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Le Régime des sûretés batardisé pour garantir le remboursement des loyers !

L’intérêt grandissant qu’avaient les investisseurs étrangers pour la jeune île Maurice  postindépendance contraignit  notre législateur à créer un nouvel environnement  juridique pour  garantir le remboursement des prêts bancaires.

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En 1969, le paysage financier Mauricien  a connu pour la première fois une législation relative aux suretés fixes et flottantes qui s’intitulait  la Loans, charges and Privileges (Authorised Bodies) Act.

L’objectif premier de la sûreté fixe était de créer une garantie sur les matériels et équipements de l’investisseur emprunteur  ou de son garant et, où l'autorisation préalable du créancier est nécessaire avant  la disposition des biens grevés. À son tour, la sûreté flottante avait  été conçue pour grever  principalement les stocks.

Dans ce cas de figure, elle permet à l'emprunteur de disposer des produits finis tels que les chemises, les pantalons, les lacets pour les souliers, les boules de naphtaline ou les boutons sans avoir à recourir à l'approbation du prêteur, et ce, comme si la sûreté flottante   n'avait jamais existé. Ce fut le but premier de ces instruments de garantie.

 La  loi de 1969 fut  abrogée en 1983 et les dispositions relatives aux sûretés fixes et flottantes se trouvent  désormais sous les articles du Code civil. La partie pertinente se trouve  à l'article 2202-3 et  se lit comme suit:

« À la suite ou dans la perspective d'un prêt, d'une avance ou d'un paiement ou toute autre obligation consentie ou effectuée par une institution agréée, au bénéfice d'une personne quelconque ou pour le compte de celle-ci, tout ou partie des biens du débiteur ou de sa caution peuvent être volontairement grevés d'une sûreté, fixe ou flottante, en garantie de la somme due, ainsi que des intérêts, commissions et frais en découlant. » Quelle serait la qualification attribuée à l'expression  « toute autre obligation » ? Elle doit nécessairement se rapporter à un prêt.

En 1983,  le gouvernement  mauricien, toutes les banques dûment agréées par le ministre des Finances, toutes les compagnies d'assurance, la Banque de développement  et la Banque coopérative pouvaient bénéficier du régime des sûretés fixes et flottantes pour garantir le remboursement des prêts, des avances, des paiements ou d'autres obligations. Au fil du temps, la liste s’est allongée et certaines sociétés de leasing ont été autorisées à créer de telles sûretés en leur faveur.

Cela signifie-t-il qu’elles peuvent y avoir recours pour garantir le paiement des loyers des biens dont elles demeurent le propriétaire ?   Ces instruments de garantie n’ont-ils pas été batardisés et déviés de leur objectif premier?  Peut-on créer des sûretés fixes et flottantes pour garantir le paiement des loyers ? Quelle aberration ?

Les sociétés de leasing ne se servent-elles pas   déjà du  principe de « Nantissement »   lors de  l’exécution  du  contrat de location avec leur client. C’est quoi le nantissement ? C’est un mode de garantie qui se subdivise comme suit : le « gage » pour les biens meubles et « l'antichrèse » pour les biens immeubles. Le gage à son tour se subdivise ainsi : « Le gage sans déplacement » et  « le gage avec déplacement. » Si dans le premier cas, le bien demeure entre les mains du locataire, dans le second, le créancier  en conserve la garde.

Pour le leasing ou crédit-bail, le bien fera l'objet d'un gage sans déplacement  étant donné qu’il demeurera entre les mains du preneur ; par exemple quelqu'un désireux d'obtenir une nouvelle voiture sur leasing : il choisit sa voiture et  la société de leasing l’achètera  en tant que propriétaire  et elle lui sera louée moyennant le paiement mensuel d’un  loyer.

Si le « gage sans déplacement » est l'instrument de garantie approprié  à l'opération de crédit-bail, par quelle gymnastique légale les sociétés de leasing arrivent-elles  à détourner la loi ?

Pourquoi la Financial Services Commission, le régulateur du secteur non-bancaire, n’ouvre-t-elle pas l’œil sur de tels abus ? Est-ce par ignorance de la loi ou par négligence ?
J'ai eu l'occasion d’en discuter avec le Professeur Robert Garron qui, avec la collaboration de feu Edwin Venchard Q.C., avait  révolutionné les dispositions de  notre Code civil en 1983. Il m’avait affirmé que les sûretés fixes et flottantes ne sont pas conçues pour garantir les loyers mais  pour garantir des  prêts. Malheureusement, ici, « the sauce of the goose is not sauce of the gander » ! Un jour, notre Cour suprême se prononcera.

Bibliographie

  1. Le Code civil.
  2. Crédit-Bail - Wikipédia. Article par Peter Obrien et Sarah Breen de Matheson sur « Lending and taking security in Ireland, an Overview »
 

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