Spécial 1er mai 2019

1er-Mai : un enjeu pour les partis, pas pour la population

Avinaash Munohur, Jocelyn Chan Low  et Faisal Jeerooburkhan Le politologue Avinaash Munohur, l’historien Jocelyn Chan Low et Faisal Jeerooburkhan de Think Mauritius.

Une foule ne signifie rien. C’est l’avis des observateurs interrogés par le Défi Quotidien sur l’importance des meetings du 1er-Mai. Les électeurs, argue-t-on, se décident à la dernière minute et personne n’est plus dupe des rouages artificiels utilisés pour faire gonfler ces foules.

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Après plusieurs années où les principales formations politiques ont négligé le Premier mai, tous se prêtent cette année au jeu en organisant des meetings. Les observateurs interrogés par le Défi Quotidien sont d’avis qu’il faut se garder de tirer trop de conclusions des foules qui seront réunies aujourd’hui. Elles n’indiquent pas forcément vers qui le choix de l’électorat se porte réellement dans l’instant.

Le politologue Avinaash Munohur indique que c’est clairement le calendrier qui explique le regain d’intérêt : « Nous étions dans le ventre creux du mandat. Il y avait une charge politique forcément moindre que cette année. » Cette année, l’impression qui se dégage, estime-t-il, c’est que le Mouvement socialiste militant (MSM) et le Parti travailliste (PTr) veulent à tout prix gagner la bataille des foules.

C’est dans cet espoir d’une foule que se trouve, selon le politologue, la rupture entre ce qu’attendent les dirigeants politiques et la population en général.

« Ils espèrent capturer l’imagination avec des images de grosses foules, explique Avinaash Munohur, une grande foule aujourd’hui, peut encore capturer notre imaginaire, mais les Mauriciens savent que les brianis offerts y sont pour beaucoup. Personne n’est plus dupe. » Conséquence : les partis politiques attachent beaucoup d’importance à quelque chose qui ne convaincra pas forcément l’électorat.

Un argument émis également par l’historien Jocelyn Chan Low. « Il y a tellement eu de surenchère que les partis politiques tombent dans leur propre piège, explique-t-il. Ils dépensent énormément pour gonfler artificiellement le nombre des foules. La bataille des foules est aussi une bataille de moyens financiers et les gens le savent. D’où sort l’argent ? Le public comprend ces choses désormais. »

Jocelyn Chan Low souligne également que la majorité des gens est indécise et qu’ils ne prennent la décision de voter pour un bloc ou l’autre qu’à la dernière minute. « En 2014, le PTr et le MMM ont perdu durant la campagne, rappelle-t-il, il ne faut pas lire grand-chose des foules que réuniront ces meetings. »

Un point que reprend Avinaash Munohur : « Ça m’étonne de voir que les machines de comm des partis n’ont pas tiré les leçons de 2014 ; un meeting, c’est comme une fête populaire, les gens viennent pour la fête, comme ils venaient aux rassemblement du PTr-MMM. Cela ne veut pas dire qu’ils voteront pour vous. » Selon le politologue, les partis politiques mauriciens se retrouvent dans un entredeux, conscients d’être dans une nouvelle ère de communication sans toutefois avoir abandonné les traditions.

Cette nouvelle ère de la communication est justement ce qui rend ces efforts des partis politiques inutiles, selon Faisal Jeerooburkhan, de Think Mauritius 2.0 : « Des millions sont dépensés pour montrer que l’un peut réunir plus que l’autre. Mais le contexte est différent aujourd’hui, la communication électronique touche tout le monde à la fois. Je ne vois pas l’utilité, la différence que fera un meeting. »

Ce dernier regrette également que l’importance de la Fête du travail soit également perdue au niveau des travailleurs. « Comme fête des travailleurs, cela aurait dû être le prétexte pour une réflexion de la classe des travailleurs sur son rôle dans la société, explique-t-il. Malheureusement, ce sera simplement une revendication des droits. C’est important, certes, mais il faut aussi une certaine dose de patriotisme derrière cela. »


Des affiches rouges invitent des Bangladais

Depuis le début de la semaine, des affiches portant l’emblème du Parti Travailliste (PTr) circulent. Ces affiches, rédigées en bengali, invitent ces ouvriers à assister au meeting à Port-Louis.

« Ces affiches ne sont pas de nous ». C’est ce que nous a confié Patrick Assirvaden, président du PTr. Il affirme que le parti n’a jamais invité des Bangladais encore moins émis des affiches les invitant au meeting. Pour lui, il s’agit clairement d’une « ruse » des détracteurs du PTr en vue de décrédibiliser le parti. Patrick Assirvaden souligne qu’il s’agit d’un « signe de panique de la part des opposants du PTr ». Et d’ajouter qu’il suffit de se rendre aux meetings pour voir où se trouvent les Bangladais. « La vérité fera vite surface », dit-il.

Patrick Assirvaden parle aussi de non-respect des lois concernant les affichages par l’alliance gouvernementale.


PMSD : Législatives en ligne de mire

« Nou fini rantr dan ene logik elecksion ». C’est ainsi que Mahmad Kodabaccus, secrétaire général du Parti mauricien social-démocrate (PMSD), qualifie le dernier rassemblement des bleus ce mercredi  1er-Mai à l’école hôtelière sir Gaëtan Duval, Ébène. Son parti se prépare pour les prochaines législatives. « L’enjeu est de taille, car nous sommes à notre dernier rassemblement pour les élections générales. Nous nous préparons pour cette échéance. Ce  1er-Mai sera crucial et nous sommes persuadés que nous galvaniserons la foule et les partisans bleus feront le déplacement », dit-il.

Mahmad Kodabaccus explique que le PMSD a changé de stratégie pour mobiliser sa troupe. Le secrétaire général avance que le leader Xavier-Luc Duval, fera une annonce intéressante durant son discours. « Le leader annoncera la direction du parti pour les prochaines élections. Nous sommes convaincus que les partisans ne seront pas déçus ». Le PMSD a misé sur les réseaux sociaux pour mobiliser ses sympathisants pour le rendez-vous annuel à Ébène.


Parti travailliste : Retour après six ans d’absence

Le Parti travailliste (Ptr) donne rendez-vous à ses partisans lors d’un meeting du  1er-Mai après six ans. Le leader, Navin Ramgoolam, avait déclaré que le  1er-Mai a au fil du temps été accaparé par la classe politique. C’est pourquoi, il a tenu les rouges en retrait pendant six ans. Selon Patrick Assirvaden, président du PTr, lors d’un contexte électoral, les rouges ont décidé de revoir la question.
Ainsi, les rouges devront démontrer qu’ils ont toujours la même capacité à mobiliser la foule. « Nous sommes confiants à travers nos mobilisations de notre capacité à réunir une bonne foule », dit l’ex-député. Pour ce dernier, les enjeux sont encore plus importants « car nous sommes à quelques mois de la dissolution du Parlement, et nous sommes convaincus que les élections sont pour d’ici quelques mois.»

Outre les reproches que le PTr compte adresser ce  1er-Mai, d’autres sources chez les rouges veulent des éclaircissements avec Navin Ramgoolam sur les engagements pris concernant sa politique de rupture. « Ramgoolam a évoqué une rupture, sauf que c’est l’incompréhension au niveau de la population.»


Bobby Hurreeram : «Le gouvernement a un bilan»

L’alliance gouvernementale a eu une campagne assez mouvementée en vue du meeting d’aujourd’hui. Il y a eu la menace de démission du député Raj Dayal. Puis des tensions dans les circonscriptions numéros 4, 10 et 13. Le Chief Whip Bobby Hurreeram souligne, lui, qu’il n’y a pas eu vraiment de problèmes. « Au sein d’un parti politique, il y a différentes personnes avec différents tempéraments. Ce sont des conflits de personnalité qui ne mettent pas en péril le parti », a-t-il affirmé. 

Selon lui, le gouvernement est dans sa cinquième année au pouvoir. « Le MSM a toujours été constant pour célébrer la fête du Travail avec ses militants des 20 circonscriptions. Il ne faut pas oublier que quand le MSM a perdu les élections générales en 2005, le parti avait eu le courage de tenir le meeting du  1er-Mai » a-t-il dit. Il a indiqué que le gouvernement a un bilan. « Le Premier ministre aura des messages importants à faire passer. Le public viendra montrer son soutien au gouvernement. Pendant plus de 10 ans, les femmes ont reçu Rs 1 500 de salaire et c’est ce gouvernement qui a rétabli la situation. Le salaire minimal est maintenant une réalité », a-t-il souligné.

Le MSM n’a aucun problème à mobiliser ses troupes, fait-il comprendre. « On fait notre travail comme il le faut. Nos structures et nos branches sont solides et on est disciplinés. Le parti s’est concentré sur le travail. Les députés, secrétaires parlementaires privés et ministres sont constamment sur le terrain. Du coup, il ne fallait pas faire de grands efforts pour mobiliser nos troupes », a-t-il indiqué.


Aucun enjeu pour le MMM

La foule du 1e Mai n’aura pas d’impact sur la décision du Mouvement militant mauricien (MMM). C’est ce que confirme le secrétaire général du parti, Rajesh Bhagwan. Les préparatifs pour le meeting ont été régionalisés et le MMM se réunit à la place Edward VII à Rose-Hill

Enjeu ? « Il n’y en a aucun, car le MMM ne déviera pas de son calendrier ». Rajesh Bhagwan souligne que la politique du parti c’est d’aller seul aux élections générales avec un programme établi et 60 candidats. Le 1e Mai ne sera donc pas un baromètre qui déterminera de la prochaine marche à suivre, souligne le député mauve.

Pour le parti, les jeux sont faits. Le gouvernement est en chute libre et c’est clair que les Mauriciens adhèreront à un autre programme. « Les Mauriciens sont fatigués du népotisme, des scandales, des députés poursuivis devant la justice, des inégalités sociales. Les jeunes veulent un changement », affirme Rajesh Bhagwan. 

Quant à l’organisation pour le meeting du 1e Mai, le MMM s’est appuyé sur les comités régionaaux. Chaque comité des vingt circonscriptions organise ses troupes, comme le transport, les autres logistiques telles que les banderoles, t-shirts, drapeaux, entre autres. Le MMM a prévu une liste d’orateurs comprenant les dirigeants, les présidents de l’aile jeune et l’aile féminine.

 

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