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Longue campagne pré-électorale : Implications pour le GM et l’opposition

Yvan Martial, observateur politique et ancien rédacteur en chef. Abdallah Goolamallee, universitaire et observateur.

Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a clairement indiqué sa position, anticipant les spéculations qui surgiront tout au long de l'année concernant l'organisation des élections. Il affirme avoir l'intention de mener son mandat à terme, jusqu'à novembre 2024, voire au-delà. Cette déclaration laisse présager une campagne électorale potentiellement prolongée.

Bien que la campagne électorale n’est officiellement lancée qu'avec la communication de la date des élections, les divers partis politiques ne resteront certainement pas inactifs en attendant l’annonce du Premier ministre pour s'organiser sur le terrain politique. Alors que le gouvernement insiste sur sa concentration sur les affaires courantes du pays et sur la réalisation des promesses électorales avant la fin de son mandat, l'opposition, qu'elle soit parlementaire ou extraparlementaire, sera très active sur le terrain politique avec diverses activités prévues. Le ton sera donné dès le premier février par l'opposition parlementaire, marquant ainsi le début de la campagne de l'alliance Parti travailliste (PTr)-Mouvement Militant Mauricien (MMM)-Parti mauricien social-démocrate (PMSD).

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Cela laisse penser que nous devrions effectivement assister à une longue campagne électorale, et de nombreux observateurs politiques s'accordent à dire qu'un élément marquant de cette campagne à venir sera inévitablement la surenchère politique. Le ton avait déjà été donné par l'alliance de l'opposition parlementaire en fin d'année lorsqu'elle avait présenté les cinq mesures phares qu'elle compte réaliser en cas d'élection, annonçant notamment une pension supérieure à Rs 13 500.

Suite à cette annonce, le Premier ministre a réagi en annonçant le paiement d'une pension de Rs 13 500 aux retraités âgés de 75 ans et plus à partir du mois de janvier. Cette réaction immédiate est interprétée comme une tentative de couper l'herbe sous les pieds de l'opposition. Plus fondamentalement, cela laisse entrevoir une campagne électorale rythmée par des promesses électorales, suggérant une surenchère politique tout au long de l'année.

Yvan Martial, observateur politique et ancien rédacteur en chef, souligne que l'omniprésence de promesses au cours de la campagne électorale, qu'elle soit de longue ou de courte durée, est intrinsèquement liée à la stratégie politicienne adoptée en 2024. Selon lui, l'utilisation de fausses déclarations et de promesses souvent irréalisables est devenue une tactique courante pour influencer l'opinion publique et gagner des votes. Selon Yvan Martial, cette pratique s'est intensifiée au fil des ans, reflétant un certain cynisme de la part des acteurs politiques qui estiment que la fin justifie les moyens.

Il souligne également que Pravind Jugnauth est devenu un champion de la politique consistant à donner des cadeaux à la population d'une main, tout en prélevant des fonds de l'autre. Alors que Pravind Jugnauth se présente comme le père Noël, Yvan Martial estime qu'en réalité, il a fait de la population son propre père Noël, utilisant l'argent prélevé auprès des contribuables pour offrir des cadeaux tels que des pensions et des allocations de Rs 20 000 aux jeunes.

« Seul maître abord »

La tenue des élections relève uniquement de la prérogative du Premier ministre. « Il est le seul maître abord. ‘Li mem ki kontrol tou’. Sauf bien sûr si entre-temps, il perd la majorité au gouvernement. Et le Premier ministre décide normalement de la date des élections en fonction des opportunités qui se présentent à lui ». Pour le politologue, il se pourrait que cette annonce ne soit qu’un leurre « pour endormir l’opposition » et faire une « snap election », soit des élections avant l’échéance électorale. « Donc, nous ne pouvons nous fier à 100% sur ce qui a été dit », dit-il.  

L’universitaire et observateur, Abdallah Goolamallee, fait remarquer que le Premier ministre peut légalement choisir de prolonger la tenue des élections générales jusqu’à mi 2025. « Et je suis d’avis qu’il va aller dans ce sens », estime-t-il. Selon lui, un prolongement d’un mandat électoral pourrait aussi s’avérer une stratégie gagnante pour un gouvernement. 

GM - Avantages

Pour Jocelyn Chan Low, une prolongation de la date des élections permettrait possiblement au gouvernement de concrétiser un plus grand nombre de projets. « Mais les grands chantiers ayant pour la plupart été complétés, je ne vois pas quel projet encore viendrait justifier un renvoi de l’échéance électorale », est-il d’avis. 

Plus la campagne est longue, plus le gouvernement en profitera en termes de visibilité, à en croire l’observateur. « Une campagne électorale prolongée donne au gouvernement plus de présence médiatique. Que ce soit sur les médias traditionnels, en ligne ou sur les réseaux sociaux. Ça s'inscrit dans l'exercice de communication politique, PR et marketing politique », déclare le chargé de cours.

Abdallah Goolamallee fait comprendre qu’un tel scénario donne aussi au gouvernement un temps additionnel pour compléter et inaugurer davantage de projets. « Ce qui permet de consolider son image et sa réputation », précise-t-il. Enfin, Abdallah Goolamallee considère qu’en termes de stratégie politique, cela permet au gouvernement de venir avec plus d'actions populistes. « Qui de surcroît influence l'opinion politique et publique, surtout en marge des élections générales », soutient-il. 

GM : Désavantages

Une campagne prolongée comporte cependant des risques, à en croire l’universitaire et observateur, Abdallah Goolamallee. « Déjà, deux mandats sous le même gouvernement ou parti politique créent plus d'usure politique. Et surtout à Maurice, comme dans le passé, cela a toujours été challenging pour un gouvernement à deux mandats de hisser vers un troisième. Car l'usure politique forme partie de notre culture politique », avance-t-il. Selon lui, plus la campagne est longue, plus l’usure peut s’avérer un désavantage.

Jocelyn Chan Low pense que Pravind Jugnauth ne courra pas le risque de repousser les élections, après novembre 2024, pour de nombreuses raisons. « Maurice étant un pays tropical, le pays peut être frappé par un cyclone, causant ainsi des dommages conséquents », indique-t-il. Ce qui, selon l’historien, ne fera pas les affaires du gouvernement. Il cite des facteurs externes tels que les conséquences de la guerre, des actes de terrorisme, entre autres, qui pourraient faire flambée des prix des produits importés. Aussi, l’historien estime que Pravind Jugnauth a créé une ‘high expectation’ au sein de la population. « ‘La, zot tou pou demande’. Je ne serais pas étonné de constater une série de revendications pour le prochain exercice budgétaire. Ce qui serait ‘challenging’ pour le Premier ministre », indique-t-il.


Opposition – Avantages

Selon Abdallah Goolamallee, une longue campagne préélectorale permettra aux partis de l’opposition d’avoir plus de temps « pour s'attaquer au gouvernement, marteler les controverses et jouer sur les sensations ». « Et faire les scandales l'actualité du jour », explique-t-il. 

Jocelyn Chan Low est d’avis qu’une extension de la date des élections pourrait ne pas forcément être d’une grande aide à l’opposition. « Les partis de l’opposition ont déjà eu beaucoup de temps. Mais ils tardent trop à finaliser leur programme électoral, la liste des candidats ainsi que ceux qui seront choisis pour figurer sur le ‘Front Bench’. Donc, cela pourrait les aider dans une certaine mesure », évoque-t-il, parlant d’une opposition qui serait en train de « tatonn tatone ».  

Opposition – Désavantages

Abdallah Goolamallee considère qu’une longue campagne pré-électorale reste plus désavantageuse à l'opposition. « Car elle n'a pas les moyens et les ressources financières de faire face à une campagne électorale prolongée. C'est plus de dépenses et d'investissements, et l'opposition peut se retrouver avec un robinet à sec juste avant les élections », estime-t-il. 

L’essoufflement serait une autre contrainte pour l’opposition. « Surtout lorsque vous avez deux leaders de partis politiques d’un âge avancé et ne jouissant pas totalement d’une parfaite santé. Le Dr Navin Ramgoolam, leader du Parti travailliste, aura 78 ans en 2025, alors que celui du MMM, Paul Bérenger, soufflera ses 80 bougies », souligne-t-il. L’universitaire estime que ces deux leaders seraient déjà « peu présents » sur la scène politique. « Une longue campagne sera très dure et compliquée pour ces deux-là, tant physiquement que psychologiquement », affirme-t-il. 

Ajouté à cela, Abdallah Goolamallee pense qu’une longue campagne augmenterait le risque de rififis au sein de l’alliance des partis de l’opposition principalement. « La probabilité qu’on ait des frictions, des conflits ou des malentendus au sein de l’alliance est plus grande. Par conséquent, cela pourrait engendrer plus d’instabilité qui pourrait avoir des répercussions sur l’image et la crédibilité de l’opposition. »

 

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