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Metro Express : éclairages

Les projections sur l'achalandage, le modèle controversé d'Edinbourgh, le danger qu'encourent les cyclistes, la crédibilité du constructeur, l'efficacité du projet sur la réduction du trafic et la nomenclature (tram ou métro?)... Autant de points sur lesquels le Metro Express a été critiqué depuis sa présentation et la signature du contrat par Larsen & Toubro le lundi 31 juillet dernier. Le Défi Plus est allé à la recherche de réponses sur les interrogations qui persistent autour de ce projet monumental.

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Achalandage : plus de 50% du trafic aux heures de pointe

Pour Roshi Bhadain, les chiffres sur lesquels s'est basé Georges Chung pour arriver à la conclusion que le Metro Express serait profitable dès la première année d'opération sont erronés. Selon le conseiller spécial au bureau du Premier ministre, un minimum de 53 800 passagers utilisera le métro quotidiennement. Pour Roshi Bhadain, durant les heures de pointe, heures auxquelles la majorité des usagers font le trajet Curepipe/Port-Louis, il n'y aurait que 17 210 passagers à véhiculer. Il faudrait que le métro puisse transporter plus de monde durant les heures creuses pour respecter les projections, selon lui.

Au niveau du Metro Express Ltd, on réfute ces arguments en mettant de l'avant les chiffres officiels de la National Transport Authority (NTA) : 194 000 passagers empruntent le couloir Port-Louis/Curepipe quotidiennement, sans compter les 150 000 véhicules privés. Les chiffres de la NTA pour les usagers des autobus proviennent des trois principaux opérateurs, à savoir la Compagnie nationale de transport (CNT), l’United Bus Service (UBS) et la Rose Hill Transport (RHT). Il y a huit heures de pointe par jour, de 05h00 à 09h00 le matin, puis de 14h30 à 18h30 dans l'après-midi. « Plus de 50% du trafic sur ce couloir sont enregistrés durant les heures de pointe », explique notre source.

Le modèle de Georges Chung est basé sur l'hypothèse « conservatrice » que 20% des usagers du système de transport public opteront pour le métro et 10% au niveau des automobilistes. D'où le chiffre de 38 800 utilisateurs par jour.

«Plusieurs centaines» d'emplois

Si on sait déjà qu'environ 55% des 7 000 emplois qui seront créés durant la phase de construction iront aux Mauriciens, les autorités étaient restées évasives sur le nombre d'emplois permanents que le métro léger créera une fois qu'il sera en opération. Si Georges Chung avait parlé de 60 conducteurs et 60 agents de sécurité, le Metro Express Ltd assure cependant que « plusieurs centaines d'emplois directs » seront créés pour les besoins des opérations quotidiennes.  En termes d'emploi directs provenant de Larsen & Toubro, on avance le chiffre de 1 500.

Plus de 20% des automobilistes visés

Si l'hypothèse de Georges Chung se confirme, il y aura tout de même encore huit usagers du transport public sur dix qui utilisent le bus et un automobiliste sur dix qui sera sur les routes. Ce qui ne résoudra en rien le problème de congestion routière. C'est l'autre accusation faite par Roshi Bhadain.

« Il suffit d'avoir 10 à 20% d’automobilistes qui abandonnent leurs voitures pour que cela ait un impact sur le trafic », dit une source de Metro Express Ltd. Mais si le modèle de Georges Chung se base sur 10% d'automobilistes, les autorités sont persuadées que ce chiffre sera en réalité bien supérieur à 20%. « Ce sera réalisable, à condition d'avoir un système de ‘feeder’ efficace», ajoute notre source. Quant aux autobus, si deux sondages différents indiquent que 40% des usagers seraient prêts à donner sa chance au métro, on ne veut pas commenter davantage pour ne pas causer de panique parmi les opérateurs.

Pour convaincre les automobilistes, on parle aussi de parkings relais (park and ride). Sauf, qu'à ce niveau, les choses sont moins claires : les aires de stationnement ne font pas partie du contrat de Larsen & Toubro et au Metro Express Ltd, on n'a pas encore les réponses sur le financement de ces projets, même si on parle vaguement de « projets privés ».

Gestion du trafic : incertitudes entre St-Jean et Beau-Bassin

Comment gérer le trafic si un tram qui a un droit de passage absolu doit passer chaque cinq à six minutes ? On répond à cette question à travers les structures surélevées: la gare de Curepipe qui sera sur pilotis, à Phoenix où le métro passera au sol et les voitures sur l'échangeur,  à Rose-Hill où les rails seront sur pilotis à partir d'Arab Town pour traverser la route principale pour aller vers la Place Margéot à Rose-Hill et, enfin, de La Butte en longeant l'actuel échangeur du Caudan.

Une seule intersection importante peut semer le doute : celle du rond-point de Beau-Bassin, devant l'église Sacré-Cœur. Le métro passera au niveau de la route et des feux de signalisation devront être utilisés à une intersection généralement bondée. Puis, il y a la route St-Jean, où le métro doit passer au beau milieu, les voies réservées aux voitures flanquant le métro. « Les Infrastructures publiques travaillent sur une structure, explique notre source, une bonne partie des voitures qui empruntent cette route le fera pour aller à Candos ou à Flic-en-Flac ».

L'idée des Infrastructures publiques est d'en faire uniquement un point de sortie pour les automobilistes venant de Quatre-Bornes, une nouvelle infrastructure à l'avenue Tulipe, devant permettre d'accéder à la ville. Du coup, seuls les habitants de Quatre-Bornes devraient emprunter cette route. « Cinq à six minutes, cela devrait être suffisant pour les habitants », estime notre interlocuteur.

Variation uniquement en cas de calamité naturelle

Le projet Metro Express dépassera-t-il les Rs 18,8 milliards ? Cette question a été soulevée à plusieurs reprises par les membres de l’opposition ainsi que par les forces vives qui ont ouvertement pris position contre le projet. De Paul Bérenger à Roshi Bhadain, en passant par Jayen Chellum, ils s’accordent tous à dire qu’un projet d’une aussi grande envergure dépassera largement la somme initiale de Rs 18,8 milliards. Le leader du Mouvement Militant Mauricien (MMM) s’est appuyé sur le fait que le même projet conçu à Edinbourg a coûté Rs 15 milliards de plus qu'initialement prévu et que le même scénario est inévitable à Maurice. Des arguments qui ne tiennent pas la route pour les membres de  la  Metro Express Company Ltd.

Le président de cet organisme, Sateeaved Seebaluck, explique que c’est uniquement au niveau du montage financier et des infrastructures que les autorités mauriciennes se sont inspirées du modèle Edinbourg. « Le contrat signé par les autorités à Edinbourg est différent de celui que nous avons paraphé avec Larsen & Toubro », fait comprendre ce dernier. Ii fallait une référence pour les coûts d'opération afin de faire les projections, ajoute notre autre source. Le métro d'Edinbourg compte 17 trains, quasiment le même nombre que celui du métro léger local. « Nos projections n'ont rien à voir avec le coût de la construction, explique cette source, cet aspect dépend des caractéristiques du projet, de la ville et du tracé ».

Selon Sateeaved Seebaluck, le seul facteur qui pourrait venir changer la donne, c’est une catastrophe naturelle. « Dans un tel cas de figure, ni Larsen & Toubro ni le gouvernement ne pourra être pointé du doigt, car nous ne pouvons rien contre les éléments naturels », explique le président du conseil d’administration de Metro Express Co Ltd, qui assure que le gouvernement a tout de même su apprendre des erreurs du passé. « Nous sommes pleinement conscients du mode opératoire de certaines compagnies qui font exprès de soumettre des prix bas pour, par la suite, gonfler le projet à coups de variations. Mais cela ne se produira pas avec nous », avance-t-il.

L'argument de Roshi Bhadain, qui assure que le projet dépassera les Rs 18,8 milliards parce que Larsen & Toubro ne connaît pas encore le site de construction, ne tiendrait pas non plus la route, selon lui. Selon Sateeaved Seebaluck, la firme indienne a déjà fait une visite du tracé. D'ailleurs, d'autres sources indiquent que tous les rapports des consultants sur le tracé, y compris celui des Japonais sur la montagne des Signaux, ont été remis aux soumissionnaires.

Tram ou métro ? Un peu des deux...

Le gouvernement a-t-il menti en tentant de faire croire qu'il allait construire un métro alors qu'il s'agit d'un tram ? En fait, l'actuel projet est un copier-coller de celui de Navin Ramgoolam en 2014 et il s'agissait alors d'un Light Rail Transit, donc de métro léger. Le modèle de train choisi, l'Urbos de la société allemande CAF, était même identique. Il s'agit d'un hybride entre le métro lourd et le tram.

« La différence, c'est que le métro léger circule en surface plutôt que dans des tunnels souterrains, explique notre source, mais il est capable de rivaliser en vitesse le métro lourd, contrairement au tram qui est limité à environ 20 km/h ». Alors, pourquoi avoir choisi le nom quelque peu déroutant de Metro Express ? ‘Nous avons choisi ce nom parce qu'il permet de rejoindre Port-Louis rapidement », explique Sateeaved Seebaluck, le président de la Metro Express Ltd.

Selon cette source, le métro léger roulera à sa vitesse maximale de 80 km/h dans la région de Richelieu, au milieu des champs de canne. Il est aussi possible que sa vitesse atteigne les 50 ou 60 km/h sur l'avenue Sivananda alors que sa vitesse en pleine région urbaine sera limitée à 25km/h.

Ébène et Réduit au second plan

Pourquoi une région appelée à se développer davantage à l'avenir ne figure-t-elle pas sur le tracé ? Si Metro Express Ltd assure qu'il est prévu qu'une autre ligne relie éventuellement Rose-Hill à Ébène et l'Université de Maurice, les plans semblent encore embryonnaires et ne semblent pas être une priorité. L'usager devra-t-il descendre d'un tram à Rose-Hill et sauter dans un autre qui dessert la ligne d’Ébène ? « On ne sait pas encore, mais il y aura une harmonid », est la seule réponse que nous ayons pu obtenir.


Explications - Intégrité de Larsen & Toubro : Metro Express Co Ltd a enquêté

Larsen & Toubro a eu à faire face  à une série d’allégations une fois qu’elle a appris qu’elle a décroché le contrat de construction du projet Metro Express. Entre lettres anonymes et des attaques provenant des leaders politiques de divers partis d’opposition, l’intégrité de la compagnie indienne a sérieusement été pointée du doigt à Maurice. Il faut à cela ajouté sa mise à pied de six mois par la Banque mondiale en 2013, après qu’un de ses cadres ait été impliqué dans une pratique frauduleuse pour un projet sanitaire en Inde.

« Toutes ces allégations n’ont pas été prises à la légère par le gouvernement mauricien », explique Sateeaved Seebaluck. Ce dernier souligne que, bien que les lettres anonymes ne sont jamais prises en considération, la Metro Express Co Ltd a tout de même demandé à la firme de consultants singapourienne, Singapre Corporation Enterprise (SCE), de mener une enquête afin d’étudier la véracité de telles allégations. « L’enquête n’a révélé aucune anomalie », fait-il part. Sateeaved Seebaluck ajoute aussi avoir confronté Larsen & Toubro à toutes ces reproches. « Nous avons obtenu leurs explications et le conseil d’administration de Metro Express Co Ltd est pleinement satisfait », affirme-t-il.

Finalement, en ce qu’il s’agit de la sanction qui a été imposée par la Banque mondiale contre Larsen & Toubro, le président de Metro Express Co Ltd fait savoir que c’est une affaire qui remonte à 2013. « Une fois que la peine de six mois a été purgée, la Banque mondiale a de nouveau fait appel à eux pour la réalisation de plusieurs projets à travers le monde », souligne-t-il. Sateeaved Sebaluck fait aussi ressortir que ce n’est pas la première fois que Larsen & Toubro travaille avec le gouvernement mauricien. Il rappelle que c’est cette même compagnie indienne qui a assuré la construction de la première Cyber Tower à Ebène ainsi que du Swami Vivekananda International Conference Centre à Pailles.


Lesley Macinnes, conseiller de la ville d'Edinbourg : «La satisfaction des clients est à 99%»

Le Défi Plus a contacté le conseil de la ville d'Edinbourg, dont le système de métro léger est au cœur des controverses depuis l'allocation du contrat du Metro Express à Larsen & Toubro. Pourquoi la construction du métro a coûté £ 375 millions (Rs 15,3 milliards au cours actuel) de plus que les estimations de départ ? Pourquoi le chantier a été complété avec trois ans de retard ? Et comment comptent-ils régler la polémique actuelle concernant les risques d'accidents pour les cyclistes ? C'est le conseiller Lesley Macinnes, Transport Convener de la ville, qui nous a répondu par courriel à travers le service de presse du conseil.

Toutefois, il n'y aura pas de révélations sur les raisons ayant mené au surcoût, le conseiller Macinnes précisant que la ville d'Edinbourg participe actuellement à une enquête pour situer les responsabilités. « Nous attendons actuellement les conclusions de l'enquête publique sur le projet original qui, nous l'espérons, donnera une idée détaillée de ce qui a mal tourné », explique-t-il, en assurant quel le conseil de la ville s'est engagé à coopérer pleinement à l'enquête.

Toutefois, au-delà des interrogations autour de la phase de construction, en ce qui concerne les opérations, Lesley Macinnes assure que tout marche pour le mieux. « Depuis son entrée en opération en 2014, nous avons été ravis par le succès d'Edinburgh Trams, révèle le conseiller, le nombre de passagers est en hausse constante, ainsi que la satisfaction des clients qui est à 99% et Transport Focus (une organisation qui joue au chien de garde pour les usagers de la route) nous a nommés le numéro un des opérateurs de transport ».

Un coup d'œil aux comptes d'Edinburgh Trams Ltd pour l'année 2016, publiés en avril dernier, révèle qu'effectivement la deuxième année d'opérations a été bonne. Si, en 2015, la firme affichait des pertes de £ 22 153 (Rs 948 901 millions), un an plus tard, elle enregistre des profits de £ 252 101 (Rs 10,8 millions). La principale raison est la hausse des revenus opérationnels qui ont dépassé le cap des £ 10 millions (RS 428 millions) en 2016 alors qu'ils étaient de £ 9,2 millions (Rs 394 millions) l'année précédente. Quant au flux net de trésorerie, il a atteint les  £ 475 842 (Rs 20,4 millions). 

L'urgence, toutefois, est la polémique concernant la sécurité des piétons et des cyclistes. Le décès d'une cycliste de 23 ans le 31 mai dernier, percutée par un bus alors que la roue de son vélo était prise dans les rails du tram, a été à l'origine de la mobilisation de la communauté des cyclistes de la ville. « En termes de sécurité des piétons et des cyclistes, il s'agit d'une priorité pour le conseil et nos partenaires, assure Lesley Macinnes, nous étudions la question de la sécurité des cyclistes dans le sillage de l'accident fatal tragique sur Princes Street plus tôt cette année ». Le plan est de consulter les  regroupements de cyclistes et de piétons pour revoir les infrastructures de la jonction où a eu lieu l'accident pour y assurer la sécurité.

 

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