Société

Taux de fécondité en baisse: des enfants pour sauver…le pays

Les couples mauriciens sont de moins en moins enclins à avoir une famille nombreuse. Résultat : le pays est menacé par le phénomène de vieillissement de la population et ses conséquences économiques désastreuses. Mais le coût est un des facteurs poussant les couples à ne pas avoir beaucoup d’enfants.  Zoom sur une question complexe… Le ministre de la Santé fut le premier à tirer la sonnette d’alarme. « Les couples devraient avoir plus d’enfants », avait déclaré Anil Gayan, il y a quelques mois, s’attirant par la même quelques critiques. Plus récemment, ce fut le tour de sa collègue de l’Égalité des genres de monter au créneau pour demander aux femmes mauriciennes « qui le peuvent » d’avoir plus d’enfants. « Il en va de l’avenir du pays », avait-elle alors déclaré. Aurore Perraud est revenue à la charge, mardi dernier, dans l’émission « Scènes de vie ». « Notre population devient vieillissante. Si nous ne faisons rien pour freiner cette tendance, nous allons droit dans le mur. Comme nous aurons moins de personnes actives et beaucoup de retraités, les jeunes d’aujourd’hui, qui seront les adultes de demain, devront dépenser beaucoup pour payer la pension des aînés. Nous avons intérêt à prendre les actions qui s’imposent au plus vite », dit-elle.

Menace d’ordre social

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"18957","attributes":{"class":"media-image alignleft size-full wp-image-32502","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"364","alt":"Famille"}}]]Le taux de fécondité est en baisse à Maurice. Il n’a cessé de diminuer ces 18 dernières années, confirme Vidya Charan, directrice de la Mauritius Family Planning Welfare Association (MFPWA). « Le taux de fertilité aurait dû être de 2,1. Mais il est de 1,3 seulement. C’est pourquoi le gouvernement et la MFPWA sont en train de tirer la sonnette d’alarme. Nous tentons de sensibiliser la population quant aux dangers qui nous guettent », dit-elle. La plus grande menace, dit-elle, est d’ordre social. « Il y aura beaucoup de pression sur l’État-providence. Un taux de fertilité en baisse signifie que la population active va aussi baisser à l’avenir. En même temps, il y aura de personnes âgées et donc plus à payer en termes de pension de vieillesse. La pression se fera aussi sentir sur les prestations sociales et même notre système de santé gratuit », souligne-t-elle. Le sociologue Chandra Rungasawmi souligne que le phénomène de baisse de fertilité frappe beaucoup de pays. « 50 % des pays du globe sont touchés par une baisse de fertilité. C’est la raison pour laquelle plusieurs pays européens ont augmenté l’âge de la retraite. En Allemagne, par exemple, il est de 68 ans », dit-il. Pour le sociologue, pour pouvoir contrer le problème de baisse de fécondité, il faudrait d’abord voir les raisons pour lesquelles les couples à Maurice ont tendance à avoir moins d’enfants. En premier lieu, il y a le facteur financier. Un argument qui ne convainc pas totalement Vidya Charan. « De nos jours, les gens ont toutes sortes de facilités, même l’éducation gratuite. Mais ils se plaignent toujours de ne pouvoir subvenir aux besoins d’un enfant », dit-elle.

Études et carrières

Un autre facteur, selon Chandra Rungasawmi, est que les femmes mettent plus d’accent sur leurs études et leurs carrières. De ce fait, avoir un enfant trop tôt peut s’avérer un obstacle sur le plan professionnel. De plus, les couples programment d’avoir un enfant assez tardivement. Ils n’ont alors pas le temps ou l’envie d’en faire d’autres. Un troisième facteur, assez lié au second, est d’ordre sociétal. « La femme ne se considère plus comme une machine à reproduire. Sa vie ne se résume plus à se marier et à faire des enfants. Aujourd’hui, elle décide si elle veut d’un enfant et combien d’enfants elle aura. De plus, c’est elle qui gère sa sexualité et son système reproductif. Un enfant est une lourde responsabilité », souligne Chandra Rungasawmi. Vidya Charan, pour sa part, insiste sur les contraintes auxquelles doit fait face la femme active. « Dans beaucoup de couples, il n’y a pas de partage des responsabilités et des tâches. Tout cela repose sur les épaules de la femme ! Elle doit souvent s’occuper de son enfant, de la famille et de la maison. Cela, tout en ayant un job. Par conséquent, elle n’a aucune envie de faire un deuxième ou un troisième enfant. C’est la raison pour laquelle nous mettons l’accent sur l’éducation des hommes par  rapport au partage des responsabilités au sein de la famille », indique-t-elle. Elle ajoute que les conflits conjugaux contribuent au phénomène de baisse de fertilité. « S’il n’y a pas d’entente dans le couple, il lui est difficile d’avoir des enfants », insiste-t-elle. Quant au sociologue, il évoque le culte du plaisir qui a pris une place prépondérante dans notre société. « Les gens veulent profiter pleinement de la vie pleinement. Puis, de plus en plus de parents sont persuadés que leurs enfants ne prendront pas soin d’eux plus tard et qu’ils finiront leurs jours dans une maison de retraite », ajoute-t-il. Enfin, Vidya Charan met en avant la structure familiale, qui « décourage les couples à faire plus d’enfants ». « Dans une famille nucléaire, on ne peut compter sur les grands-parents pour garder les enfants. Il faut faire appel à des crèches, dont les prix ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Sans compter que le fait de travailler à des heures indues, ce qui peut être le cas des deux conjoints, requiert toute une organisation pour la garde des enfants », dit-elle.

Les suggestions

La directrice de la MFPWA et le sociologue proposent une série de solutions pour encourager les couples à avoir des enfants.  Ils suggèrent d’abord que l’État revoit complètement le système régulant les crèches. « Il faut en premier lieu les rendre beaucoup plus accessibles, notamment en régularisant les prix. En même temps, il faut professionnaliser davantage le service », disent-ils. Vidya Charan et Chandra Rungasawmi proposent également que le gouvernement favorise le flexitime, « afin de permettre aux couples d’avoir plus de temps pour s’occuper de leurs enfants ». Ils suggèrent aussi de mettre plus de facilités à la disposition des couples pour leur permettre de mieux subvenir aux besoins de leur enfant. « Par exemple, on pourrait voir comment baisser les prix des couches, du lait et d’autres nécessités », souligne le sociologue. Entre autres propositions : des exemptions fiscales plus conséquentes pour chaque enfant supplémentaire et un cash gift plus important à chaque naissance.  
 

Praveen Ramdaursingh gynécologue: « Une femme est plus fertile entre 20 et 30 ans »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"18958","attributes":{"class":"media-image alignleft size-full wp-image-32503","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"300","alt":"Praveen Ramdaursingh"}}]]Est-il vrai que les couples font des enfants de plus en plus tard ? Oui ! Les couples sont plus nombreux à concevoir après la trentaine. Ils préfèrent se consacrer à leur carrière avant. De plus, ils cherchent la stabilité sur le plan financier. Quel est l’âge idéal pour avoir un enfant ? Normalement, le système reproductif de la femme dure aussi longtemps qu’elle a ses règles. C’est au stade de la ménopause que son taux de fertilité commence à diminuer. Cependant, c’est entre 20 et 30 ans que la femme est plus fertile. L’âge idéal pour concevoir est de 25 ans. À 30 ans, une femme est toujours fertile, mais pas comme à 20 ans. Avoir des enfants tardivement pose-t-il des problèmes ? Une fois leur carrière assurée, de nombreuses femmes ont le stress d’avoir un enfant. Mais le stress perturbe l’équilibre hormonal. De plus, les femmes actives d’aujourd’hui ont de moins en moins le temps de pratiquer une activité physique et de préparer les repas à la maison. Le fast-food favorise l’obésité, le diabète et l’hypertension. Les femmes qui tombent enceintes à 30 ou 35 ans peuvent donc avoir des complications. Plus une femme tarde à concevoir, plus le risque d’avoir un enfant trisomique est grand. Quant à celles qui sont en surpoids ou obèses, leurs hormones sont débalancées. Cela impacte sur sa fertilité. Idéalement, une femme qui a une carrière devrait concevoir au plus tard à 30 ans. Elle devrait éviter d’avoir des enfants après 35 ans.  
 

Eddy Boisézon PPS: « Le problème est latent »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"6878","attributes":{"class":"media-image alignleft size-full wp-image-10963","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"300","alt":"Marie Cyril Eddy Boissezon"}}]]Le Private Parliamentary Secretary Eddy Boissézon intervenait sur ce sujet le 2 juin, dans l’émission « Duel », sur Radio Plus. « On demande à ceux qui ont les moyens d’avoir plus d’enfants. Parce que le problème de vieillissement de la population est latent. Dans 20 ans, nous allons nous retrouver avec beaucoup de personnes âgées, donc plus de pensions, mais avec peu de personnes pour financer cela. De plus, plus une population est grande, plus on consomme et plus l’économie tourne », dit-il. Mais est-ce que le pays pourra donner du travail à toutes ces personnes ? « Le chômage est un problème d’aujourd’hui. Il ne se posera pas dans 20 ans. L’enfant qui prend naissance aujourd’hui trouvera du travail dans 26 ans parce que le gouvernement aura réussi le miracle économique », dit-il. [row custom_class=""][/row]  
 

Témoignage - Jocelyne: « Les pertes m’ont marquée »

Jocelyne voulait à tout prix être maman. Mais elle a fini par abandonner cette idée, après que toutes ses tentatives aient été vaines. « J’ai fait plusieurs pertes. Ce fut une expérience traumatisante. Ces pertes m’ont beaucoup marquée. Mon mari et moi avons fini par jeter les armes », dit-elle. Elle explique qu’elle est triste de ne pas connaître la joie d’être maman. « Mais je me console avec les enfants de mes proches. Mais la crainte de faire encore une perte m’a poussée, de concert avec mon mari, à ne plus tenter l’expérience », ajoute la jeune femme, qui précise que cela « n’a pas influé sur leur couple, qui marche très bien ».
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