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Zain Asher, présentatrice de CNN International : «Si vous voulez réussir, travaillez dur !»

Zain Asher est une figure de proue de la chaîne télé américaine, CNN International. La présentatrice vedette d'origine africaine confie que peu importe son origine géographique, une personne disposée à travailler dur est appelée à réussir. Le Rédacteur en chef du Défi Media Group, Ehshan Kodarbux, a interviewé cette bosseuse qui a su se frayer un chemin au sommet. L’entretien a eu lieu, la semaine dernière, à Johannesburg, Afrique du Sud, en marge de la grandiose cérémonie marquant les « CNN Multichoice African Journalist Awards 2016 ».

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Parlez-nous de vous. Comment êtes -vous parvenue à rejoindre les rangs de CNN?
Je suis née à Londres, mais à l'âge de dix ans, ma mère m'a envoyée toute seule au Nigéria pour vivre avec mes grands-parents. Je lui ai demandé pourquoi elle ne m'accompagnait pas ? Elle m’a répondu que c’était parce qu'elle voulait que je puisse faire face à tout ce que la vie pouvait me balancer. En m’envoyant vivre en Afrique de l'Ouest pendant quelques années, elle pensait que cela me rendrait beaucoup plus forte. Elle avait raison ! Passer deux ans là-bas, surtout durant cette période formative cruciale, a changé ma vie. Cela a changé mon approche face au travail ; de ce fait, je ne prends jamais rien pour acquis. Mes parents ont quitté le Nigéria vers la fin de la guerre du Biafra (Ndlr : Guerre séparatiste entre le nord et le sud du Nigéria de 1967 à 1970).

En grandissant à Londres, j'ai toujours gardé en tête les sacrifices que mes parents ont consentis pour nous élever dans ce pays. Ma mère a dû laisser sa famille et ses amis pour venir dans un pays étranger où elle ne connaissait personne. Donc, je voulais toujours la rendre fière des sacrifices qu'elle a faits.

Croyez-vous que quelqu'un qui naît, grandit et étudie en Afrique pourrait réussir de la même manière que vous avez réussie ?
J'en suis sûre à 100%. Et pour cause, je l'ai constaté de visu. Je présente l'émission MarketAfrica sur CNN et cela me met en contact avec certains des plus grands entrepreneurs du continent et de voir les choses surprenantes et innovantes qu'ils font.

« En dépit du manque de ressources et des problèmes de financement, l'éthique professionnelle est extrêmement importante
pour réussir. »

La semaine dernière, par exemple, j’ai été éblouie par une personne que j’ai rencontrée, le Dr Cosmas Maduka (PDG de Cosscharis Group of Companies) un natif du Lagos, qui a grandi dans cette ville. Son père est mort lorsqu'il avait six ans, il a cessé d'aller à l'école primaire et il était marchand ambulant portant sur sa tête des noix de cajou. Maintenant, cinquante ans plus tard, il dirige l'un des plus grands réseaux de navires de fret au Nigéria. Il pèse une valeur nette de $500 millions. Voilà l’exemple de quelqu'un qui est né en Afrique, qui a grandi en Afrique, et qui n’a jamais été formé à l'étranger. Durant son parcours, il ne pouvait ni lire ni écrire. Maintenant il peut, mais il m'a expliqué que parce qu'il n'a pas terminé l'école primaire, il lit lentement. Donc, chaque obstacle que vous pouvez imaginer s’est présenté à lui, mais il a quand même réussi. Et il emploie des gens, beaucoup de gens, donc il donne en retour.

Pensez-vous que les grandes chaînes telle que CNN font assez pour donner leur chance à d'autres Africains ou est-ce seulement une question d’un sur mille ?
J’y crois absolument parce que je connais des gens qui ont eu de belles opportunités avec CNN. Beaucoup de gens que nous avons employés sur le continent ont été promus et ils finissent par changer de job. Par exemple, une de nos correspondantes en Afrique de l'Est, qui a fait montre d’un journalisme de haut niveau, a fini par être promue à un plus grand rôle à notre bureau de Londres où elle présente les émissions plus importantes. Voilà un exemple de gens qui sont du continent, qui sont engagés et qui font du bon travail.

À part les «CNN Africa Media Awards» que peut-on faire de plus, d’après vous, afin de promouvoir le journalisme en Afrique?
Ce qui est intéressant c’est que ces « Awards » changent vraiment la vie des journalistes qui y participent. J'ai parlé à certains des finalistes à propos de leur expérience, de leur parcours pour parvenir à soumettre leur œuvre. Certains d'entre eux m’ont dit que c'est la huitième ou neuvième fois qu'ils y concourent et par quoi ils sont passés pour effectuer leur reportage. Certains d'entre eux vivent en exil et ne peuvent revenir dans leur pays par crainte d'être tués ou emprisonnés. Je me suis rendue compte que ces « Awards » constituent un tremplin important vers le développement des talents en Afrique.

Les gagnants nous parlent de la façon dont cette récompense a changé leur vie parce qu'avant, ils ne pouvaient avoir accès à leur Président, ils ne pouvaient l'interroger. Après avoir remporté ce prix, ils peuvent maintenant le faire. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction.

Une chose qui, selon moi, devrait changer par rapport aux journalistes africains sont les ressources. Le manque de ressources rend le travail difficile. Il faut beaucoup plus de temps pour réaliser un reportage car ils font face à de nombreux obstacles en termes d'infrastructures, à l'opposé de ce que serait le cas pour moi aux États-Unis. Imaginez que vous soyez dans un bureau au Nigéria et tout d'un coup, il n'y a plus d’électricité ou bien, vous dépendez beaucoup des générateurs qui sont coûteux pour la compagnie en raison du coût du carburant. Donc, ce n’est pas facile d’évoluer dans certains milieux, et pourtant ils arrivent à se surpasser. C’est dire…

Par rapport à la promotion des talents, pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec le gagnant de l'an dernier à Atlanta ?
Chaque année, le gagnant du « CNN MultiChoice African Journalist Awards » a la chance de se rendre au siège de CNN à Atlanta et passer un certain temps au bureau international, avec les présentateurs et producteurs pour voir comment fonctionne une grosse organisation qui a beaucoup de ressources. Cela joue un grand rôle dans la promotion des talents parce qu'ils sont en contact avec des journalistes de très haut niveau et ont accès à un important conglomérat médiatique.

La formation et l'ouverture sont importantes. Quels conseils donneriez-vous à un jeune aspirant afin qu’il puisse réaliser ce que vous avez accompli jusqu'ici?
Peu importe où vous êtes dans le monde, que vous soyez en Afrique ou aux États-Unis, je pense que le travail assidu est extrêmement important. Voilà ce que j’ai constaté au contact des finalistes de cette année. En dépit du manque de ressources, en dépit des problèmes de financement, peut-être les bas salaires, leur volonté de bien faire leur travail est inébranlable. N'importe où que vous soyez, cette rage de réussir est vitale. « I always say that it is not how good you are but it is how good you want to be ». Il faut de la détermination pour obtenir un scoop. Certaines personnes pourraient essayer d'obtenir une histoire une fois ou deux fois, et si ça n’aboutit pas, elles abandonnent. D'autres personnes essaient pendant des années et des années à avoir accès aux sources, à tenir les gens redevables au péril de leur vie et c’est ce qui fait un bon journaliste. Peu importe où vous êtes, bien que les possibilités soient différentes et les facilités absentes, si vous avez la détermination, le work ethics, tout est possible.

Quelle est la prochaine étape dans votre carrière ?
Honnêtement, j'aime mon travail. J'ai la chance d’être présentatrice d’une chaîne internationale et de revenir en Afrique. Si je pouvais changer une chose ou améliorer ma carrière et mon quotidien, de toute façon, ce serait de venir plus fréquemment en Afrique. Donc, j'explore avec CNN différentes façons de le faire. Le prix « African Journalist » est un moyen de le faire. Une autre façon est à travers « Marketplace Africa », une émission télé sponsorisée que je présente sur CNN. Cela me permet de visiter le continent entre quatre et cinq fois chaque année. Nous explorons différents moyens qui pourraient me permettre de marquer ma présence en Afrique car ce continent est un marché important pour nous. C'est mon seul rêve pour le moment.


Interview : Ehshan Kodarbux | Transcription : Jameela Jaddoo


Profil

Zain Asher
Zain Asher

Basée au quartier général de CNN à Atlanta, Zain Asher est l’animatice principale de « CNN Newsroom » sur la chaîne CNN International. Elle présente aussi l'émission hebdomadaire « Marketplace Africa » qui met en exergue le monde des affaires sur le continent et aussi sa place sur les marchés internationaux.

Zain Asher est née et a grandi à Londres. Elle a étudié le français et l'espagnol à l'université d'Oxford avec une distinction en langue espagnole. En 2006, elle a obtenu un Masters de la faculté de journalisme de l'université de Columbia. Elle a travaillé et vécu au Mexique, en France et au Nigéria. Elle maîtrise aussi sa langue ancestrale, l'Ibo.

La présentatrice a couvert différents événements autour du globe dont le kidnapping de centaines d'écolières par l'organisation Boko Haram au Nigéria en 2014. Une année plus tôt, elle couvrait les attentats du marathon de Boston. Elle a aussi fait des instantanés importants à l'instar de la crise de la dette grecque, les attentats contre Charlie Hebdo à Paris et le tremblement de terre au Népal en 2015.

 

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