50 ans independance

Les doyens du barreau font le point

Sir Hamid Moollan, Me Raymond d’Unienville, Me Yousuf Mohamed, Me Oosman Abbasakoor et Me Manogaran Mardemootoo. Sir Hamid Moollan, Me Raymond d’Unienville, Me Yousuf Mohamed, Me Oosman Abbasakoor et Me Manogaran Mardemootoo.

À l’aube du 50e anniversaire de l’indépendance de Maurice, les doyens du service judiciaire parlent de l’évolution du droit, des méthodes de travail existantes, du progrès au niveau des mentalités et des changements qui devraient être effectués.

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Q1 : Comment le système judiciaire a-t-il évolué au cours de ces 50 dernières années ?
Q 2 : Pensez-vous qu’il y a des changements à effectuer ?
Q3 : Le Mauricien est-il conscient de ses droits ? 
Q 4: Quel impact l’indépendance a-t-elle eu sur le pays ?

Sir Hamid Moollan, Queen’s Counsel : «Il faut plus de juges et d'avocats spécialisés»

Le Queen’s Counsel et Grand Officer of the Order of the Star and Key a prêté serment au barreau mauricien en 1960. Il est considéré comme l’un des avocats les plus avisés du pays. 

R1 : Essentiellement, le nombre des juges a augmenté de quatre à une vingtaine.

R2 : Il faudrait une plus grande spécialisation pour les juges et pour les avocats. Nous avons besoin d'hommes de loi spécialisés qui pourront s’adresser aux préoccupations actuelles de chaque Mauricien.

R3 : C'est le statut quo.

R4 : Il y a eu un progrès constant depuis.


Me Raymond d’Unienville, Queen’s Counsel : «Le système judiciaire est excellent»

Agé de 86 ans, il a exercé au barreau mauricien pendant plus de six décennies. L’homme de loi a également présidé le Mauritius Bar Council et il fait de la politique au sein du PMSD. 

R1 : On y voit surtout plus de femmes… (rires). Il y a certainement plus de travail qu'avant. De nos jours, les juges et les magistrats sont débordés, ce qui ralentit partout.

R2 : Rien. Le système judiciaire est excellent tel que nous l’avons hérité de l’Angleterre. Même si la mise en application est parfois lente, le système est bon. Il faut simplement trouver des sujets capables de faire le travail comme il se doit.

R3 : Le public ne connaît pas les arcanes de la loi.

R4 : Tout le monde sait que j’étais contre l’indépendance alors que j’étais membre du PMSD. Je trouvais qu’on allait trop vite et que le moment était mal choisi. Il fallait attendre. Sir Gaëtan Duval voulait que Maurice demande son indépendance de la Grande-Bretagne après que ce pays ait accédé au Marché commun afin que les colonies aussi puissent en tirer des bénéfices. Ce n’est qu’après qu’on aurait demandé l’indépendance. D’un point de vue économique, cela aurait été plus rassurant si on avait attendu. Cependant, on se débrouille très bien avec ce qu’on a. On ne peut pas se plaindre.


Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel : «Certaines lois sont démodées»

Me Yousuf Abdool Razack Mohamed, Senior Counsel et Grand Officer of the Order of the Star and Key, exerce au barreau mauricien depuis 56 ans.

R1 : J’ai toujours eu confiance dans le judiciaire. Jusqu’à maintenant, le judiciaire s’est montré indépendant. C’est tant mieux pour nous, car certaines institutions à Maurice laissent à désirer.

R 2 : Certaines lois sont démodées. Les lois doivent suivre l’évolution du pays et le social. Malheureusement, on ne voit pas cela à Maurice.

R 3 : Beaucoup de Mauriciens connaissent leurs droits grâce à l’éducation gratuite que le Parti travailliste a introduite à Maurice. Cependant, il y a toujours beaucoup de gens qui se laissent exploités parce qu’ils ne connaissent pas leurs droits. À une époque, le Bar Council avait demandé aux avocats d’aller dans des centres sociaux pour donner des conseils et aborder le droit fondamental de l’individu et la Constitution. Malheureusement, cela n’a pas duré. À Maurice, il y a toujours des illettrés. Il faut impérativement aller vers eux pour leur expliquer ce qu'est la Constitution et pour qu'ils soient informés de leurs droits et leurs responsabilités. .

R 4 : J’étais parmi ceux qui avaient pris part aux élections d’août 1967 aux côtés de sir Seewoosagur Ramgoolam, sir Veerasamy Ringadoo, le Dr Régis Chaperon, sir Harold Walter, Sookdeo Bissoondoyal et mon père lui-même, sir Abdool Razack Mohamed. Notre alliance réclamait l’indépendance. Nous nous sommes battus pour la liberté, pour être une nation mauricienne. Je suis navré de le dire mais on n’est toujours pas une nation mauricienne. La liberté est très souvent bafouée.


Me Oosman Abbasakoor, Senior Attorney :  «La justice coûte trop cher à Maurice»

Le Senior Attorney Oosman Abbasakoor est dans la profession depuis novembre 1964.

R 1 : Il y a eu de l’évolution du côté technique, mais pas du côté de la procédure. Celle-ci est toujours lente et longue et cause énormément de préjudices. En effet, il y a des cas qui traînent pendant des années. Et même si nous avons plus de juges nommés, il existe un manque aigu de magistrats dans les cours de district. Il est à noter qu’aujourd’hui, nous avons un abus de renvois, des renvois injustifiés, selon moi. Auparavant, il y avait moins de cas et la justice était rapide, les parties étaient satisfaites. Avant, c’était « beautiful to work ».

R 2 : Il faut changer la mentalité partout, que ce soit de la part de l’avoué ou de l’avocat ou de ceux qui administrent les tribunaux.  

R 3 : Non. Il faut dépenser énormément pour obtenir justice aujourd’hui, donc les gens ne connaissent pas leurs droits. La justice coûte trop cher à Maurice, en matière civile. Beaucoup de gens ne pouvant s’adresser à la justice souffrent indéfiniment d’injustice.

R4: L’indépendance pour nous a été un grand avancement. Tous les Premiers ministres ont travaillé pour le peuple, ils ont « deliver in one way or the other ».


Me Manogaran Mardemootoo, Senior Attorney :  «Il y a eu beaucoup de progrès»

Manogaran Mardemootoo, qui a prêté serment en 1970, a été à la tête de la Mauritius Law Society pendant deux ans.

R 1 : Est-ce qu’il y a de l'évolution ? Il y a une nouvelle appréciation de la loi, certes. J’ai commencé à pratiquer en 1971. Il n’y avait qu’une poignée d’avoués et tout le monde se connaissait. On était comme une famille. De nos jours, ce n’est plus possible de pratiquer seul. Il y a plusieurs divisions de la Cour. Plusieurs cas sont appelés dans différents tribunaux, en même temps. Et puis maintenant, il y a l’E-judiciary qui facilite notre travail. Tout le monde est plus discipliné. Il y a également la médiation et la cour d’arbitrage pour un « speedier justice ».  

R 2 : Je pense que pour alléger la pression sur la Cour suprême, il faut augmenter la juridiction de la cour civile intermédiaire. D’autre part, c’est une bonne chose que la Mauritius Law Society organise des rencontres entre les confrères et consœurs avoués.

R3 : Je pense que oui. Les Mauriciens se renseignent de plus en plus. Ils sont plus éclairés. Les hommes de loi sont prêts à enseigner. S’il y a plus de procès, cela veut dire que les gens reconnaissent qu’ils ont des droits à protéger.

R 4: En 50 ans, il y a eu beaucoup de progrès dans tous les domaines, sans aucun doute. Cependant il y aussi quelques secteurs qui laissent à désirer. On a appris de nos erreurs. Avec toutes ces communautés, c’est incroyable de voir la façon dont les Mauriciens cohabitent. C’est une grande chose si on peut maintenir cette harmonie. Le pays est sur la bonne voie. Et on doit œuvrer pour que le progrès continue. Le pays doit miser sur l’éducation pour sensibiliser les citoyens.

 

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