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Sur le fond : hypocrisies

Une brave fille décide de son plein gré de dire au monde, à travers sa page Facebook, qu’elle est ‘Pole Dancer’ de métier. Il s’en trouve des esprits bien-pensants pour conclure qu’elle exerce un métier qu’il est impudique, voire honteux de mentionner. Il est plus honorable, semble-t-il, de glorifier sur des pages glossy des stripteaseuses ukrainiennes, reçues comme des VIP à l’immigration, que d’accepter qu’une fille-mère de chez nous puisse gagner sa vie honnêtement en pratiquant un métier hétérodoxe.

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Bien sûr, les Messieurs sans reproches qui sont les premiers à se trémousser dans les boîtes de nuit devant des danseuses lascives sont loin d’être tous des voyeurs compulsifs. Ce sont souvent des gens de la bonne société qui ne font que passer de bons moments, vivre la good life. Alors pourquoi ce réflexe, voire complexe de se culpabiliser et de tout culpabiliser à l’évocation du mot sexe, sexualité ou tout autre vocable qui s’y rapporte ? Il paraît, d’après notre construction mentale somme toute très mauricienne, que la moralité se définit en fonction de la privacy et qu’elle est sauve du moment que nos agissements demeurent secrets.

C’est connu : tournoyés entre les pesanteurs de notre société faussement conservatrice et leur vie réelle, la plupart de nos concitoyens sont devenus des spécialistes de la moralité à géométrie variable. Ne parlons pas des rédacteurs qui jouent à courage, fuyons sur l’autoroute ; ils ont un sens très particulier de l’éthique et portent sans doute l’épisode frère Lourdes comme un Badge of Honor. Nous sommes interpellés, cependant, lorsque des sans peur posent des questions pertinentes. Sauf qu’elles n’évoquent que des symptômes et se gardent bien d’analyser les causes profondes des malaises. Et se poser les vraies questions. Par exemple :

(i) Qu’est-ce qui explique que ce sont toujours les mêmes catégories sociales qui finissent ‘Pole Dancers’ et opérateurs de taxis marrons. Sont-ils nés sous la mauvaise bannière ?
(ii) Qu’est-ce qui explique que près de 50 ans après l’Indépendance, la concentration de la richesse est telle qu’aujourd’hui on ne parle même pas de 14 mais de quatre à cinq familles qui contrôleraient l’économie du pays ?
(iii) Qu’est-ce qui explique que l’État qui est censé veiller à l’intérêt général donne l’impression d’être un agent de vested interest et un levier pour l’enrichissement de toute une faune qui gravite dans ses girons?

Y a-t-il des liens de causalité, oui ou non, entre la concentration de la richesse et l’accaparement des sphères de l’État, d’une part, et de l’autre, l’approfondissement des inégalités sociales et la paupérisation croissante des masses entières de notre population – au point que certains tombent dans la marginalité et subissent tous ses travers ?

La marginalisation engendre-t-elle, oui ou non, les fléaux associés à sa suite : métiers informels, petite et grande délinquance, prostitution, consommation et trafic de drogue, violence, prison, familles brisées, propension à la violence domestique, etc. ?

Durant les années de braise, ceux qui avaient une conscience politique parlaient de conditions infra-humaines. Où en sommes-nous aujourd’hui ? À l’époque, l’on disait qu’on ne pouvait guérir un cancer avec des béquilles. Quelles sont les propositions de réformes structurelles à l’agenda afin de mettre un terme à la reproduction des inégalités sociales ? Afin qu’au bout du cycle de la violence systémique, les marginaux ne soient plus condamnés à finir assassins et assassinés…

Susciter et alimenter des débats émotifs, sensationnels dirait l’autre, ne permettent pas d’identifier les vrais problèmes de société et de les combattre à la racine. Or, respecter les droits humains consiste d’abord à subvenir aux besoins fondamentaux des classes sociales les plus défavorisées ; à partager équitablement les richesses du pays ; à briser le cercle vicieux de la reproduction sociale qui fait que ce sont toujours les mêmes catégories qui finissent ‘Pole Dancers’ et opérateurs de taxis marrons.

Commençons par là et peut-être atteindrons-nous un jour le paradis nord-coréen, où il n’y aura plus de vols, viols, violence, trafic de drogue, meurtres et agissements mafieux à rapporter, sauf les cérémonies de coupures de ruban!

 

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