Société

Personnes âgées: vieillir à domicile

Nombreux sont nos seniors qui préfèrent vieillir entre les quatre murs de leur domicile, plutôt que dans une maison de retraite. Même si cela implique vivre seul ! Cela s’explique par leur attachement aux souvenirs et aux héritages familiaux qui bercent leurs vieux jours… Elles sont âgées de 101 et de 103 ans, respectivement, et pourtant, les sœurs Harpon, Gabrielle et Lucrétienne, comptent demeurer dans la maison de leurs parents jusqu’à leur dernier jour. Elles y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. « Nous avons aidé à sa construction et à son aménagement. Elle est remplie de souvenirs et nous n’avons connu que cette maison. Nous nous y sentons bien et pour rien au monde, n’irions -nous vivre ailleurs », lance l’aînée qui, malgré son âge avancé, est encore très lucide. Comme elles, de nombreuses personnes âgées refusent d’aller habiter dans une maison de retraite ou chez leurs proches pour rompre la solitude ou par sécurité. La liberté d’être chez soi, les habitudes ou encore les souvenirs de leur chez-eux sont autant de raisons qui les poussent à y rester. C’est aussi ce que nous confie Edwige, 91 ans. Séparée de son époux depuis de nombreuses années, elle a préféré profiter de sa « liberté » plutôt que de refaire sa vie. Auparavant, elle vivait avec son fils. « Depuis qu’il s’est marié et que ma mère est morte en 1983, je vis seule », explique-t-elle. C’est un choix qu’elle assume pleinement afin de ne causer de souci à personne. Néanmoins, son fils se dévoue quotidiennement pour laver son linge et lui préparer à manger. Car, la nonagénaire ne peut tout faire.

Non aux maisons de retraite !

 
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"4066","attributes":{"class":"media-image wp-image-6237","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"578","alt":"Marie-Jos\u00e9e"}}]] Marie-Josée recueille des aumônes pour vivre, mais aussi pour vaincre l’oisiveté.

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/div> D’autres essaient de se débrouiller comme ils peuvent. Marie-Josée, 69 ans, est de ceux-là. Elle a perdu son mari en 1996 et, depuis, elle vit seule dans un appartement de la NHDC à Camp-Le-Vieux, dont elle continue à assurer le remboursement. Comme moyen de subsistance, elle a sa pension de vieillesse et recueille des aumônes. Cela, explique-t-elle, pour arrondir ses fins de mois mais aussi pour ne pas rester cloîtrer entre les quatre murs de sa maison. « Depi lontan mo rest tousel, mo pena distraksion, mo latet fatige. Kan mo al dimann sarite sa permett mwa zwenn dimounn », nous confie tristement la sexagénaire. Pour nos quatre interlocutrices, c’est surtout l’attachement à leurs biens et à leur environnement familier qui les incite à ne pas bouger de leur domicile pour aller vivre dans une institution dédiée aux personnes âgées. Dans leur maison, elles disent se sentir libre de faire ce qu’elles veulent quand elles veulent, sans devoir se plier aux exigences d’une maison de retraite. Les sœurs Harpon, par exemple, en dépit de la condition modeste de leur maison, ne veulent absolument pas entendre parler de maison de retraite. Cela même si elles n’ont pas beaucoup de distraction. Il en est de même pour Marie-Josée. Son défunt mari lui a légué une maison et c’est là qu’est sa place, insiste-t-elle. Même si elle éprouve parfois des difficultés financières. « Ici, je me sens chez moi. Ce ne sera jamais le cas ailleurs. Là, je suis plus tranquille », dit-elle. C’est ce que fait comprendre également Edwige. « Je préfère être dans ma maison que donner du souci aux autres. Cela permet d’éviter les querelles inutiles », lance la vieille dame.

Solitude pesante

Mais, ajoute la nonagénaire, cette solitude est parfois pesante et, par moments, elle ne se sent pas en sécurité. Ce n’est, cependant, pas cela qui va lui faire changer d’avis. Son attachement pour ses affaires et ses petites manies l’emportent sur tout autre considération. Son fils abonde d’ailleurs en ce sens. Il soutient qu’avec son caractère, elle arrivera difficilement à se plier aux règles d’une maison de retraite. Outre de lui permettre de gagner sa vie, aller recueillir des aumônes cosntitue un moyen pour Marie-Josée de se distraire. « Mo dimann kas pou pa rest narnien fer ek sa permet mwa viv egalman. Kan mo ti pe rest lakaz, mo latet ti pe fatige, pa ti ena personn pou koze. Toulezour mo dan tristess. Rar ki mo gagn visit », dit-elle. Quant aux sœurs Harpon, en raison de leur âge, elles ne peuvent se permettre beaucoup d’activités. Pour passer le temps, l’aînée des sœurs écoute les informations, à la télévision ou à la radio. La sieste demeure cependant l’une de leurs plus grands passe-temps à toutes deux.
 

Anjali Bungaleea, psychologue: « Vieillir seul est perçu comme une libération »

 
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"4067","attributes":{"class":"media-image wp-image-6238","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"437","alt":"Anjali Bungaleea"}}]] Anjali Bungaleea

L’Homme est un être qui aime socialiser en général. Qu’est-ce qui peut pousser certains à choisir de vieillir seuls ? Selon la psychologie, nul ne peut se suffire à lui-même. De nos jours, les enfants issus de familles nucléaires grandissent de manière plutôt asociale et très réservée. Donc, le choix de vieillir seul est partiellement la psychologie de l’enfant unique qui grandit. Je connais un cas où un couple vivait replié sur lui-même et ne recevait personne à la maison. Les parents avaient développé une méfiance excessive à l’égard d’autrui. L’éducation que leur enfant a reçue le poussera à choisir de vieillir seul, mais de manière très désorganisée. Lorsque l’éducation parentale nous montre qu’il ne faut faire confiance à personne, nous devenons individualistes. Avec l’âge, nous évitons de créer des liens afin d’échapper au risque de tomber dans un état de dépendance. Le choix de vieillir seul avec une échéance en tête, correspond à se satisfaire de rester dans son cocon tout en savourant les journées au travail et les soirées entre membres de la famille ou amis. Vieillir seul est alors perçu comme une libération. Est-ce que ce n’est pas un comportement antisocial finalement ? Il ne faut absolument pas s’enfoncer dans une vie solitaire à tendance asociale ! Si tel est le cas, cette attitude antisociale revient à aimer sa propre compagnie. Si, pour certains, vivre seul à la maison relève d’un cauchemar, pour d’autres c’est un idéal de vie. Cette indépendance révèle une grande force de caractère à condition qu’elle soit relayée par des moments de sociabilité. Au cas contraire, le repli mène à la phobie sociale qui peut être très difficile à vivre. À Maurice, comme dans d’autres pays bien plus développés, le nombre de personnes qui vivent seules a explosé. La différence reste dans l’attitude de chacun. Certains se consacrent à la spiritualité ou au travail social, entre autres, sans rien attendre des autres. Ils aiment le fait de n’avoir aucun engagement avec qui que ce soit et aucune échéance à respecter pour rendre un travail assigné. Le choix de vieillir seul, c’est de ressentir le besoin de respirer, de vivre et d’exister sans pour autant le faire à travers un compagnon. Quel peut être l’impact sur la santé mentale d’une personne qui a choisi de vieillir dans la solitude ? Au moment de notre naissance, on arrive sur terre avec l’intime conviction que notre maman est venue au monde en même temps que nous. À chaque fois qu’un bébé pleure, sa maman accourt pour le nourrir ou pour changer sa couche et le dorloter. Ainsi, tout être humain éprouve à la naissance l’existence d’un binôme. Le premier impact psychologique face à la solitude, c’est la découverte de la non-exclusivité de notre existence quand la maman accorde son attention à d’autres membres de la famille. La notion d’être seul est vécue très tôt et de manière différente pour chaque individu, cela en fonction des relations familiales. En général, nous avons deux types de solitude : objective (l’isolement social) et subjective (le sentiment douloureux d’être seul). Quand on choisit de vieillir seul, il faut bien faire la distinction entre les deux tout en étant pleinement conscient de sa personnalité. Vivre seul, cela s’apprend. C’est d’abord savoir que la solitude fait partie de notre quotidien, et, une fois identifiée, surmonter cet isolement qu’il soit social ou émotionnel, avec l’aide d’un psychologue qualifié. Que conseillez-vous à ceux qui ont fait ce choix dans leur vie ? Il est fondamental d’avoir un grand réseau social, des passe-temps et une vie bien planifiée. Autrement, il sera très difficile de vivre seul. Il faut apprendre à se socialiser à tout âge. Il faut aussi prendre conscience que cette envie d’être indépendant est un choix personnel et qu’il n’a pas été imposé. Il faut donc l’assumer pleinement. Quand on a fait le choix de vivre seul, il faut s’y préparer afin de ne pas sombrer dans une détresse émotionnelle, qui peut mener à la dépression, et être envahi par un sentiment d’abandon à travers la sensation d’un vide. Pouvoir bien vivre seul revient à trouver la plénitude et de ne plus dépendre de quelqu’un ou de quelque chose. Pour cela, il faut acquérir une maturité affective. On apprend à se ressourcer par soi-même et non plus que par l’autre ou par les déceptions qui font partie de notre vie. [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]

Petits conseils pour vivre seul

Pour ceux qui ont choisi de vivre seul, indique Anjali Bungaleea, il y a dix lois fondées sur des hypothèses psychologiques qui peuvent être observées:  
  • Acceptez d’être seul en pleine conscience ;
  • Soyez mentalement fort en effectuant une autoévaluation ;
  • Trouvez votre identité personnelle tout en créant des situations d’échanges, de rencontres entre autres ;
  • Ne soyez pas dépendant des autres ;
  • N’attendez rien des autres ;
  • Voir la positivité dans tout ce qui vous arrive : « Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort ! » ;
  • Soyez auto satisfait ;
  • Arrêtez de fantasmer sur une relation passée, ou un(e) probable partenaire ;
  • Listez vos loisirs et vos rêves et trouvez de nouveaux passe-temps ;
  • Fixez-vous des objectifs personnels et atteignables. Le bonheur est dans la réalisation de vos rêves !
  • Le choix de vivre seul peut coexister avec un entourage amical ou familial bien fourni et d’adopter une attitude positive.

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