Moris mo Péi - Sport féminin : déclin irréversible ou phénomène passager

Roilya Ranaivosoa Roilya Ranaivosoa est une des rares sportives actuelles qui brillent à un haut niveau.

De moins en moins de femmes pratiquent le sport de haut niveau. On constate aussi une régression de leurs résultats. Pourtant, cinquante ans après l’Indépendance, les facilités à la disposition des sportifs ont augmenté. Alors pourquoi sommes-nous arrivés à une telle situation ?

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« Un gros travail est à faire au niveau de la formation »

Directe et placide. Sheila Seebaluck-Blackburn, ancienne sportive de haut niveau, parle sans ambages d’un phénomène mondial qui frappe les jeunes, surtout les femmes. Les jeunes d’aujourd’hui ont beaucoup plus de choses à faire. La nouvelle génération a particulièrement tendance à se concentrer d’abord sur leurs études, puis à se perfectionner une fois une carrière professionnelle choisie. « De facto, ils et, surtout elles, n’ont plus le temps pour le sport de haut niveau. Par contre, elles ne négligent pas le fait qu’il faut faire du sport pour garder la forme. Donc, c’est la gym, le jogging ou des activités sportives en groupe qui sont privilégiés. »

Le manque de temps oui, mais, selon Sheila Seebaluck-Blackburn, le changement de mentalité chez les femmes y est aussi pour quelque chose.

« Le réflexe d’aller au-delà de ses moyens physiques est une chose qui devient de moins en moins courante et c’est dommage ! J’ai comme l’impression que nos sportifs n’ont plus cette envie de se donner à fond. » Et, pourtant, Sheila Seebaluck-Blackburn note que les moyens mis à la disposition des sportifs par les fédérations et le ministère de la Jeunesse et des Sports sont plus qu'importants. Malgré cela, il y a comme un désintéressement.

Alors qu’on lui demande un vœu pour les cinquante ans de notre République, elle n’y va pas de main-morte.

« Il ne faut pas que les femmes fassent les mêmes erreurs que les hommes. À vouloir trop être égales aux hommes, on perd de cette subtilité très importante. Il faut que les femmes utilisent cette différence qui existe pour avancer encore plus vite. Cela s’applique au sport et aussi à d’autres secteurs comme l’entrepreneuriat, par exemple. »

En guise de conclusion, Sheila Seebaluck-Blackburn, en patriote modèle, ne peut s’empêcher de se remémorer les Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI) de 1985, un moment magique pour elle de la post-Indépendance du pays. « Pour les JIOI de 2019, ce sera le moment idéal de rassembler tous les Mauriciens derrière nos sportifs. Notre île Maurice, quoi qu’on en dise, est belle et il fait bon d’y vivre. »

Pour Priscilla Cherry, ex-championne de judo, le sport féminin a connu une régression. « C'est un phénomène mondial », lâche-t-elle aussi.

« Depuis l’Indépendance de notre pays, de gros progrès ont été accomplis par nos sportives. Et les exemples de femmes qui ont réussi une grande carrière ne manquent pas. » Le problème de participation des femmes ces dernières années au plus haut niveau, selon elle, est due à l’absence d’une nouvelle pépinière. Et ce malgré la bonne volonté du ministère et la mise en place du Trust Fund, entre autres. « Un gros travail est à faire au niveau de la formation. Les différents stakeholders le savent et sont déjà partie prenante de différentes actions pour améliorer le réservoir de nos sportifs de haut niveau. »

L’arbre qui cache la forêt

Optimiste, Priscilla Cherry l’est malgré tout. « Lors des derniers JIOI, on a obtenu 66 médailles d’or. Je reste très confiante qu’on peut prendre la première place au tableau des médailles, en 2019, sur nos terres, en tournant autour de 70 ou même 80 en or. Alors que pour le judo féminin, on va très bien faire dans certaines catégories. »

À ce sujet, qui de mieux que Michael Glover pour un constat de l’évolution du sport féminin depuis l’Indépendance du pays ? Travaillant actuellement sur l'ébauche d’un projet sportif et entouré de sportifs, comme il le précise lui-même, l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports est très fier d’avoir provoqué un déclic avec la tenue des JIOI chez nous en 1985.

« Au début de 1967, le sport de compétition a progressivement pris son envol. En football, on avait des équipes structurées, comme la Fire Brigade, les Scouts. Il y avait aussi des courts de tennis qui étaient aménagés un peu partout. Toutefois, ce ne sont que ceux qui avaient les moyens qui pouvaient s’adonner à cette discipline. Il y avait les jeux intercollèges aussi. La création des fédérations, en 1984, aura été un point culminant dans la progression du sport, et de facto, de nos sportives. Ensuite, s’en est suivi ce déclic de 85 lors des JIOI. »

Alors que le pays semblait promis à des jours meilleurs, que s’est-il donc passé pour qu’on se retrouve dans la situation actuelle ? Le ressort s’est-il cassé ? L’ancien président du Trust Fund est d’avis que le mal se trouve à la racine, notamment la formation de nos sportifs.

« Alors que le sport féminin prenait de l’essor avec une belle gerbe de résultats, en badminton, en judo, en athlétisme et même en volley-ball, on a vu un tassement à partir des années 90. On a commencé à voir un certain désintéressement. Mon analyse est que le problème vient de l’école. J’ai été sur le terrain en faisant de la détection pour le compte du Trust Fund. Je suis d’avis que l’enseignement du sport à l’école ne se fait pas comme il se doit. La base, elle-même, est mauvaise. »

Michael Glover ne passe pas par quatre chemins. Il est inquiet pour l’avenir du sport d’élite chez les femmes. « Il y a Kate Foo Kune en badminton et Roilya Ranaivosoa en haltérophilie, mais elles ne sont que l’arbre qui cache malheureusement la forêt. On ne voit aucune manifestation sportive d’envergure. En 1992 je me rappelle avoir mis en place la Commission nationale pour le sport sous la direction de Myrna Lapierre. Il nous faut plus ce genre de manifestation pour engendrer plus d’intérêt au sport. C’est par là qu’il faut commencer. Mais tout cela dépend des gens qu’on met à la tête des organismes. »

Michael Glover aurait voulu être optimiste, mais il ne l’est pas.

Michaël Choyen

 

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