Interview

Shakeel Mohamed : «C’est légitime que je sois le Deputy Leader du PTr»

Shakeel Mohamed, le chef de file du Parti travailliste (PTr) à l’Assemblée nationale, aspire à être le no 2, voire le leader de son parti. Ayant pris du galon, il pense pouvoir dorénavant imposer ses idées et son point de vue.

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Le gouvernement est déterminé à introduire le salaire minimal. Beejaye Coomar Appanah, le président du National Wage Consultative Council,  a annoncé que le salaire médian est de Rs 12 800. Si vous étiez encore ministre du Travail et des Relations industrielles, quel montant ceux au bas de l’échelle auraient pu attendre de vous ?

« Dans quelques années, si Dieu le veut et si j’ai le soutien de la population et du parti, pourquoi pas aspirer à être le numéro un »

En 2012, quand j’ai eu le feu vert du gouvernement pour aller de l’avant avec le salaire minimal, j’ai contacté le Bureau international du travail. J’ai même rendu public le rapport qui avait été commandité à ce sujet en 2014. Rapport qui donnait the way forward pour l’introduction du salaire minimal. Et selon le Central Statistics Office, le chiffre s’élevait à Rs 13 000. C’était en 2012. On est en 2017. Logiquement, ce montant aurait dû avoir augmenté. Je ne comprends pas comment, quel acte de sorcellerie ils ont utilisé pour le baisser.

Est-ce que les syndicats font de la démagogie en proposant un salaire minimal entre Rs 18 000 et Rs 20 000 ?
Oui, je pense que c’est démagogique. Cependant, cette requête n’est pas basée sur des faussetés. Je ne crois pas que l’état et le secteur privé pourront soutenir une pareille demande. Cela donnera lieu à des pertes d’emplois, par incapacité de payer. Il faut choisir le juste milieu. Pour 2014, cela aurait dû être Rs 13 000 et aujourd’hui Rs 15 000.

Est-ce que la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP) n’est pas raisonnable et réaliste en réclamant un salaire de subsistance de Rs 8 000 ?
Je pense que la CTSP a toujours été plus raisonnable. Je parle de par mon expérience et mon interaction avec elle, quand j’étais ministre du Travail. La CTSP a toujours été plus terre-à-terre, pratique et constructive dans ses propositions. On a pu avoir des différends avec Jane Ragoo et Reeaz Chutoo, mais je dois admettre, they are very practical. Ashok Subron aussi masters the law, mais il est beaucoup plus révolutionnaire dans sa façon de faire les choses et non pratique. J’ai beaucoup appris des deux blocs et de tous les syndicalistes en tant que ministre. La CTSP est un peu conservatrice cette fois. Je ne pense pas que sa demande de Rs 8 000 soit suffisante. Je ne veux pas qu’une augmentation salariale tue l’économie du pays.

Est-ce que les PME et les petits commerces seront en mesure de payer un salaire minimal de Rs 15 000 ?
S’ils obtiennent les facilités sur le plan fiscal, au niveau de la télécommunication, du marketing, un support du gouvernement, un rabais sur l’électricité, l’eau et la TVA, entre autres, je suis sûr qu’ils pourront pousser les bénéfices engendrés via ces facilités vers les travailleurs. Clairement, l’économie sera beaucoup plus dynamique avec une situation pareille. Il y aura davantage de disposable income.

Quand les gens peuvent dépenser plus, l’état récupère plus en termes de TVA et en retour l’état peut accorder des facilités nécessaires aux PME pour encourager la productivité et l’écoulement des articles qu’ils produisent ou les services qu’ils proposent. Un exemple est la TVA pratiquée dans les restaurants. Je trouve cela aberrant qu’elle reste à 15 %. Comme on l’a vu dans certains pays européens pour donner un boost à l’industrie de la restauration, il faut pouvoir baisser la TVA à 5 %, afin que la population puisse bénéficier d’une réduction de prix. Cela favoriserait la création d’emplois dans ce secteur et faciliterait les sorties pour que les Mauriciens puissent passer de bons moments et se relaxer.

Donc, vous partagez l’idée du syndicaliste Rashid Imrith qui avance que le gouvernement doit subventionner le paiement du salaire minimal dans les PME ?
La subvention ne doit pas se faire de façon directe. Nous avons quand même une économie de marché, où la compétition doit régner. La compétition encourage l’innovation et la productivité, elle engendre plus de profits. Subventionner de manière directe tuerait l’entrepreneuriat, l’innovation et l’esprit d’entreprise. Cependant, il faut subventionner de manière indirecte, avec les facilités que le gouvernement doit pouvoir donner, comme je l’ai mentionné plus haut. Cela se faisait dans les années 80.

La grande question pour tout salarié aujourd’hui est de savoir s’il pourra vivre de sa pension quand il arrêtera de travailler. Le gouvernement devrait arrêter avec le fonds de pension national médiocre. Je pense qu’une personne devrait pouvoir avoir les deux tiers de son salaire, évidemment sur une base contributive, à l’heure de la retraite. Pourquoi en France, une personne peut-elle bénéficier d’une pension sur laquelle elle peut vivre ? Pourquoi ne pas encourager les compagnies privées à mettre en place un système où il sera obligatoire de contribuer dans un fonds de pension quand on emploie quelqu’un. Par exemple, celui-ci toucherait Rs 15 000 au minimum, toucherait Rs 10 000 par mois comme pension. Le gouvernement doit encourager la construction de maisons pour les old age pensionners qui n’en ont pas et qu’ils en bénéficient gratuitement.

Pourquoi vous ne l’avez pas fait lorsque vous étiez ministre ?
Quand j’étais au gouvernement, je ne l’ai pas fait, car ma position ne me permettait pas de le faire. Avec l’âge et la volonté de Dieu, qui s’est transmis par le vœu de la population, je me retrouve maintenant dans une situation où il est plus facile pour moi d’imposer cette vision. Je ne compte pas jouer les seconds rôles au sein du PTr. Dans le dernier gouvernement du PTr, j’étais 17e sur 24 ministres. Aujourd’hui, la population a voulu que je sois le chef de file du parti à l’Assemblée nationale. Je pense que cela me donne le droit d’imposer ce que je pense être bon pour mon pays, car j’entends la souffrance et les problèmes quotidiens des gens.

« Le gouvernement devrait arrêter avec le fonds de pension national médiocre. Je pense qu’une personne devrait pouvoir avoir les deux tiers de son salaire à l’heure de la retraite »

Abordons votre motion de blâme contre Madame la Speaker. Pourquoi n’avez-vous pas laissé cette tâche au leader de l’opposition ? N’aurait-il pas eu plus d’impact ?

Non. Parce que les règles me permettent de le faire, comme à n’importe quel membre de l’Assemblée nationale. Ce qui est plus important, c’est que la motion a eu le soutien total de l’opposition. Gagner ou perdre n’est pas la question. La démocratie en est sortie gagnante, tout comme la population, car elle a pu voir comment se font les choses à l’Assemblée nationale. Malgré les erreurs, que j’attribuerai au manque d’expérience du Deputy Speaker, il est clair que M. Teeluckdharry n’a pas fait cela pour être méchant. Il est clair aussi que les membres du gouvernement l’ont mis dans une situation embarrassante. C’était la seule façon légale d’exprimer notre désaccord envers la Speaker.

À quoi cela a-t-il servi de déposer une motion de blâme et de suivre le peloton du « walk-out » à la suite de l’expulsion de Paul Bérenger ? N’auriez-vous pas dû rester au sein de l’hémicycle jusqu'à la fin des débats ?
Le débat n’avait plus de sens, car ce qu’on attendait était une réplique dans les règles de l’Assemblée nationale de la part du gouvernement. Ce qu’on a eu est un ministre qui déblatérait des critiques et des insultes contre une journaliste, qui se permettait de déformer son nom et qui pensait que c’était une argumentation solide dans le débat. Ensuite, nous avons eu Mme Dookun, qui a dit que nous n’avions pas le droit d’attaquer la Speaker et qu’on le faisait parce qu’elle était une femme. Où allait ce débat ?

Finalement, sans raison, le Deputy Speaker vire quatre membres du Mouvement militant mauricien (MMM). Ils avaient déjà dénaturé toute la chose et craché sur les règles élémentaires de l’Assemblée nationale. Le but pour moi n’a jamais été d’aller jusqu’au vote. Je ne faisais pas cela pour mettre Madam Speaker on trial. C’était juste pour m’exprimer et je l’avais déjà fait. Ce n’était plus nécessaire de rester dans un endroit pollué par l’attitude des membres du gouvernement. Si Madam Speaker avait besoin d’une équipe pour mettre en avant son point de vue, elle a eu la pire équipe possible. Je prépare une nouvelle motion contre un ministre. Il y en aura plusieurs et cela viendra à intervalle régulier.

Cette solidarité entre parlementaires rouges et mauves étonne. Le MMM n’avait-il pas refusé de participer à la marche du 27 janvier en raison de la présence de Navin Ramgoolam ?
C’est une question de culture. Au PTr, nous faisons les choses correctement. Par exemple, si on est au sein de l’opposition, il faut se montrer solidaire des autres membres de l’opposition. On peut ne pas être d’accord, mais cela ne va pas plus loin. Je suis content de voir que, même pendant les débats sur la motion de blâme, M. Paul Bérenger a, à plusieurs reprises, pris position en ma faveur. Il a beaucoup apprécié les débats.

On a l’impression que le groupe parlementaire n’est pas valorisé au sein du parti. Lors des conférences de presse, vous n’êtes pas placé aux côtés du leader, mais à quelques encablures. N’êtes-vous pas dans l’Inner Circle ou le good book de Navin Ramgoolam ?
Le groupe parlementaire dont je fais partie est formidable. C’est un plaisir de travailler ensemble. Ils sont jeunes, dynamiques, plein de bonnes idées. J’admire leur enthousiasme. Cela me rappelle mes débuts. Quand on allie intelligence, compétence et loyauté, cela donne un cocktail explosif. La confiance de notre leader est totale. D’ailleurs, on tient nos conférences de presse séparément et on dit ce qu’on veut. Même pour la motion de blâme, c’est le leader du Parti travailliste qui m’a personnellement remis des bouquins avec des recherches qu’il avait effectuées. Il n’y a aucun problème entre le groupe parlementaire et les autres instances du Parti travailliste. Chacun à ses aspirations. Je pense que c’est légitime que je sois le Deputy Leader du PTr. étant donné que l’on vit à Maurice, je ne vois pas plus loin que numéro deux. Dans quelques années, si Dieu le veut et si j’ai le soutien de la population et du parti, pourquoi pas aspirer à être le numéro un ?

Vous remettez donc en cause le leadership de Navin Ramgoolam ?
Jamais de la vie. J’ai tout le temps démontré ma loyauté envers lui et d’ailleurs, c’est la marque de fabrique de la famille Mohamed. Loyauté et franchise, without fear or favour.

Partagez-vous l’opinion de ceux qui pensent que Nandanee Soornack a fait davantage de tort au PTr et à Navin Ramgoolam avec sa conférence de presse de Milan ?
Je suis choqué par l’importance qu’elle pense avoir. Je ne dis pas qu’elle a fait quelque chose d’illégal, mais clairement son silence valait de l’or. Son attitude a fait davantage de tort à la classe politique. Que ce soit le gouvernement ou l’opposition. Des Soornack, il y en a encore dans la cuisine. Avec d’autres noms et prénoms. Récemment, on a vu Sumputh, Sanspeur ou encore Singh. C’est ce genre de personnages qui fait perdre à la population sa confiance en la politique. Il est grand temps que les politiciens ouvrent les yeux.

 

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