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Mauvais voisinage : quand les conflits se terminent en drame

Il ne se passe pas un jour sans que la police ne soit sollicitée pour intervenir dans des conflits entre voisins.

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Des petites nuisances répétées durant des jours, des mois, des années, qui finissent par devenir insupportables. Cela peut se terminer en drame. Malgré tous les dispositifs légaux mis en place par les autorités pour protéger l’intimité d’autrui, le conflit de voisinage persiste.

Cela se traduit par un nombre important de plaintes instruites au civil ou au criminel. Elles vont de l’obstruction  d’un passage commun, la construction sur le balisage du voisin, des odeurs nauséabondes, l’obstruction pour la sortie des voitures, des chiens qui aboient ou encore des cas d’agression.

23 ans pour le meurtre de son voisin

La dernier leçon en date à tirer d’un conflit entre voisins est, sans aucun doute, le meurtre d’un voisin pour lequel Jean Christophe Bryan Lacloche, âgé de 33 ans, a écopé de 23 ans de prison. La victime n’est autre que Ameerchand Rughooa. Le délit avait été commis le 7 décembre 2012, à Ruisseau-des-Créoles, Port-Louis.

Les deux hommes étaient locataires d’une maison située dans ce faubourg de la capitale. Ils occupaient différentes pièces de cette maison et utilisaient les mêmes toilettes, tout en se partageant la facture d’eau. Sauf que la cohabitation se passait mal. Ce jour-là, une vive dispute avait éclaté entre les deux hommes et le drame est arrivé. Ils avaient toujours eu des altercations répétées.

Tué pour une affaire de balisage

Un autre cas, qui vient de défrayer les faits divers, se rapporte à la fin tragique de Kamlawtee Rhagou, 69 ans, tuée à l’aide d’une grosse pierre dans sa cour par ses voisins, dans la nuit du 27 mai, à Cité Vuillemin, Quartier-Militaire. Les auteurs de ce drame, Pritviraj Bissoon, 53 ans, son fils Pravesh, 29 ans, et Ramchandar Bohee, 52 ans,  sont les voisins de la victime.

Cette tragédie a, pour toile de fond, une affaire de balisage. Les voisins de la victime avaient voulu obtenir l’autorisation de Kamlawtee et de son époux pour construire leur maison sur les bornes séparant les deux terrains. Mais avant de signer  tout document relatif à cette requête, la famille souhaitait avoir un avis légal.

« Ler mo mama pe koz ek mwa, mo nek trouv enn gro ros tap lor so figir. Linn tom amba. Disan pe sorti. Lerla bann la inn rantre »

Trois jours plus tard, n’obtenant toujours pas l’autorisation réclamée, le voisin, accompagné de son fils et d’un ami, sont venus demander des explications à leur voisine. Les choses se sont détériorées par la suite, selon Pravesh, le fils de la victime, qui a entendu le bruits de gens voulant enforcer une porte. « Mo mama inn dir mwa zot pe rod defons gate pou rantre. » Kamlawtee n’aura pas le temps de terminer sa phrase. « Ler mo mama pe koz ek mwa, mo nek trouv enn gro ros tap lor so figir. Linn tom amba. Disan pe sorti. Lerla bann la inn rantre ». La femme est morte suite à cette agression.

On vit dans la terreur

À la rue la Paix, à Port Louis, le 10 mai dernier, une mère de famille et son époux, ainsi que les beaux-parents,  ont été agressés dans leur cour après un conflit de voisinage. Nujaiha, 31 ans, a dû être hospitalisée après son agression. Cette mère de deux enfants âgés de 8 ans et 5 ans a été molestée devant ses enfants qui, aujourd’hui, sont suivis par un psychologue.

Ce sont les bruits des travaux  de démolition d’un vieil abri en béton par des  maçons qui sont à l’origine de ce qui va devenir un enfer pour la famille. Le voisin lui reproche de faire trop de bruits et réclame que cessent les travaux. Selon la victime, le voisin aurait proféré des menaces à son égard. « Li dir mwa al sers to mari mo vini mo pou fer desan twa la ».

Nujaiha sur son lit d’hopital après avoir subi une agression.

Quelques heures après, alors que Nujaiha jouait avec ses enfants dans sa cour, elle a entendu un grand bruit et subitement ses voisins ont fait irruption chez elle en compagnie de gros bras. Ces derniers ont agressé tous les membres de la famille à coups de tuyau.

« Li dir mwa al sers to mari mo vini mo pou fer desan twa la »

Le voisin et deux autres personnes ont été arrêtés, 10 jours après cet incident, par la police de Plaine-Verte avant d’être libérés sous caution. Mais, selon Nujaiha et sa famille, son voisin continue à jouer à la provocation quotidiennement. « Nous souhaitons vivre en paix et nous ne sommes pas une famille prônant la violence. Nous lançons un appel au Commissaire de police pour  nous venir en aide. C’est juste une question de temps  avant qu’on soit une nouvelle fois agressée », dit Nujaiha.

Injure, menace et agression

Une habitante de Roches-Brunes a adressé une lettre au Commissaire de police, au début de juin, pour réclamer son assistance. Elle estime qu’elle n’est pas suffisamment protégée par la police de sa localité pour la soustraire au comportement agressif et indécent de ses voisins. Plusieurs dépositions ont été faites pour agressions, menaces et injures. Des vidéos ont même été déposées à la police pour attester à quel point ses voisins font de sa vie un enfer au quotidien.

Ces derniers soutient-elle, ont fait une fausse déclaration contre elle. Il y a deux semaines lorsqu’elle est rentrée chez elle, elle a reçu la visite des policiers. Ils ont indiqué que sa voisine a sollicité leur aide. Elle aurait tenté de foncer sur elle avec sa voiture.

Accusation qu’elle a toute suite rejetée. Elle a fait visionner la caméra de surveillance par les policiers, qui ont constaté que la version de la voisine ne tenait pas la route. Celle-ci a même proféré des menaces de mort quand le policier lui a reproché d’avoir menti, raconte la victime. Elle a encore eu recours à la police pour une énième fois.


Inspecteur Coothen du Police Press Office

Les répercussions d’un mauvais voisinage peuvent tourner très mal, si on ne fait rien à temps. Le mauvais voisinage devient une nuisance. Deux voisins qui ne s’entendent pas bien sont souvent en conflit. L’inspecteur Coothen nous dit que de nombreux cas sont rapportés à la police, ainsi qu’à  la police de l’Environnement.  Il existe une loi, notamment l’Environment Protection (Control of Noise) Regulations Act, contre la pollution sonore. Cette loi est en vigueur depuis le 15 juillet 2008. Elle stipule : Qu’aucune personne n’a le droit de faire du bruit qui peut être considéré comme une nuisance.

Des travaux sonores qui se font sur un terrain résidentiel,  la démolition des bâtiments, le remplissage des terrains et l’utilisation des machines ont tous besoin d’une autorisation délivrée par les autorités compétentes, si ce genre de travaux est effectué avant 7 heures du matin ou après 7 heures du soir de n’importe quel jour.

Les bruits que font les animaux et qui portent atteinte déraisonnable-ment à  la paix publique, le confort et la commodité d’une autre personne sont considérés comme une infraction.
L’inspecteur Coothen fait aussi ressortir que la médiation est une étape très importante avant de référer  l’affaire à  tribunal.

Pour résoudre les conflits sociaux, des Neighbourhood Officers s’occupent de ces affaires. L’inspecteur responsable du poste de police est celui qui est chargé de la médiation. Si le cas n’a pu être résolu au poste de police, toute l’affaire est transmise au bureau du prosecuteur.


Ericsson Moonienpillay, avocat : pour le respect de la vie privée des voisins

La liberté d’un individu s’arrête là où commence celle des autres.

En fait, les législations concernant ce sujet sont multiples. Par exemple, l’Environment Protection Act fait provision pour une police de l’Environnement, à qui il incombe de verbaliser les contrevenants ne respectant pas l’environnement, que ce soit en matière de déchets ou de pollution sonore.

Notre Code pénal fait aussi provision pour toute une panoplie de délits, dans le but de décourager les comportements antisociaux.

Cela dit, le manque de civisme peut être le résultat d’autres maux sociaux comme la drogue, la pauvreté, le chômage, le manque d’espaces verts et le manque de repères chez certains jeunes.

Selon le Code pénal, un citoyen peut entrer une affaire au civil pour réclamer des dommages à tout contrevenant, comme dans le cas d’un empiétement, d’une nuisance causée par des déchets ou un déversement, mais aussi dans le cas où une personne n’arrive pas à jouir pleinement de sa propriété.


C’est tabou - Nuisances sonores - Inspecteur Jean Nobin Brasse : « Il est important de faire preuve de tolérance entre voisins »

L’émission « C’est tabou » du lundi 12 juin, animée par Caroline Narrainen, était axée sur les nuisances sonores. Pour en parler, elle a reçu sur les ondes de Radio Plus, l’inspecteur Jean Nobin Brasse, de la police de l’environnement.

Les nuisances sonores liées aux bruits de comportement peuvent être sanctionnées dès lors qu’ils troublent de manière anormale le voisinage, de jour comme de nuit. « Ce problème est devenu récurrent dans plusieurs régions de l’île », précise l’inspecteur Jean Nobin Brasse, de la police de l’environnement.

Les nuisances sonores sont régies par deux lois. La première, l’Environment Protection (Standard for Noise) Regulation 1997. Celle-ci concerne la limitation de décibels à respecter, soit 60 décibels entre 7 heures et 18 heures, 55 décibels entre 18 heures et 21 heures et pas plus de 50 décibels entre 21 heures et 7 heures. Cette loi est régie par le ministère de la Santé.

L’inspecteur Jean Nobin Brasse précise que c’est le ministère de la Santé, soit le département de l’Health Engineering Unit, qui s’occupe des plaintes liées à cette loi, car cela nécessite l’utilisation d’un sonomètre.

C’est la deuxième loi, soit l’Environment Protection (Control of Noise) Regulation 2008, qui concerne la police de l’environnement. « Cette loi a été abrogée en 2008. Nombreux sont ceux qui pensent que la contravention est applicable seulement après 22 heures, mais ce n’est plus le cas depuis 2008. Selon cette loi, l’individu commet une infraction au moment où le bruit causé dérange le voisinage », explique l’inspecteur. Lorsque ces bruits sont commis la nuit, c’est-à-dire entre 22 heures et 7 heures, on parle de tapage nocturne.

Contrairement à la première loi, c’est le policier qui fait le constat et juge de l’intensité du bruit. « Nous commençons à juger de l’intensité des décibels à partir de 50 mètres du lieu. Sur place, nous sensibilisons d’abord la personne en lui expliquant ce que dit la loi. Si la personne n’obtempère pas ou récidive, nous lui donnons une contravention ». L’amende peut aller jusqu’à Rs 50 000 et, si la personne récidive, jusqu’à Rs 100 000, et celle-ci est passible d’un an de prison.

L’inspecteur Jean Nobin Brasse explique que la police de l’environnement organise des campagnes de sensibilisation dans plusieurs régions de l’île, afin d’informer le public sur les conséquences des nuisances sonores.

« Comme nous avons un nombre restreint de policiers, nous canalisons une partie des plaintes vers les postes de police les plus proches ». Le public est appelé à appeler sur la hotline de la police de l’environnement, le 210 5151/5252, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

L’inspecteur a fait appel au civisme des Mauriciens. « Nous avons constaté que les gens sont de moins en moins tolérants entre voisins. Il est important de savoir cultiver l’entente et de faire preuve de tolérance. Par exemple, informer son voisin que l’on organise une fête ne coûte rien ».

 

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