Interview

Vishal Ragoobar : «La collaboration public-privé est la base de notre succès»

Vishal Ragoobar Vishal Ragoobar

Le taux d’investissement du privé est bas. Selon Vishal Ragoobar, il faut pouvoir diversifier nos secteurs d’activités et miser sur la technologie et l’innovation pour augmenter la productivité qui favorise la croissance.

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Le débat sur l’investissement du privé est relancé par certains discours ces derniers jours. Quelle est votre opinion ?

« Il faut une nouvelle structure et un changement de mentalités, sinon les choses ne vont pas évoluer. »

Tout le monde reconnaît que depuis quelques années, le taux d’investissement du privé est historiquement faible. Surtout par rapport à nos ambitions de croissance. Il représente presque 73 % de nos investissements totaux et en demeure le moteur. En 2016, il y aura une croissance des investissements du privé, d’après les chiffres officiels, de l’ordre de 6 %. L’année dernière, il y a eu une baisse de 7,6 %. Le taux va certes augmenter, mais restera faible, 12,8 % du PIB pour être précis. Mais la croissance sera positive.

Y a-t-il des obstacles qui empêchent le secteur privé d’investir ?
Il faut comprendre ce qui motive la décision d’investir ou pas. Le secteur privé est vaste. Ce n’est pas seulement les grands groupes, mais bien d’autres entreprises (des micros entreprises en passant par les PME au plus grand conglomérat). La capacité d’investir dépend de plusieurs facteurs reposant principalement sur le climat des affaires. Or, prenons le cas des entrepreneurs, s’ils ne peuvent pas faire de projections quant à l’avenir, ils ne sont pas à l’aise pour investir. D’ailleurs, quand il y a des incertitudes économiques, cela devient difficile. Puis, les entreprises injectent des fonds quand il y a une croissance de leurs activités. 

Il y a une perception que le secteur privé attend certaines incitations et concessions. À quel point est-ce vrai ?
Les incitations et autres concessions favorisent l’investissement. Il faut surtout éviter qu’il y ait un blocage administratif. Cela encouragera le secteur privé à investir. Mais je ne crois pas qu’il attend des ‘incentives’. Les petites entreprises, par exemple, ont des contraintes comme l’accès au finance et à la main-d’œuvre. Ce qui ralentit l’investissement. Pour les grandes sociétés, la problématique est d’une autre nature. Y a-t-il suffisamment de projets pour qu’elles puissent investir ? Ont-elles suffisamment de ressources ? Doivent-elles se mettre en partenariat avec des étrangers ? Le retour sur investissement sera-t-il rapide ? D’où le fait qu’il est important que les entreprises aient une ouverture sur la région.

« Souvent, il n’y a que des effets d’annonces et les projets ne prennent pas forme. Il faut être sérieux, si on veut qu’il y ait des investissements. »

Le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, a été élogieux à l’égard du privé, tandis que l’ancien Chef du Cabinet, Sateeaved Seebaluck, parle de léthargie. Quelle est vraiment la nature du partenariat public-privé ?

Chacun a son opinion. Se basant sur les faits, c’est vrai qu’il y a une étroite collaboration entre le public et le privé. C’est d’ailleurs un des facteurs de notre succès. Il est important que cette collaboration continue. C’est cela qui aide à créer un environnement propice et facilite l’investissement. Le secteur privé a beaucoup d’idées, il faut juste de l’encouragement. Peut-être que c’est la concrétisation qui tarde.

Il y a de gros projets dans le pipeline. Or, le gouvernement veut injecter moins de fonds publics et inciter le privé à investir plus. Est-ce que cette stratégie portera ses fruits ?
Le gouvernement n’a pas les moyens pour de gros projets. Le secteur privé en a-t-il les moyens ? Cela, on ne le sait pas. Ce n’est pas une idée nouvelle. Cependant, les choses n’ont pas vraiment abouti. Probablement qu’il n’y avait pas le cadre nécessaire dans le passé. Et souvent, il n’y a que des effets d’annonces et les projets ne prennent pas forme. Il faut être sérieux, si on veut qu’il y ait des investissements.

Les projets où le secteur privé investit concernent principalement le développement foncier et immobilier. Toutefois, ce ne sont pas des secteurs qui peuvent créer une valeur ajoutée pour l’économie. N’y a-t-il pas un changement de stratégie à apporter à ce niveau ?
Une grande partie des investissements étrangers va dans les projets immobiliers, pour lesquels il y a une demande. Je pense qu’ils ont leur valeur ajoutée. Sauf que ces projets ne bénéficient pas à tout le monde. Il faudrait promouvoir d’autres secteurs. Cependant, c’est un fait que les investissements se font là où il y a des retours. Ainsi, la modernisation, l’innovation et la technologie sont importantes. Il faut améliorer la productivité et la compétitivité.

Depuis plusieurs années, on parle de la création de nouveaux secteurs, comme l’économie bleue et maintenant la cinématographie. Qu’est-ce qui empêche l’émergence de ces secteurs ?
Un secteur n’émerge pas du jour au lendemain. Prenons les Tic, qui ont pris du temps avant de devenir un pilier. Il faut, pour ce faire, des ressources, une bonne stratégie, les moyens et des actions en sus du développement infrastructurel. Mais s’il faut maîtriser un secteur dans lequel nous n’avons pas d’expérience, cela prend du temps. Comme exploiter l’économie bleue, qui a beaucoup de potentiel, mais où on n’a pas forcément l’expertise nécessaire.

Pour encourager le privé à investir, le secteur public n’a-t-il pas un rôle à jouer ?
Le secteur public a un grand rôle à jouer. Il faut qu’il soit efficient et efficace. C’est ainsi que les choses iront plus vite. Aujourd’hui, s’il y a un blocage quelque part, toute la machinerie grippe. Il faut une nouvelle structure et un changement de mentalités, sinon les choses ne vont pas évoluer. Toutefois, je suis de ceux qui croient qu’on ne peut porter de jugement si on ne comprend pas les conditions dans lesquelles travaillent les gens du secteur public.

Est-ce que la situation politique incertaine affecte le climat des affaires ?
Du moment que ce n’est que du blabla, c’est business as usual. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut de la stabilité, que ce soit à la tête d’une entreprise ou de l’État. Il y a certes des incertitudes, mais cela n’affecte pas les activités. Mais on aurait pu se passer de tout cela.

Pravind Jugnauth a souligné que la façon dont notre économie a été développée a creusé l’écart entre riches et pauvres. Selon lui, il faut réfléchir à un nouveau modèle économique. Quel serait le modèle le mieux adapté à Maurice ?
Il faut un modèle inclusif, traitant des problèmes que rencontre notre société. Tout le monde doit pouvoir participer au développement du pays. À ce jour, le système favorise certains et exclut d’autres.

 

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