Phobie scolaire : quand aller à l’école provoque des frayeurs

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Des douleurs au ventre, des maux de tête ou des vomissements. Ces signes se manifestent au quotidien chez certains enfants au moment de quitter la maison pour l’école. Une crise de panique qui souvent inquiète les parents. Que faire dans cette situation ?

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Nous sommes dans une école maternelle de la capitale. Il est 8 heures et les parents viennent y déposer leurs enfants avant de se rendre au travail. Si les cris et les pleurs résonnent, ils ne durent pas longtemps pour la plupart des enfants. Mais, au fond de la cour, une fillette de cinq ans ne cesse de hurler et de réclamer ses parents. Elle donne des coups de pied dans les chaises, se jette à terre et refuse d'entrer en classe. Selon l'enseignante de la fillette, son comportement n’a pas changé depuis la semaine dernière et elle en a informé les parents. « Quand les enfants pleurent un peu le matin, il n’y a pas vraiment de quoi s’inquiéter, certains sont contents de venir à l’école alors que d’autres pleurent au moment de voir partir les parents, surtout le lundi. Mais dans le cas de la fille, elle ne veut pas suivre la classe. Je pense qu’elle souffre d’une angoisse à l’idée de se retrouver à l’école et il faudrait que ses parents voient un professionnel pour lui venir en aide. »

Selon Samcoomar Heeramun, psychothérapeute, la fillette pourrait bien souffrir de phobie scolaire. « C’est une forme d’angoisse qui survient au moment de quitter la maison pour l’école ou qui se déclenche au moment d’arriver à l’école » (lire plus loin les explications sur les symptômes de cette angoisse et les moyens de venir en aide aux enfants qui en souffrent).

Réconfort et confianceQuant à Bernadette Atherthon, enseignante au primaire, elle est d’avis que la phobie scolaire n’est pas vraiment « une peur de l’école mais d’une situation ou d’une personne. L’enfant a besoin d’être réconforté jusqu’à ce qu’il se sente en confiance. Personnellement, je pense que c’est plus un caprice et non pas une phobie. Aujourd’hui, les parents sont désarmés face aux caprices et comportements de leurs enfants et ces petits le savent et en profitent. Si l’enfant voit que lorsqu'il pleure pour aller à l’école, ses parents lui permettent de rester à la maison, il va recommencer. »

Le terme « phobie scolaire » a été l'objet de nombreux débats au niveau international et certains experts estiment que ce trouble ne correspond pas aux descriptions des phobies, car il est difficile de savoir exactement ce qui fait peur à l’enfant : est-ce l’école, les élèves, l’infrastructure ou le fait de se retrouver sans ses parents ? Faute d'avoir pu identifier la peur de l’enfant, ces experts ont parlé de « refus scolaire ».


Lindy Florent, travailleuse sociale en petite enfance : «Il faut les écouter»

Lindy Florent travaille dans un centre spécialisé pour enfants qui sont en situation de rue avec leur mère. Elle raconte qu’il est difficile de les ramener vers le chemin de l’école dans la plupart des cas. « C’est une situation qui ne concerne pas seulement les enfants de rue évidemment, mais il faut apprendre à ne pas les forcer. Il faut aussi les écouter. Les enfants et même les adolescents ont de nombreux troubles de comportements qui peuvent être résolus une fois qu’on les écoute. »

Et d'ajouter : « La phobie scolaire est un terme flou. Souvent, ce n’est pas l’école elle-même qui provoque ces angoisses mais quelque chose à l’école. L’enfant peut, par exemple, avoir peur de son enseignant ou d’un camarade de classe et en l’écoutant, on arrive mieux à cerner le problème et à trouver une solution. Les parents ne passent pas assez de temps avec leurs enfants. C’est dommage ! On gronde, on crie, on impose et ce n’est pas la meilleure méthode à adapter. Quand l’enfant ne veut pas parler, il faut pouvoir le faire s’exprimer à travers d’autre moyens, par exemple avec un dessin, ou lui demander de dessiner ce qui lui fait peur à l’école. »


Esmeralda Lee directrice de Early Years : «L’encadrement est important»

Ce qui est considéré comme la phobie scolaire n’est pas une situation très commune, selon Esmeralda Lee, directrice des écoles Early Years. « Très peu d’enfants sont concernés par ce problème et il faut savoir gérer la situation de manière individuelle. Un enfant ne pleure pas pour rien. Il faut savoir l’encadrer et proposer un programme scolaire qui soit adapté à tous. Quand un enfant se met à l’écart ou semble en retard, il ne faut pas le marginaliser et essayer de l’aider à se réinsérer. Par ailleurs, les parents doivent toujours travailler de concert avec l’école car c’est ainsi qu’on arrive mieux à identifier les troubles dont souffre l’enfant. Je suis aussi d’avis que le programme scolaire joue un grand rôle. Il n’y a pas que le côté académique mais aussi le développement intégral de l’enfant qui l’aide à communiquer et s’exprimer. »


Témoignage - Hansha J, 32 ans : «Il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre»

« Ma fille a toujours aimé les livres, les histoires et même les cahiers de coloriage. En maternelle, elle aimait sa classe, ses amis et son enseignante et adorait l’école. Nous avions remarqué chez elle un apprentissage précoce et n’avions aucune raison de penser que cela se passerait mal à l’école. Si le jour de l’admission s’est bien passé, dès le deuxième jour, nous avons commencé à avoir des problèmes. Elle se réveillait le matin en pleurs, refusait de s’habiller, de prendre son petit-déjeuner. Il fallait la gronder et pendant tout le trajet jusqu’à l’école, elle nous disait souffrir de douleurs au ventre. Plusieurs fois, nous avons dû faire demi-tour et rentrer à la maison mais dès qu’on y était, elle allait beaucoup mieux. Elle jouait normalement et il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre. Souvent quand elle disait être malade, nous l’emmenions à l’hôpital. Puis un jour, l’enseignant nous a conseillé de voir un psy et c’est lui qui a évoqué pour la première fois cette possibilité. Nous n’avions jamais entendu parler de ce terme dans le passé et nous refusions d’y croire car pour nous notre fille était intelligente. Mais nous pensions que peut-être le fait d’être fille unique la rendait capricieuse. Cependant plus tard, nous avions compris que c’était la classe dans laquelle elle se trouvait qui la rendait malade, mais je ne saurais dire exactement pour quelle raison. La directrice l’a mise dans une nouvelle classe et, tout d’un coup, tout s’est bien passé et elle n’a jamais fait face à une situation similaire. »


Samcoomar Heeramun, psychothérapeute : «Une phobie qui peut apparaître subitement» 

Qui sont les plus touchés par la phobie scolaire ?
À Maurice, il n’y a pas eu d’étude à ce sujet et on ne sait pas réellement le nombre d’enfants qui souffrent de ce trouble. Cependant, de manière générale, que ce soit au niveau international ou encore selon les cas qui me sont référés, je constate que très peu d’enfants sont concernés par cette situation. Mais il est important d’en parler pour que ces familles ne se sentent pas mises à l’écart. Cela concerne plus les enfants de 6 à  11 ans et les adolescents de 14 -15 ans, car c’est la phase durant laquelle ils ont plusieurs troubles et se comportent différemment. Ils sont très sensibles aux remarques et autres situations et cela peut provoquer en eux un rejet scolaire. Il faut savoir que cela ne concerne pas forcément les enfants qui sont en échec scolaire. Ceux qui de manière générale travaillent bien à l’école peuvent aussi se retrouver dans cette situation.

Comment savoir si son enfant souffre de phobie scolaire ?
De manière générale, l’enfant souffre de troubles dès qu’il s’agit d’école, il peut en souffrir tous les jours quand il quitte la maison, ou quand il arrive à l’école ou la veille, le dimanche soir, quand il sait qu’il devra aller à l’école le lendemain. Mais ces troubles s’estompent pendant le week-end ou pendant les vacances. Ils se manifestent par des maux de tête, des douleurs au ventre et parfois des vomissements. L’enfant ne veut pas aller à l’école et quand on lui demande pourquoi, il n’a pas de réponse.

Quelles en sont les causes et les conséquences ?
Pour les enfants en bas âge, c’est souvent la peur d’être séparés de leurs parents qui provoquent en eux une angoisse ou celle de se retrouver au début avec des gens qu’ils ne connaissent pas. Tandis qu’à l’adolescence, ce sont des problèmes liés à leur quête d’identité ou leur difficulté de socialiser qui les rendent vulnérables. Puis ils se font des histoires dans leurs têtes. Souvent, cette phobie peut intervenir de manière subite, c’est-à-dire quand un événement traumatisant a eu lieu ou à la rentrée scolaire après les longues vacances. Par contre, ce n’est pas une situation à prendre à la légère puisque cette phobie scolaire n’est pas sans risque : elle engendre des troubles du sommeil, une dépression ou des tendances suicidaires. L’enfant ou l’adolescent peut aussi avoir des troubles du sommeil et des comportements antisociaux. Ils peuvent aussi devenir dépressifs.

Que faire donc pour remédier à cette situation ?
Il faut absolument savoir déceler les symptômes et, avant que le trouble ne s’intensifie, assurer une prise en charge le plus tôt possible car le traitement n’est pas aussi simple. Il est important de faire appel à un psychothérapeute pour des séances individuelles. De plus, dans ce genre de cas, il faut aussi opter pour des séances de thérapie avec la famille car le comportement des parents dans cette situation a un rôle très important. Il faut alors revoir tout l’équilibre familial.

 

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