Société

Sexualité: comment aborder le sujet avec les enfants

Adultes comme enfants ont des difficultés à aborder la sexualité, sujet encore tabou dans une Île Maurice prude. Malgré les questions qu’elle suscite. Comment y réagir de manière saine ? « Maman, pourquoi n’ai-je pas de zizi ? » interroge Marine, 5 ans. La mère avoue qu’elle a répondu : « Parce que c’est comme ça », considérant qu’il est trop tôt pour aborder ‘ce sujet brûlant’ avec sa petite fille. Pourtant, c’est souvent le parent qui pense que l’enfant est trop jeune pour entendre certaines choses, selon la psychosociologue Mélanie Vigier de Latour-Bérenger. L’attitude de cette jeune maman n’est pas isolée, et même plutôt fréquente, selon le Dr Pavi Ramhota, sociologue, le sexe étant toujours un sujet tabou. « La plupart du temps, c’est la religion qui influence les parents et les pousse à ne pas aborder le sujet avec leur progéniture. Nous nous disons souvent modernes, tolérants et compréhensifs, mais nous avons beaucoup de mal à délaisser nos traditions et les bonnes vieilles habitudes de nos parents. Mais peut-on se dire moderne quand toutes les civilisations s’entrechoquent ?  »

Les choux, la cigogne et les fleurs

Par ailleurs, certains enseignants arrivent difficilement à s’en sortir quand il s’agit de parler sexualité à leurs élèves, selon le Dr Pavi Ramhota. « D’un côté, ces enseignants n’ont pas la formation nécessaire pour parler de sexualité avec leurs élèves ; de l’autre, certains se font tirer les oreilles par les parents pour avoir osé parler sexe. » Le sociologue trouve dommage que les adultes continuent à faire croire aux enfants que « la sexualité est un grand mystère de la vie » et que des métaphores, telles que les choux, la cigogne et les fleurs, sont toujours utilisées pour éviter l’embarras. Dans le cadre de la réforme éducative, Leela-Devi Dookun-Luchoomun, ministre de l’Éducation, a annoncé l’introduction de l’éducation sexuelle dans les écoles. Le Mauritius Institute of Education (MIE) travaille actuellement sur les nouveaux manuels qui seront utilisés à cet effet. Entre-temps, dans certains collèges privés, l’éducation à la sexualité est abordée par des représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) ou par la Mauritius Family Planning and Welfare Association (MFPWA). Parmi les thèmes dans ces causeries : la grossesse précoce, les maladies sexuellement transmissibles et les valeurs. Deux programmes ont également été mis en place par la MFPWA : Man as partner project et Youth Friendly Service pour les jeunes.

La masturbation chez les enfants

Si parler de sexualité est difficile pour certains parents, il est encore plus inacceptable pour eux de comprendre la masturbation précoce. Shireen H., 39 ans, en témoigne. « Mon fils de 5 ans se frottait au lit et il semblait y prendre du plaisir. Puis il a commencé à le faire sur le divan et à l’école, par la suite. » Elle explique qu’à plusieurs reprises l’enseignante a réprimandé son fils, avant de dire à sa mère que « l’enfant avait un problème grave et donnait le mauvais exemple aux autres élèves ». Quant au psychologue Krishna Seebaluck, il explique que c’est justement l’attitude à ne pas adopter face à une situation de ce genre. « La masturbation précoce n’est pas une fatalité. Il ne faut pas aggraver la situation en disant à l’enfant que c’est mal ce qu’il fait. Il faut lui expliquer que son corps est privé. » L’éducation sexuelle aide au développement personnel et émotionnel de l’enfant, selon le psychologue. « Une communication saine est primordiale », conclut-il.

Comment réagir à la masturbation précoce ?

La curiosité anatomique est normale chez l’enfant. Cela commence dès son plus jeune âge, parfois avant même qu’il ou elle commence à faire ses premiers pas. Cela n’a rien d’alarmant. L’enfant qui grandit va à la découverte de toutes les parties de son corps : ses yeux, son nez, sa bouche, ses mains, ses pieds, ses parties intimes, entre autres.

Samcoomar Heeramun, psychotHérapeute

« La masturbation en public concerne plus particulièrement les enfants de 15 à 24 mois. Dans la plupart des cas, il n’y a pas de quoi s’affoler. Les parents ont deux choix face à cette situation : parler calmement avec l’enfant en lui expliquant que cela concerne son intimité et qu’il ne doit pas le faire en public ou ne pas s’en faire et éviter de le contrarier. Ne pas savoir en parler peut engendrer d’autres problèmes chez l’enfant qui aura tendance à avoir honte de lui et à se poser encore plus de questions sur ses parties intimes, sans pour autant en discuter avec ses parents. Toutefois, il faut toujours garder un œil sur les enfants et savoir faire la différence avec une masturbation compulsive, plus particulièrement des références trop fréquentes aux activités sexuelles. Au moindre doute, il est conseillé de l’emmener chez un professionnel de manière à comprendre ce que veut exprimer l’enfant. »

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/div> Conseil de Pédostop: Aborder la sexualité avec les adolescents Il importera de parler de la puberté, des changements physiques et psychologiques. De la transition entre le monde de l’enfance et celui des adultes. La sexualité fait partie des préoccupations des adolescents. Mais cela ne veut pas nécessairement dire que les jeunes ne pensent qu’à la sexualité. Il y a la famille, les études, les ami(e)s, les sports, les plans de vacances… La sexualité est une partie de la vie et son importance varie d’une personne à l’autre. Le but n’est pas de pousser les jeunes à avoir des relations sexuelles précoces, mais de les informer au mieux. Il est vital qu’ils deviennent responsables de leur sexualité, l’objectif n’étant pas juste d’avoir des informations. Autour des actes sexuels, il sera capital de transmettre les valeurs de l’amour, de respect de soi et de l’autre dans les relations dans un couple, avant de s’engager dans des actes sexuels. Dire aux jeunes qu’on choisit d’avoir des actes sexuels avec autrui. Que personne n’est obligé de s’y soumettre. Qu’il est possible de dire NON. Et important d’entendre le NON du partenaire. « Les jeunes ont besoin de savoir que, si tout est apparemment possible en sexualité, tout n’est pas normal pour autant et tout n’est pas permis. » Francine Duquet, sexologue (2008). Qu’un acte sexuel peut générer du plaisir, être agréable, mais qu’il y a aussi des implications physiques et psychologiques. Il importera aussi de donner des informations sur les retombées psychologiques et physiques des actes sexuels. Sur les conséquences des actes sexuels : risques de grossesse, MST, etc. Ces informations enrichiront les jeunes et leur permettront de faire des choix en connaissance de cause.

Quelques livres utiles

  • Attendre un bébé. (2004). Imagerie des tout-petits. Éditions Fleurus.
  • Doinet, M. Borne, I. (2005). J’accueille petit frère ou petite sœur. Zazie va avoir un petit frère. Collection C’est mon histoire. Lipokili.
  • L’encyclo de la Vie sexuelle — Hachette jeunesse en 3 éditions : 4-6 ans, 7-9  ans et 10-13 ans.
  • Robert, J. (2003). Ma sexualité (6-9 ans et 9-11 ans). Québec, Canada. Éditions de l’Homme.
  • Robert, J. (2005).  Le Sexe, c’est d’jeuns. Québec, Canada. Éditions de l’Homme.
  • Rufo, M & Shiltze, C. (réédité chaque année). Élever Bébé.
  • Tisseron, S & Guillerey, A. (2008). Le mystère des graines à bébé. Albin Michel.
  • Zep, Bruller, H. (2001) Le Guide du  Zizi Sexuel. Edision Morisien. 2010.

Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, psychosociologue: « il est capital qu’un enfant ait des informations sur son développement sexuel » À partir de quel âge, faut-il parler de sexualité avec ses enfants ? Le sexe est une partie du corps, un organe comme un autre. La sexualité est une composante importante et normale du développement de tout individu. Les enfants ont besoin de comprendre ce qui se passe dans leurs corps : sensations, développement et changements. Lorsqu’on va aider les enfants à identifier et nommer les différentes parties du corps, on peut aussi pointer le sexe, les fesses et la poitrine dès 1 an et ½. Vers 4 ans et ½, l’enfant peut entendre comment on conçoit un bébé et le processus de sa naissance. L’enfant peut l’entendre très tôt. C’est souvent l’adulte qui pense que celui-ci est trop jeune pour en être informé. Y a-t-il des sujets tabous qu’il ne faut pas aborder ? Non. Parler à ses enfants sur tous les sujets importants est indispensable. Quand les parents-éducateurs n’osent pas aborder des thèmes cruciaux avec leurs enfants, par exemple, en matière de sexualité, ces derniers vont tenter d’apprendre par d’autres moyens.  Très tôt, avec les amis à l’école, les enfants en parlent. Et parfois les informations obtenues entre enfants sont erronées. Et cela s’applique aussi aux adolescents qui se fondent sur des films pornographiques pour avoir une perception de ce qu’est la sexualité, perception souvent inexacte. D’où la nécessité pour les parents ou les éducateurs d’en parler. Certains adultes pensent qu’en parlant de sexualité à leurs enfants, cela va leur ‘donner des idées’. Ils croient que les jeunes sont par nature en quête de nombreux partenaires et que l’éducation sexuelle ne ferait que les rendre plus actifs. Or, comprendre le fonctionnement de son sexe, les implications des relations sexuelles permet aux jeunes :de mieux se connaître, de mieux gérer leur vie sexuelle et d’apprendre à se protéger En parler à la maison et à l’école, par des éducateurs informés et compétents, est donc nécessaire. Quels sont les termes à employer pour faciliter la communication sur le sujet ? Donner des informations vraies et simples. Il est capital qu’un enfant ou adolescent ait des informations sur son corps, son développement sexuel, les changements de son corps à la puberté, le fonctionnement de son sexe et sur les implications des actes sexuels. Il importe qu’il en ait des informations vraies. En mots clairs et simples, c’est important que la sexualité leur soit expliquée d’une manière appropriée à leur âge. C’est important d’oser employer les mots anatomiques, qui sont des parties de notre corps : pénis, vagin, etc. Et utiliser aussi les mots que les enfants emploient normalement pour décrire leur sexe. Il faut être à l’aise pour en parler. Les enfants et adolescents perçoivent quand les adultes/enseignants sont à l’aise de parler de sexualité. Ils seront à l’aise et viendront facilement poser des questions selon l’attitude de l’éducateur. Il est possible de se baser sur des ouvrages. Les lire d’abord, pour voir si on est à l’aise avec tout ce qui est écrit et si l’on se sent capable de l’aborder avec les enfants. Puis le lire aux enfants et avec les enfants. Et répondre à leurs questions.
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