Interview

Ahmed Parkar, directeur-général de Star Knitwear : «Sans la main-d’œuvre étrangère, l’industrie du textile-habillement n’existerait pas à Maurice»

ahmed parkar Ahmed Parkar - CEO de Star Knitwear.

Figure de proue dans le secteur manufacturier, Ahmed Parkar passe en revue les défis auxquels le textile-habillement est confronté. Il appelle les opérateurs à se réinventer tout en maintenant le marché du haut de gamme. Quant à la question de la main-d’œuvre étrangère, remisée régulièrement, il explique que ceux qui sont contre leur présence à Maurice « ne vivent pas sur la même planète que nous. »

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Selon les principaux producteurs engagés dans le textile-habillement, le Budget 2018-2019 ne s’est pas penché sur les grands défis auquel ce secteur est confronté. Quels sont à ce jour ces défis ? Quelle est la situation de la concurrence et comment se portent les principaux marchés du textile mauricien ? Quelle doit être la réponse dans un secteur exposé à la concurrence internationale, dont les produits sont souvent standardisés ?

À mon avis, l’industrie du textile à Maurice doit impérativement se réinventer en ce qui concerne ses offres. Il faut se concentrer sur la production des articles de haut de gamme destinés à une clientèle ciblée, qui a les moyens de payer de manière à financer nos coûts de production et pour soutenir notre montée en gamme. À côté de ce défi, il faut aussi être en mesure de respecter les délais, afin de nous démarquer de nos concurrents.

Est-ce que ce secteur doit-il envisager à terme la robotisation comme un recours, afin de réduire ses coûts de production ? Quelles peuvent être ses répercussions sur les emplois et comment doit se faire la formation ?

À Maurice, des compagnies engagées dans le textile-habillement possèdent déjà des outils hautement sophistiqués et ils sont présents à toutes les étapes du processus de fabrication, que ce soit en termes d’équipements ou dans le département de teinture. Les laboratoires sont automatisés employant un personnel local et étranger très formé. 

Des enseignes prestigieuses nous font toujours confiance, malgré le fait qu’elles peuvent tout aussi s’approvisionner dans des pays où les prix sont bas.»

L’emploi de la main-d’œuvre étrangère revient constamment sur la table, certains syndicats affirmant même que le coût des travailleurs serait finalement le même que le travailleur mauricien. Avons-nous, à ce compte, vraiment besoin des étrangers et pour combien de temps encore ?

Il faut se rendre à une évidence : sans la main-d’œuvre étrangère, l’industrie du textile-habillement n’existerait pas à Maurice. Que celui qui m’affirme le contraire crée sa propre boîte de textile et me montre comment cela marche. Je pense que ceux qui le disent ne vivent pas sur la même planète que nous.

Quelle est, aujourd’hui, la valeur du produit textile mauricien  à l’internationale ? 

Nos produits ont acquis une très haute valeur sur le marché international. Ce qui explique que nous obtenons des marchés pour des marques haut de gamme comme Armani ou Lacoste. Des enseignes prestigieuses nous font toujours confiance, malgré le fait qu’elles peuvent tout aussi s’approvisionner dans des pays où les prix sont bas.

Faut-il, après bien des années de développement et de stabilisation de ce secteur, revoir le niveau de formation des employés de ce secteur ? Comment décriiez-vous le niveau de créativité dans ce secteur, compte tenu qu’il s’agit d’une valeur ajoutée pouvant faire la différence avec nos concurrents ?

Absolument. Il faut constamment revoir le niveau de formation et des compétences à Maurice, car l’industrie du textile mondiale est elle-même en pleine mutation tant en termes de nouvelles technologiques qu’au niveau environnemental, notamment écologique. Cette prise en compte ne peut qu’accroître notre attractivité aux yeux de nos clients, grâce à une offre qui affirme sa différence, hormis nos coûts et nos produits. 

Est-ce qu’il y a de la place pour l’E-commerce ou la révolution numérique dans ce secteur à Maurice ?

Le commerce électronique fait déjà partie de nos opérations, mais pas encore dans la vente directe aux clients, individuellement. Nous le faisons avec nos clients existants et les nouvelles compagnies, c’est-à-dire le ’business to business’. À ce jour, les ventes directes à nos clients avoisinent les 90 % sur notre site Internet.

Existe-il une reprise dans nos principaux marchés, permettant au secteur local d’être rassuré ?

Je note que le marché est stable, mais il est encore difficile, compte tenu qu’il existe une demande croissante pour les produits en petit volume. Ce qui fait que nous sommes contraints de redoubler d’efforts pour satisfaire la demande.

Comment peut-on connaître les attentes, les habitudes et les tendances de la clientèle internationale afin d’y répondre ? 

Notre département ‘design’ nous permet de concevoir une diversité de produits. Nous nous inspirons des sites existants auxquels nous sommes abonnés, mais nous avons aussi nos propres stylistes.

 La Chine devient de moins de moins un concurrent pour nous, car ce pays doit faire face à des questions structurelles, telles que la pollution et l’inflation des prix.»

Est-ce que le marché local est-il devenu suffisamment sophistiqué, en termes de capacités d’achat, pour y écouler une partie de votre production ? 

Je dois concéder que le marché domestique est trop petit pour qu’il nous inspire notre ‘business model’. Tout ce qu’on peut faire à Maurice, c’est d’y écouler la surproduction. 

Faut-il s’inquiéter de la Chine où les fabricants dans le textile-habillement envisagent déjà de conquérir le marché haut de gamme international ?

La Chine devient de moins de moins un concurrent pour nous, car ce pays doit faire face à des questions structurelles, telles que la pollution et l’inflation des prix. La Chine est aussi en train de réduire petit à petit sa dépendance sur le textile, toutefois, il reste le plus gros producteur dans ce domaine. Aussi, tout ce qui peut s’apparenter comme un abandon de leur part se présente comme un avantage pour nous et non une menace du fait que nous demeurons un petit producteur sur la scène internationale. 

Quelles sont les mesures d’accompagnement que vous souhaitez du gouvernement,  mais aussi des banques, afin de pérenniser ce secteur à Maurice ?

Les mesures que je souhaite de la part du gouvernement sont la réintroduction du ‘currency support mechanism’ dans les taux de change, notamment de la roupie face au dollar, ainsi qu’un plan de soutien pour nous aider à rénover nos équipements, afin de nous adapter aux progrès de la technologie, là où il nous faut absolument être en avance. C’est le défi à relever pour être plus productif, pour réduire les coûts et offrir la qualité dans le respect des délais. Il faut aussi revoir la législation concernant la durée de séjour des travailleurs étrangers à Maurice, dont pour certains elle est de cinq ans. Dans certains cas, ces derniers éprouvent des difficultés pour le renouvellement de leur séjour.  Or, ils sont indispensables pour les entreprises qui les ont formés et ils font partie intégrante de leurs personnels. Nous ne pouvons importer d’autres étrangers et recommencer le processus de leur formation, nous avons l’obligation de maintenir nos normes. Il faut à tout prix amender la législation pour corriger cette procédure qui est injuste.

 

 

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