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Abus de procédures judiciaires : les enjeux et les impacts

Les critères d’abus de procédures ont donné lieu à de nombreuses controverses en doctrine, tant en droit civil qu’en droit pénal.
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Me Nushumi Balgobin-Kandhai.
Me Nushumi Balgobin-Kandhai.

Comment peut-on identifier qu'on est sujet à un abus de procédures judiciaires ? Quelles sont les conséquences ? Quelles options s'offrent à la victime ? Où se situent nos failles dans notre système ? Éclairage avec Me Nushumi Balgobin-Kandhai.

Qu’est-ce que c’est une procédure abusive dans le cadre judiciaire ? 

Tout d’abord, il faut noter que l’accès à la justice est un droit fondamental. Tout citoyen a la possibilité de faire valoir ses droits en justice. Une procédure abusive dans le cadre judiciaire fait référence à l'utilisation intentionnelle et inappropriée du système juridique pour des motifs frivoles, malveillants ou dans le but de causer des retards délibérés. En agissant de cette manière, le plaideur monopolise de manière superflue les services judiciaires, privant ainsi les personnes qui recourent de bonne foi à la justice. Comme dit Marcel Ferdinand Planiol, « le droit cesse là où l’abus commence ». Ce dernier est un jurisconsulte. Il est aussi professeur de droit français et d’histoire du droit à l’université de Renne. Il est l’auteur du « Traité élémentaire de droit civil ».

Quelles sont les conséquences d’un abus de procédure judiciaire sur celui qui fait face à un procès pénal ou civil ? 

Une personne poursuivie d'une infraction pénale a droit à un procès équitable dans un délai raisonnable. Un report excessif au point d’être oppressif et vicier les procédures est inacceptable. D'autres éléments peuvent également entraîner des préjudices, tels que des dommages psychologiques, la diffamation de la réputation et de la carrière d'une personne, des perturbations dans la vie familiale, ainsi que la perte de contrats ou d'opportunités. On voit de nos jours la vitesse à laquelle l’information peut circuler, ce qui constitue une attention médiatique prolongée et intrusive. Le préjudice peut être moral ou financier. Il sera évalué au regard des circonstances de chaque affaire.

Que se passe-t-il lorsqu'il est établi par la Cour qu'il y a eu un abus des procédures judiciaires au cours d'un procès ?

La Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre ou d’ordonner un arrêt des procédures dans les affaires civiles ou pénales. Donc, un abus de procédures permet de mettre fin à une poursuite. Pour justifier un arrêt des démarches abusives (« stay of proceedings »), il doit exister un vice fondamental qui va à la racine même du procès de telle manière que le juge n'ait d'autre choix que de remédier aux conséquences injustes.

La Cour peut également ordonner le plaideur à payer, outre les frais de justice, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la personne lésée, dans un cas civil.

Les représentants légaux peuvent se voir condamnés par un juge de payer des frais connus comme « wasted costs », même si cela est très rare. La responsabilité de l'avocat n'est pas automatique puisqu'il agit comme le mandataire de son client. Il peut avoir été trompé par ce dernier quant à des éléments de faits.

En cas d'abus, la Cour a la faculté discrétionnaire de suspendre ou de prononcer l'arrêt des procédures, que ce soit dans le cadre d'affaires civiles ou pénales.
En cas d'abus, la Cour a la faculté discrétionnaire de suspendre ou de prononcer l'arrêt des procédures, que ce soit dans le cadre d'affaires civiles ou pénales.

Comment faire pour reconnaître une procédure abusive ? 

Les critères de l’abus de procédure ont donné lieu à de nombreuses controverses en doctrine, tant en droit civil qu’en droit pénal. Ainsi, de manière générale, la procédure abusive peut être définie par plusieurs exemples : des poursuites mal fondées, le caractère malveillant, vindicatif ou vexatoire de celle-ci, l’intention de nuire, la mauvaise foi ou encore la multiplication des procédés engagés. 

En matière pénale, « abuse of process » est un point de droit qui est souvent soulevé au préliminaire par la défense. Dès lors, tout acte ayant pour effet dilatoire, c’est-à-dire, de retarder et priver l'accusé d’un procès équitable, peut être considéré comme un abus de procédure qui est contraire au principe d’un procès équitable (« fair trial ») garanti par l'article 10 de notre Constitution. Mais fort heureusement à Maurice, notre jurisprudence accorde aux juges un large éventail de pouvoirs discrétionnaires pour suspendre, arrêter et sanctionner des actions injustifiées qui sont flagrantes.

Quelles autres options s'offrent à la personne ?

Des poursuites pénales pourront être engagées contre l'auteur pour avoir fait de fausse déclaration (« false and malicious denunciations in writing »). Accuser faussement quelqu'un consiste à attribuer à une personne spécifique des événements que l'on sait totalement ou partiellement inexacts. Dans ce cas-ci, la fausseté dénoncée doit résulter d’une décision de la Cour. Si la partie adverse a agi de bonne foi, le délit ne sera pas caractérisé.  Par voie civile, la victime peut obtenir réparation du préjudice causé à son égard.

Où se situent nos failles ? 

Des recours aux tribunaux à des fins abusives sont trop souvent utilisés comme outil politique ou subterfuge aux plus riches pour oppresser les personnes qui n’ont pas les moyens pour se défendre. 
Dans la pratique, c’est à la personne poursuivie qui revient de prouver que le comportement fautif de la partie adverse lui a causé un préjudice réel, ce qui n’est pas chose aisée. Faute de moyens, il y a des personnes qui n’arrivent pas à se défendre ou demander réparation.

 

 

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