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Prem Sewpaul : «En tenant compte des opinions du public, les démocraties sont plus vivantes»

Ancien vice-président communication d’Air Mauritius, Prem Sewpaul est aujourd’hui animateur des émissions « L’actualité commentée » et « Au cœur de l’info » sur Radio Plus. Il raconte son vécu et livre une analyse de la société mauricienne basée sur son expérience radiophonique.

Dans « L’actualité commentée », émission diffusée le dimanche matin, vous abordez avec les Mauriciens les sujets qui les préoccupent. Quel est votre constat ?
Cette aventure avec Radio Plus est passionnante. C'est aussi captivant que de discuter avec des amis le week-end. L’expérience est même encore plus riche parce qu’on aborde un plus large éventail de sujets et avec une plus grande variété de personnes. Un de mes collègues me dit toujours qu'être animateur radio équivaut à être sociologue. En ce sens, une émission comme « L'actualité commentée » est un parfait laboratoire pour perfectionner cette science. J’adore l’interaction avec le public. J’ai forgé des liens avec les auditeurs et je me suis attaché à eux. 

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Quels sont les sujets et préoccupations qui reviennent souvent ?
Il est évident que la politique reste un sujet populaire, mais le débat public s'est développé au-delà de cela. La pandémie de Covid-19 et les crises économiques successives ont obligé les gens à se recentrer sur des questions pratiques qui impactent directement leur vie. Je pense notamment au pouvoir d'achat, à l'état de la fourniture d’eau, ainsi qu’aux problèmes locaux et individuels, entre autres. 

Par ailleurs, des émissions comme « L'actualité commentée » et « Au cœur de l'info » sont surtout tournées vers l'opinion. Avoir un point de vue et l'exprimer est important. Les gens aiment s’exprimer et entendre les opinions des autres. C’est ce qui nous distingue, et c’est ce qui contribue à une pensée collective plus enrichie.

Les gens s’intéressent aussi de plus en plus à ce qui se passe dans la vie des autres. Mais encourager le voyeurisme est un piège dans lequel il ne faut pas tomber. L’équilibre est important afin de préserver les valeurs journalistiques dans un paysage médiatique dominé par le divertissement. À Radio Plus, nous en sommes pleinement conscients.

Pourquoi les Mauriciens, ou du moins les auditeurs de Radio Plus, s’intéressent-ils à ces thèmes, selon vous ?
Les gens souhaitent parler de problèmes qui ont un impact réel sur leur vie. Même si un problème national ou international peut être d'une importance cruciale, on doit être capable de le rendre pertinent dans le cadre de leur vie quotidienne pour retenir l'attention du public. 

Chaque être humain est unique. Ce qui convient à une personne peut convenir ou ne pas convenir à une autre. Les gens ont des goûts, des valeurs et des points de vue différents. Ils ressentent le besoin que toutes ces opinions soient entendues et de contribuer à la pensée collective, car ils savent l'impact que cela peut avoir sur la prise de décision au niveau national. C'est ça la nouvelle démocratie. 

Toutes les opinions comptent, mais il est également important que ces opinions soient fondées sur des faits. La radio est un média très accessible et donc très puissant. L’animateur et l’auditeur jouent donc des rôles-clés dans la formation de l'opinion publique. Cela place une énorme responsabilité sur nos épaules. Le devoir du journaliste est de se tenir au courant et surtout de maîtriser les faits afin d’être objectif. Cependant, en rétablissant les faits quand un auditeur se trompe, l’animateur doit faire très attention à respecter l'opinion des gens, à ne pas décourager le libre partage des points de vue.

Tout cela démontre-t-il que les Mauriciens s’intéressent à la vie de leur pays ?
L'immense succès de Radio Plus, et le succès des radios privées en général, témoignent de l'envie qu'éprouvent les gens de participer à tout ce qui se passe dans leur pays. Il est tout à fait normal que nous ressentions le besoin d'avoir notre mot à dire sur les questions qui affectent nos vies. Le nombre de personnes qui téléphonent dépasse souvent largement le nombre d'interventions que nous pouvons prendre à la radio. 

Je commence à prendre l’habitude que les gens m'arrêtent dans des lieux publics pour poursuivre les discussions commencées à la radio. Alors clairement, oui, les gens sont très intéressés par la vie de leur pays et ils terminent souvent leur intervention par « Mo ekout ou à la radio ! ». J'essaie de toujours me rappeler et de respecter que les auditeurs s'attendent à ce que leurs efforts pour formuler leurs opinions soient reconnus. Il est aussi important pour eux qu’on les valide. 

Quelle est la place de la politique dans les interactions des auditeurs avec vous ?
Je dis souvent que les sujets de conversation préférés des Mauriciens sont les courses de chevaux, la Premier League, mais surtout la politique. Au moins la moitié des interventions dans « L'actualité commentée » concernent la politique. Les gens ont également tendance à voir un motif politique derrière tous les commentaires et dans chaque opinion exprimée. Ce n'est pas toujours une bonne chose. Certains ont tendance à déformer les faits en fonction de leurs préférences politiques. Cela rend les discussions moins productives et leurs conclusions moins précises. Je ressens souvent le besoin de mettre en garde contre de telles attitudes. Mais dernièrement, il a été encourageant de noter que les gens se soucient plus de sujets qui les touchent directement et défendent moins leurs affiliations politiques. 

« L’actualité commentée » est un exercice démocratique…

Les discussions publiques nourrissent les idées et aident à identifier les problèmes. Elles permettent aussi d’établir un pont entre les décideurs politiques et la population. L'avènement des stations de radio privée à Maurice représente un formidable élargissement de l’espace démocratique. En tenant compte des opinions, des valeurs et des priorités du public, les démocraties sont plus vivantes. C'est pourquoi tant de gens écoutent les radios privées. Le fondement même de la démocratie est le droit du peuple à avoir son mot à dire sur les questions qui le concernent, et ces émissions répondent à ce besoin. 

Comment composez-vous avec les changements apportés à l’IBA Act qui ont aussi un impact sur les émissions phone-in telles que « L’actualité commentée » ?
Exprimer librement une opinion est un droit constitutionnel à Maurice. Mais les gouvernements - tout gouvernement - se donnent la possibilité de restreindre cette liberté par des lois comme l’IBA Act et en contrôlant la manière dont les organisations publiques ou parapubliques attribuent les contrats publicitaires. Ils peuvent ainsi compromettre la viabilité financière des radios. En outre, l'IBA a maintenant la possibilité de sanctionner et peut rendre plus difficile le renouvellement des licences. Les journalistes n’ont pas d’autre choix que de tenir compte de ces contraintes. Cependant, moi je choisis aussi de garder foi en notre pays. Maurice est une société naturellement équitable, fondée sur des principes de justice. Jusqu'à présent, je n'ai pas eu à faire de compromis avec ma conscience en pratiquant l'autocensure, et je suis déterminé à être juste et objectif.

Vous faites également partie des présentateurs de l’émission « Au cœur de l’info ». Est-ce très diffèrent de « L’actualité commentée » ?
J'ai eu la chance de faire « Explik ou ka » mais aussi « Au cœur de l'info ». C'est assez comparable à « L'actualité commentée », mais dans « Au cœur de l’info », on a la possibilité d'approfondir un sujet avec des experts en la matière. Même les bulletins d'information du matin sont alimentés grâce à « Au cœur de l'info », qui fournit souvent de précieuses analyses d’experts sur l'actualité.

Vous avez longtemps été à la MBC. Comment compareriez-vous cette expérience sur la chaîne publique avec celle sur une radio privée ?
Je n'ai plus le même état d'esprit que lorsque j'étais à la MBC. Quand j’ai débuté à Forest Side, j'avais à peine 18 ans. J'ai grandi à la MBC et j'ai eu la chance d’apprendre auprès de personnalités extraordinaires, mes collègues d’alors comme Trilock Dwarka, Nando Bodha, Pierre Ah Fat, Harold Essoo, Ravin Bachoo... J'ai beaucoup appris d'eux. J’ai aussi eu de belles opportunités. Mon émission « Teens + 1 » était de classe mondiale et a été diffusée sur TV5. Dommage que la MBC ne fasse plus ce genre de productions. 

Quand j’ai quitté la MBC en 1985, j’ai eu une vie très riche. J’ai voyagé, j’ai fait des rencontres passionnantes, j’ai beaucoup étudié et j'ai aussi eu une carrière très riche. Oh oui ! Je suis tellement enthousiaste de tout ce que je fais à Radio Plus. Ce dont j’ai envie à présent, c’est de partager – partager avec le public toute ma passion pour l’actualité, le cinéma international, l'économie, la musique… Il y a tant à faire et si peu de temps pour le faire. Radio Plus, comme le Défi Media Group dans son ensemble, est le lieu idéal pour s'exprimer. Vous sentez que vous avez le soutien d'une équipe volontaire prête à vous suivre dans vos projets créatifs. C'est ce qui rend cette station unique et à succès. C’est ce qui m’a convaincu de poser mes bagages ici.

 

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