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Rencontre avec Emilie Duval, docteure en psychologie : la psychologie positive ou la science du bonheur

Emilie Duval soutient que le bonheur c’est aussi la capacité de pouvoir goûter  à des sentiments qui  sont inconfortables. Emilie Duval soutient que le bonheur c’est aussi la capacité de pouvoir goûter à des sentiments qui sont inconfortables.

En dépit d’un emploi du temps chargé, des va-et-vient incessants et des visiteurs bruyants venus s’abriter des pluies diluviennes sur Rose-Hill en cet après-midi d’avril, Emilie Duval nous accueille dans son bureau à l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM) avec une sérénité déconcertante. Une attitude qui traduit sa grande passion : la psychologie positive.

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Fervente militante pour la promotion de la santé psychosociale des enfants, Emilie Duval, docteure en psychologie, est responsable du département Psychologie et Counselling de l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM)  l’ICJM. « La vie est faite de bonheurs et de malheurs, de joie et de tristesse, de succès et d’échecs. Être en vie, c’est de pouvoir justement ressentir toutes ces émotions. Être heureux, c’est de pouvoir les apprécier. »

Cette manière de penser découle de la psychologie positive que prône Emilie Duval. « Pour moi, il n’y a pas UN bonheur, une chose qui va rendre heureux, genre ‘j’ai un super-travail donc je suis heureuse’. Le bonheur, c’est aussi de pouvoir goûter à des sentiments qui sont inconfortables. Pouvoir se dire que là, ça ne va pas mais qu’il y a quand même de petits moments de bonheur. Par exemple, la rencontre d’un ami, écouter le chant de la pluie, apprécier un verre d’eau fraîche… Ce sont de petites choses simples du quotidien qu’on ne prend pas le temps d’apprécier. On cherche le bonheur, on attend qu’il arrive ! Parce qu’on a tendance à faire comme une équation dans notre tête : belle maison, bon travail, grand voyage. Et l’équation n’arrivera peut être jamais. On est donc frustré et malheureux. »

Ça s’apprend !

Pour la professionnelle, il s’agit de tout un apprentissage. « Il faut revoir notre conception du bonheur. C’est important que les enfants puissent rêver et avoir un imaginaire mais après, il faut pouvoir sortir des clichés. Se dire que la vie, elle, est ce qu’elle est, ce que j’en fais et ce que je fais pour qu’elle soit au mieux de ce que je souhaite. Accepter que j’ai pris des décisions et je suis là, avec les bonnes choses et les moins bonnes. »

Œuvrant pour la santé mentale des enfants, Emilie Duval est l’initiatrice du programme international ‘Les amis de Zippy’ à Maurice. « Ce programme, destiné aux enfants de 6-7 ans, vise à optimiser leur bien-être émotionnel et social afin d’être mieux avec soi-même et les autres. » Zippy est un insecte domestiqué par un des enfants mis en scène par le programme, l’ami qui aide les enfants à s’adapter aux difficultés du quotidien. « Reconnaître ses sentiments, bons ou mauvais, les dire et mieux les gérer. Les petits apprennent aussi à se faire des amis et à composer avec le rejet et la solitude, à composer avec les changements et les pertes, et à pouvoir s’adapter à toutes les situations. » Ils sont en même temps initiés au respect de l’autre et à l’estime de soi à travers des règles bien établies. Comme lever la main si l’on veut parler ; une seule personne parle à la fois ; écouter ce que disent les autres ; ne pas dire de choses méchantes ; penser à des choses gentilles à dire aux autres.

Prise de conscience

Les adolescents passent plus de 180 jours à l’école et le reste du temps, ils sont à la maison. Deux lieux principaux où il importe d’investir. « Je pense que les ados d’aujourd’hui ne sont pas ce qu’ils étaient hier. Il est important de se demander comment nous nous intéressons à leur monde. À un jeune invité à une fête où il va consommer de l’alcool, il ne faut pas dire ‘NON, tu ne dois pas boire’, mais essayer de comprendre ce qu’il y a derrière. ‘Ah bon, tu veux boire ? Qu’est-ce que tu veux boire ? Qu’est-ce que tes amis en pensent ? Comment sera une fête si tu ne bois pas ?’ C’est une manière d’entrer dans son monde d’adolescent pour comprendre comment il l’appréhende, lui ! En fait, ce questionnement lui permet de prendre conscience de certaines choses et de mieux se connaître. »

À ne pas confondre avec la pensée positive !

« La psychologie positive est l’étude scientifique du fonctionnement optimal de l’homme, qui vise à découvrir les facteurs permettant aux individus et aux communautés de s’épanouir. » C’est la définition qu’en fait le psychologue Martin Seligman, initiateur de cette discipline en 1998 aux États Unis. Elle étudie ce qui donne un sens à la vie. En revanche, la pensée positive repose plutôt sur des ouvrages populaires, pas validés scientifiquement. Ainsi, la psychologie positive se différencie de la pensée positive sur trois points importants :

  • la psychologie positive repose sur des études scientifiques empiriques et reproductibles
  • la pensée positive nous incite à être positif partout et tout le temps, ce que la psychologie positive ne fait pas.
  • la psychologie positive reconnaît que, malgré les avantages de la pensée positive, parfois la pensée négative ou réaliste est pertinente.
  • Bref, la psychologie positive n’est pas une méthode d’auto-persuasion de « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ».

Bienveillance et valorisation au lieu des punitions

La discipline positive invite à revoir toute la manière d’aborder la punition et la sanction. Que ce soit à l’école ou à la maison. « Au lieu de sanctionner pour responsabiliser le jeune, il faut l’aider à réparer ses fautes en le poussant dans ce qu’il fait de bien. Nous avons la mauvaise notion que l’élève qui a fauté doit être en déplaisir. Justement non ! On doit plutôt l’encourager à faire ce qui lui plaît. Il le fera bien et sera donc mis en valeur. Résultat : si un enfant est valorisé et accepté, il est heureux et il n’a pas envie de chahuter en classe. »

La psychologie positive passe aussi par beaucoup de bienveillance. « On a souvent tendance à dire ce qui ne va pas, ce qui a été mal fait, ce qui n’a pas été… Au lieu de lui dire : ‘Raconte-moi un peu ce qui se passe dans ta vie, ce que tu aimes’. Il faut détourner l’intérêt vers quelque chose qui lui plaît, un talent, une compétence qu’il possède. Quand un jeune sent qu’on est bienveillant, il va adopter un autre comportement. Ce sont des choses simples et intéressantes qui pourraient vraiment bénéficier à nos adolescents, nos écoles et nos familles. »

 

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