanie. Nous soumettons ci-dessous à la Présidence mauricienne les quelques thématiques que nous jugeons importantes pour que l’Indianocéanie poursuive la consolidation du processus de l’Indianocéanie.

Indianocéanie

L’Indianocéanie correspond en tant que projet à la formation d’une entité économique, sociale, environnementale, culturelle et politique regroupant les îles et archipels du Sud-Ouest de l’océan Indien »

Le CEDREFI a toujours cru dans la coopération régionale à travers le concept de « l’Indianocéanie ». D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le « I » dans le sigle du CEDREFI signifie Indianocéanie. Cela remonte à 1980 basé sur la thèse de Doctorat de Troisième Cycle du père fondateur du CEDREFI, feu Dr Pierre Yin qui s’intitulait « Pour une Intégration Régionale entre l’Île Maurice et d’autres îles du Sud-Ouest de l’océan Indien (les Comores, Madagascar, La Réunion et les Seychelles), Université Lyon II, France. »

Le Sud-Ouest de l’océan Indien qui est composé exclusivement des îles doit exister en tant que région et l’Indianocéanie est le concept porteur de cette vision d’une communauté de destin et qui va dans le sens de l’histoire. Au fil des décennies, ce concept a été façonné depuis l’époque coloniale et il a été repris par la suite par des philosophes, des penseurs, des romanciers, des contemporains notamment des hommes politiques, des partis politiques, des chercheurs et universitaires, des journalistes, des leaders de la société civile des îles du Sud-Ouest de l’Océan Indien. Le Dr Pierre Yin en 1980 est allé au delà des idées de Camille de Rauville dans son texte intitulé « Sur un Indianocéanisme » (1961) en intégrant à ce concept la notion de développement.

Selon le Dr Pierre Yin, « l’Indianocéanie correspond en tant que projet à la formation d’une entité économique, sociale, environnementale, culturelle et politique regroupant les îles et archipels du Sud-Ouest de l’océan Indien » et va dans le sens du développement durable tel qu’il est perçu aujourd’hui.
La COI demeure donc l’institution incontournable de l’océan Indien qui est à même de défendre les particularismes de ces sociétés insulaires et d’assurer la représentation des intérêts spécifiques des îles de l’Océan Indien auprès des instances régionales et internationales. S’il y avait une autre structure alternative à la COI, cela se saurait, n’est-ce pas !!!


L’élargissement de la COI

Malgré les critiques vis-à-vis de la COI, les initiatives et les actions de la COI ne laissent pas les autres États membres des Nations Unies et les agences multilatérales indifférents. La preuve, s’il en fallait une, est que les bailleurs de fonds que ce soit au niveau bilatéral ou multilatéral continuent à soutenir la COI. Par ailleurs, la Chine a bénéficié d’un statut d’observateur à la COI et tout récemment, l’Indian Ocean Rim Association a demandé un statut d’observateur auprès de l’organisation.

Cependant, la consolidation de la COI passe par un renforcement de sa spécificité insulaire à travers l’adhésion d’autres États insulaires de la zone Océan Indien. D’ailleurs, le Sri Lanka et les Maldives ont déjà exprimé leur intérêt pour devenir membres de la COI. Soulignons que le Zanzibar, qui fait partie de la République de la Tanzanie, participe déjà sur une base ad hoc à certains programmes de la COI.

La Présidence mauricienne doit pouvoir initier durant le mandat actuel, un début de dialogue avec les États qui ont manifesté le souhait de faire partie de la grande famille Indianocéanique. Les adhérents potentiels peuvent contribuer au renforcement de la spécificité insulaire de la COI tout en consolidant la représentation des États insulaires de l’Océan Indien au niveau international et aux Nations Unies.

Dans un premier temps, le statut d’observateur pourrait être accordé aux membres potentiels qui le souhaitent. C’est aussi dans ce cadre que le CEDREFI placerait la proposition de transformer la COI en une « Communauté de l’Océan Indien ». Cependant, cette question est trop importante pour être laissée aux mains des seuls « experts ». Dans un souci de transparence et une démarche participative, le CEDREFI demande que le rapport commandité par la COI soit rendu publique et que la COI organise une concertation structurée dans l’Indianocéanie avant de soumettre ses propositions aux chefs d’État et de gouvernement de l’Indianocéanie.

Dans ce même contexte, la COI doit pouvoir aborder la question de la libre circulation des îliens d’un État à l’autre. On connaît toute la difficulté qu’éprouvent de nos jours certains ressortissants de certains pays membres de la COI à circuler d’un État à l’autre dans l’Indianocéanie. Par exemple, il est beaucoup plus facile pour un Européen de circuler dans l’Indianocéanie qu’il ne l’est pour certains citoyens des pays membres de la COI. Au moment où on parle beaucoup de l’économie bleue, la mer reste le lien organique qui unit toutes les îles de l’Océan Indien, et l’exploitation raisonnée des ressources de la mer de l’Océan Indien pourrait devenir un levier de développement majeur de la zone pour le bien-être des peuples de l’Indianocéanie. L’élargissement s’inscrit aussi dans cette démarche là.


Redéfinir le partenariat et le dialogue politique

Si des progrès ont été accomplis entre les parties prenantes de la coopération régionale dans la région et des structures de coopération sectorielle comme la Chambre de Commerce des Îles de l’Océan Indien ou le Réseau Récif etc. ont émergé, il n’en demeure pas moins que le partenariat COI-Société Civile demeure le parent pauvre de cette coopération dans l’Indianocéanie.

La société civile n’est pas traitée sur un pied d’égalité comme c’est le cas du secteur privé. Il faut reconnaître que cette coopération reflète l’état des relations de partenariat tel qu’il existe dans chaque État membre de la COI et que, collectivement, la société civile est relativement faible. Aussi, le Secrétariat Général n’a pas su et n’a pas pu au fil des années assurer la pérennisation des partenariats soit sectoriels ou avec des partenaires de la société civile engagée dans le processus de coopération régionale au même titre que le secteur privé.

Il y a donc une nécessité de mettre à plat cet axe de coopération et de redéfinir un cadre de coopération renforcée avec des partenaires de la société civile qui sont compétents et qui ont la capacité de s’engager activement et de porter le processus de l’Indianocéanie autour de l’axe de développement durable dans ses multiples dimensions. Dans ce contexte, la COI doit pouvoir mettre en place un « Comité de Pilotage Tripartite », composé des représentants de l’État, du secteur privé et de la société civile au niveau régional autour de chaque programme de la COI.

Une telle démarche permettra une plus grande participation des parties prenantes de l’Indianocéanie. Cependant, la COI doit en permanence tenir compte de l’évolution en cours au niveau régional et international afin de répondre aux attentes des populations de l’Indianocéanie. Dans ce contexte la COI reste un forum de concertation et d’action intergouvernementale pour les États insulaires de l’Océan Indien sur des sujets d’intérêts commun touchant le développement durable au sens large du terme.

 

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