Société

Vivre aux côtés de cancéreux

Troisième cause de décès à Maurice, le cancer est sans doute aujourd’hui la maladie qui cause le plus de ravages. Ce n’est pas seulement le malade qui voit sa vie être chamboulée. Artee Randawor est résignée. Pour soutenir son fils Varun, 19 ans, atteint de leucémie, elle fait tout ce qu’elle peut pour se montrer forte. Si son cœur de mère saigne, pas question de baisser les bras face à la détermination de son enfant. Fils unique, Varun a juré à ses parents qu’il allait combattre la maladie. « Pa bizin zot trakase, mo pou manz ar maladi la », leur a-t-il dit.  C’était l’an dernier quand, après divers examens, les médecins ont posé leur diagnostic. Thérèse*, une ancienne infirmière, accompagne régulièrement sa sœur Rosemay* à l’hôpital. L’annonce de la maladie de cette dernière a été une surprise. «Nous ne nous attendions pas à cela. Avec notre père et trois tantes qui sont décédés d’un cancer, nous avons de quoi être inquiets.»
En dépit de la situation, tout le monde essaie de se montrer fort. « Nous gardons le moral et avons l’espoir que tout se passera bien. La famille est solidaire dans l’épreuve », soutient Thérèse. Mais ce n’est pas aussi simple pour tout le monde. Les proches de personnes souffrant d’un cancer traversent une épreuve tout aussi pénible moralement. Comme le malade, elles vivent tour à tour la révolte, le refus de l’évidence, le découragement, la résignation, et, en permanence, la tristesse… Refusant, dans un premier temps, ce coup du sort, Artee Randawor n’a pas cessé de se demander ce qu’elle a bien pu faire pour se voir infliger une telle épreuve. Elle a dû progressivement accepter la réalité et s’y adapter. Mais la vie n’a plus été pareille depuis. Une tristesse permanente flotte sur le foyer, même s’ils gardent tous espoir d’une guérison complète. Ce qui fait mal à cette maman, c’est de voir son fils alité alors qu’il aurait dû profiter de sa jeunesse.
[panel contents="Diverses formes d’aide sont à la disposition des personnes atteintes de cancer ainsi que de leurs proches. Le ministère de la Sécurité sociale alloue à tout personne dans le besoin une aide sociale ou une Basic Invalid Pension (BIP), selon des critères établis, notamment le stade du cancer, sa sévérité et l’incapacité de travailler. La demande doit être approuvée par le Medical Board de la Sécurité sociale. Le degré d’handicap doit être d’au moins 60 % pour une période d’au moins un an. Les personnes qui ont besoin de la présence d’une personne en permanence pour leurs activités quotidiennes peuvent demander une allocation au ministère de la Sécurité sociale pour payer les services d’un ‘carer’." label="Allocations et aides sociales" style="info" custom_class=""]
Aujourd’hui, cela fait un an que Varun a été diagnostiqué. Même si le personnel soignant a fait preuve de beaucoup de tact, le choc a été énorme, raconte Artee, les yeux embués de larmes. « Si nou ti ena malad leker, nou ti pou fini mor anplas ». Désemparés, ils ont fondu en larmes. Afin de mieux l’épauler, Artee a préféré arrêter de travailler. De toute façon, pendant les premiers mois de sa maladie, elle devait accompagner Varun à l’hôpital tous les jours. Pierrot*, l’époux de Rosemay, a lui aussi eu mis un certain temps à accepter cette épreuve. « Pourquoi nous ? » s’est-il exclamé quand la nouvelle est tombée. Pour eux, le courage est venu des autres patients et des proches de ces derniers qu’ils rencontrent à l’hôpital. Ils ne se sentent alors pas seuls dans cette dure épreuve. « Dans la souffrance, tout le monde se soutient mutuellement », explique Thérèse. À force de se côtoyer, des liens se sont créés et un grand esprit de solidarité règne entre eux.

Inquiétude

C’est sur la solidarité de ses proches justement que Kevin*, la trentaine, s’appuie pour faire face à la maladie de sa mère. Les médecins ont découvert à celle-ci un cancer du colon. Depuis, elle vit en permanence dans l’inquiétude. « Cela a été un choc pour nous quand on nous a annoncé cela. Et en tant que seul enfant, je dois tout faire. Quand je dois l’accompagner, je dois m’absenter du travail. À la maison, c’est mon épouse qui doit préparer les repas et s’occuper de notre enfant en bas âge. Moi je m’occupe de ma mère et quand je ne peux pas, je dois trouver quelqu’un d’autre pour le faire. » Si jusqu’à présent, son employeur s’est montré flexible quand il doit s’absenter pour pouvoir l’accompagner à ses rendez-vous, il se demande combien de temps cela va durer. « Mo stresse, mo pou bizin repran travay dan detrwa zour, pa kone si pou gagn ankor konze », dit-il le visage tendu. Au département de radiothérapie et d’oncologie de l’hôpital Victoria, Quatre-Bornes, ce sont des malades et des proches le visage fermé que nous avons rencontrés. Comme c’est le cas tous les jours, la salle est remplie. Certains sont là bien avant l’heure des consultations et des traitements dans l’espoir de rentrer le plus tôt possible chez eux. Mais au bout du compte, ce sont de longues heures d’attente qu’ils doivent tous subir malgré tout. Cela peut aller jusqu’à l’après-midi, surtout quand certains des médecins ne sont pas là. Une situation que tout le monde déplore. Car passer une journée à l’hôpital pour des traitements aussi lourds n’est guère facile.
*Prénoms fictifs
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Un manque de considération ?

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/div> Cela fait deux ans que Dawood Ismaël Rawat souffre d’un cancer au pancréas. À 80 ans, les médecins ont jugé qu’il ne pourrait supporter aucun traitement. C’est ce que soutiennent son épouse Saidah et sa fille Farzanah. Pour eux, c’est un véritable calvaire que la famille doit endurer à chaque fois qu’il doit se rendre à l’hôpital pour des soins ou pour qu’on change sa sonde. Alité, le vieil homme se tord souvent de douleurs et ne mange qu’à la petite cuillère depuis quelque temps. Face à sa santé précaire, les membres de la famille ne savent plus à quelle porte frapper afin qu’on puisse soulager ses souffrances. Dawood Ismaël Rawat se reposait quand nous avons rencontré les membres de sa famille à leur domicile. Affaibli et faute de ne pouvoir se déplacer, il passe la plupart de son temps au lit. Depuis deux ans, ses proches doivent se démener et faire le va-et-vient entre l’hôpital Jeetoo et leur domicile afin qu’il puisse bénéficier de certains traitements. Bien souvent, ils se heurtent à ce qu’ils considèrent un manque de considération de la part du personnel soignant. Souvent, ils s’entendent dire que l’ambulance n’est pas disponible pour passer le prendre ou le déposer. En outre, ils habitent l’étage d’une maison et doivent souvent solliciter l’aide des voisins pour le sortir de la maison. « C’est bien difficile pour nous », murmure son épouse. Toute la famille est désarmée face à l’impossibilité de soulager le patriarche de ses douleurs. [row custom_class=""][padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1][/row] [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"3437","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-large wp-image-2384","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"960","height":"720","alt":"Infographie Cancer"}}]] [row custom_class=""][padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1][/row] [blockquote]Myrna Barry, accompagnatrice : « Je reçois beaucoup d’eux »[/blockquote]
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"3438","attributes":{"class":"media-image wp-image-2382","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"450","height":"689","alt":"Myrna Barry"}}]] Myrna Barry

Myrna Barry est une figure très connue au département de radiothérapie et d’oncologie de l’hôpital Victoria. Pour cause, elle est régulièrement là pour écouter, encadrer, guider et soutenir les malades et leurs proches. Elle cherchait, il y a quelques années de cela, une façon de pouvoir aider les autres, et elle a trouvé sa vocation dans l’accompagnement des malades. Au début, elle ne voulait pas être au chevet des personnes atteintes d’un cancer. Mais elle s’est rendue compte que si la plupart des malades sont accompagnés d’un proche, il y en a d’autres qui sont seuls et ont vraiment besoin d’avoir quelqu’un pour les encadrer. Myrna Barry est un peu leur bienfaitrice. De ces rencontres avec les malades est née une belle amitié. Certains lui demandent de prier pour eux, d’autres de prier avec eux. Ce qui la touche particulièrement, c’est cette absence de barrière entre les personnes de divers horizons et statut social. Dans la maladie, tous sont logés à la même enseigne et chacun a besoin d’un peu de réconfort. Trouver les mots justes n’est pas toujours facile. Mais même dans le silence, chacun arrive à se comprendre. « Parfois il y a des personnes qui perdent leur sourire. Nous ne restons pas dans l’évocation de la maladie. J’essaie de trouver des messages positifs pour les inciter à considérer chaque jour comme un nouveau jour et de dire merci pour cela afin de pouvoir continuer la route », explique-t-elle. Myrna Barry dit se sentir bien également quand elle est avec eux. « Je reçois beaucoup d’eux et ils m’apprennent beaucoup de choses. Il y a des malades qui sont forts en dépit de leur traitement. Et je note que ce sont ceux qui sont le plus encadrés qui arrivent à garder le moral haut », confie-t-elle.
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