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La réforme du système parlementaire mauricien

Doit-on apporter des changements au système actuel ? Nawaz Noorbux et Jugdish Joypaul ont posé la question à l’ancien Speaker de l’Assemblée nationale, Razack Peeroo, et à l’un des plus anciens parmi les élus au Parlement, Alan Ganoo.

Razack Peeroo

Doit-on réformer notre système parlementaire ? Définitivement. Depuis l’indépendance, nous proclamons haut et fort que nous avons hérité d’un système westministérien. C’est vrai. Mais si on analyse vraiment le système, on peut se demander [blockquote]konbien britanik ena ladan apar pos kestion parlementair, pass bann la loi etc. Ki kontrol nous ena lor bann sekter klé gouverneman ?[/blockquote] Quand j’étais Speaker, j’ai eu l’occasion de discuter avec le secrétaire-général du Commonwealth, Kamalesh Sharma, du système parlementaire mauricien. Nous avons constaté qu’il existe cinq secteurs où il y a une nécessité d’avoir un contrôle méthodique, plus approfondi et plus démocratique. Où les citoyens, et particulièrement les contribuables, sont vraiment informés des prises de décision. Par exemple, à Maurice, je pense que certains ministres, depuis l’indépendance à nos jours, exercent un pouvoir exempt de tout contrôle, un pouvoir excessif, voire abusif.  Donk ki kontrol nou ena lor là ? Mais, par contre, en Angleterre, on a introduit le  Control of ministers power. Ceci dit, dans une société démocratique, si on n’a pas un comité ou une commission pour contrôler l’exercice des pouvoirs ministériels, surtout les ministres qui se prennent pour des puissants, peut-on dire que notre système parlementaire est vraiment démocratique. Donc vous pensez que c’est la responsabilité du Parlement de nommer des commissions parle-mentaires pour mener des enquêtes et même pour inviter les ministres à venir y déposer. Bien sûr. Dans le système américain, on voit même John Kerry qui vient expliquer la politique étrangère et il le fait en public et son intervention est retransmise à la télévision. Tous les Américains sont au courant de la politique étrangère de leur pays. Pour moi, c’est un manquement flagrant de notre système parlementaire  Il est un fait que le public est dans le noir complet concernant les développements infrastructurels, tout comme la gestion des finances du pays, la politique étrangère et le pouvoir que détient un ministre. Vous proposez donc des auditions publiques comme en France et en Angleterre ? Exactement, des auditions publiques pour que le peuple soit informé de tout. Et une telle commission ne doit pas néces-sairement être limitée. On peut coopter des experts dans tel ou tel domaine. Elle ne doit pas agir comme un tribunal mais comme une commission explicative. Et comme je l’ai dit, cette commission doit être ouverte au public. Doit-on étendre cette commission à des décideurs qui ne siègent pas à l’Assemblée nationale  ? Je pense que cette commission doit aussi englober les corps paraétatiques et les Public Bodies. Vous avez été Speaker pendant de longues années. Que doit-on faire pour éviter des clashes au Parlement, obligeant le président de la Chambre à suspendre la séance ? Pour qu’une Assemblée puisse fonctionner comme il faut, il est important que  l’impartialité, la justice et l’autorité prévalent. Le Speaker doit aussi agir en toute impartialité. C’est-à-dire qu’à ses yeux, il n’y a ni gouvernement ni oppo-sition, ni camarade et aucun parti pris politique. Il est comme un juge avec sa conscience appliquant les règlements et les Standing Orders. Donc, un Speaker expérimenté peut, avec beaucoup de psychologie, éviter beaucoup de dérapages.

Alan Ganoo

N’est-il pas temps de réfléchir à un élargissement des pouvoirs de l’Assemblée nationale ? Je suis parfaitement d’accord. Le Parlement est l’instance suprême du pays voire le pivot de la démocratie. Si on veut être une démocratie digne de ce nom, on doit donner autant de possibilité au législatif. Je pense qu’il n’y a pas eu suffisamment de réformes et quand je regarde le fonctionnement du Parlement, je suis parfaitement d’accord pour qu’il y ait des réformes en profondeur pour lui donner plus de pouvoirs. Par exemple en Angleterre, des réformes se font régulièrement dans un esprit d’ouverture, de démocratie et de modernisation. Malheureusement, tel n’a jamais été le cas à Maurice. Quelles en sont les raisons ? Je pense que pour tout gouvernement qui est venu au pouvoir, cette question n’a jamais été une priorité. Il s’est contenté de régler les problèmes du jour et de mettre en pratique ses promesses électorales. Quand ils sont dans l’opposition, les partis politiques parlent beaucoup mais une fois au pouvoir, ils laissent aux oubliettes leurs promesses sur la réforme du Parlement. C’est un peu triste. Ne pensez-vous pas qu’on doit instituer des commissions mixtes gouvernement-majorité qui siègent en permanence. Je suis parfaitement d’accord. Pour donner plus de force au Parlement, il faut accorder plus de pouvoir aux backbenchers qu’ils soient du gouvernement ou de l’opposition. On peut le faire de différentes façons. Primo, en haut de l’agenda, la réforme  parlementaire. Nous avons un Parlement qui fonctionne d’une façon plénière et rien ne se fait au niveau des comités. On aurait pu réfléchir comment venir avec un committee system. C’est-à-dire des comités parlementaires avec la participation de tous les députés de la chambre. On peut décider du mode de fonctionnement. Et le vrai travail se fait au niveau de ces comités. Le vrai travail sur quoi ? Prenons le cas d’un projet de loi. C’est au Committee stage que les législateurs viennent avec des propositions. En vérité, il y a des cas où un député de l’opposition propose un amendement et le ministre en question, pris au dépourvu ou même s’il connaît la pertinence de l’argument de l’opposition, rejette cet amendement pour plusieurs raisons pour satisfaire son ego. J’ai été témoin de cette situation à plusieurs reprises. Mais si ce projet de loi avait été discuté au préalable dans un comité parlementaire, on aurait pu arriver plus facilement à un consensus. Je pense que dans un comité, on aura plus d’opportunité pour discuter plus amplement d’un projet de loi et finalement. Le pays en sortira gagnant. Peut-on convoquer un haut fonctionnaire ou le haut responsable d’un corps paraétatique ? Tout dépend. C’est à nous de décider dépendant des amendements dans les Standing Orders, pour donner telle ou telle marge de manœuvre au dit comité parlementaire. Dans certains pays, il y a des instances qui siègent en parallèle avec l’Assemblée nationale, comme le Sénat... Je ne pense pas qu’il nous faut un sénat à Maurice. Un sénat est une upper house, une deuxième chambre qui parti-cipe au fonctionnement de la démocratie. Il a un droit de regard et peut intervenir sur les textes de loi.
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