Interview

Vidya Charan : «Il faut investir dans la vie et faire davantage d’enfants»

Vidya Charan Vidya Charan, de la Mauritius Family Planning and Welfare Association

Lors du forum sur le vieillissement de la population, Parmassivum Pillay Vyapoory, qui assurait l’intérim à la présidence de la République, avait exhorté les couples à faire davantage d’enfants. Vidya Charan, directrice exécutive de la Mauritius Family Planning and Welfare Association (MFPWA), nous donne des explications.

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« Si on n’établit pas un équilibre démographique dès à présent, il sera difficile de soutenir le paiement des pensions de vieillesse. »

Les propos du vice-président de la République Parmassivum Pillay Vyapoory ont suscité de nombreux commentaires. Son message exhortant les couples à faire davantage d’enfants semble avoir été mal compris. Votre avis sur le sujet ?
Nous devons dépolitiser le débat et ne pas faire d’amalgame. Il ne faut pas réagir en fonction des commentaires des uns et des autres. Il faut voir les choses dans une perspective plus professionnelle et songer davantage à la construction du pays.

Si nous affirmons aujourd’hui qu’il faut plus d’enfants par couple, c’est parce qu’il n’y a pas un renouvellement adéquat de la population. D’un côté, une frange de la population vieillit. De l’autre, il n’y a pas assez de naissances. La relève n’est donc pas assurée pour soutenir notre économie et la société.

Parmassivum Pillay Vyappoory, qui assurait l’intérim à la présidence de la République, a été juste quand il affirmait que les couples devraient faire davantage d’enfants. Le nombre reste à déterminer, mais le renouvellement est nécessaire. Le taux de fertilité baisse. Il tourne autour de 1,3 %, alors qu’il devrait être de 2,1 %. Il faut prendre des mesures correctives dès à présent. D’où la suggestion de deux à trois enfants par couple pour ceux qui en ont les moyens.

Avoir davantage d’enfants pour assurer la pérennité de la population est donc un mal nécessaire ?
Ce n’est pas un mal, c’est une nécessité. Dans les années’ 60, Maurice était confronté à un problème démographique : le pays était menacé de surpopulation. Pour résoudre ce problème, les autorités avaient mis en place une politique de planification familiale. C’est ce qui a permis à notre société de bénéficier d’autant de services gratuits.

En 2017 et dans les années à venir, nous serons confrontés à un autre problème : pas assez de naissances pour soutenir la pérennité de notre société. Il faut prendre des mesures pour rétablir l’équilibre démographique.

Dans la conjoncture actuelle, les gens se demandent comment élever plusieurs enfants avec un salaire jugé « dérisoire » et des heures de travail indues…
J’entends souvent cette argumentation. Je peux concevoir que cela coûte cher d’élever un enfant, mais considérer la vie d’un enfant en des termes uniquement pécuniaires n’est pas correct. Certes, il y a des dépenses. C’est pourquoi nous préconisons des stratégies et une politique de la famille pour soutenir les couples qui veulent des enfants.

On ne demande pas aux couples qui ont déjà cinq ou six enfants d’en avoir plus. Il faut être réaliste. Nous encourageons ceux qui ont les moyens d’avoir davantage d’enfants. J’ajoute que bien que certains prétendent avoir des difficultés financières, ils trouvent les moyens de jouer aux courses, d’acheter des cigarettes ou de l’alcool, ainsi que des produits de luxe à des prix exorbitants. Hélas, quand il s’agit d’investir dans une vie, ils estiment que c’est trop cher payé.

Quelles mesures pourraient inciter les couples à avoir plus d’enfants ?
On pourrait revoir le système de taxation par rapport aux parents. Autrefois, on accordait des déductions fiscales pour les enfants qui effectuaient des études supérieures. On peut mettre à la disposition des femmes qui travaillent des crèches pour garder leurs enfants.

Un assouplissement des lois du travail et l’application d’horaires flexibles pour les couples seraient aussi des mesures encourageantes. Il faudrait revoir les congés de maternité et de paternité de même que les prix des produits pour bébés. On pourrait également offrir aux couples qui n’ont pas de maison des facilités d’emprunt à un taux préférentiel.

Il faut évidemment s’asseoir autour d’une table et réfléchir à ces mesures. Le phénomène de vieillissement de la population est irréversible. Le nombre de services offerts aux seniors ne cessera de croître d’ici 2050, lorsque la proportion de la population âgée de plus de 60 ans passera à plus de 30 %, contre 15 % aujourd’hui.

Pensez-vous que l’aspect pécuniaire rebute les couples ?
Nous avons développé une certaine mentalité à l’effet que lorsqu’il y a un problème, on trouvera toujours une tierce personne pour le résoudre pour nous. Ou alors on attend d’agir quand le problème est posé. Or, si on n’établit pas un équilibre démographique dès à présent, il sera difficile de soutenir le paiement des pensions de vieillesse. Nous restons enfermés dans notre confort d’aujourd’hui sans penser un instant que les choses risquent de changer à l’avenir.

Pensez-vous qu’il faut cibler la pension de vieillesse et la donner aux plus méritants ?
C’est un sujet très sensible. Il ne faut pas causer de la frustration parmi ceux qui ont travaillé durant toute une vie pour apporter leur contribution à ceux qui bénéficient de cette pension. Ce serait malvenu qu’arrivé leur tour, ils ne bénéficient de rien. Il faut bien réfléchir avant d’appliquer cette mesure.

La MFPWA a institué un comité pour réfléchir aux mesures à prendre. Quand présenterez-vous vos recommandations aux autorités ?
Ce comité réfléchit à tout ce qui s’articule autour des aspects du vieillissement de la population, notamment comment maintenir les personnes âgées en bonne santé après leur retraite à 65 ans. Il faut aussi les aider à vieillir dans la dignité. Le Think Tank composé de professionnels de divers milieux soumettra ses recommandations au gouvernement au fur et à mesure de ses réflexions.

 

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