Interview

Ajay Daby, ex-Speaker : «Un Speaker peut initier une enquête sur un élu»

Ajay Daby, ex-Speaker

Fort d’avoir occupé les fonctions de Speaker, Me Ajay Daby affirme que les ‘selfies’ que Tarolah a pris aux toilettes de l’Assemblée nationale sont condamnables, car ce petit coin fait partie intégrante de l’enceinte du Parlement.

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Quel regard jetez-vous, en tant qu’ancien membre, sur le MSM version 2017?
Le MSM actuel est méconnaissable. Il n’y a plus de collégialité, mais des individualités. On parle au nom d’une seule personne en flattant le leader, et c’est tant mieux pour ne pas devoir mettre en avant ces illustres inconnus. Leurs noms sont apparus la veille du Nomination Day. Certains n’ont pas de profondeur. À l’époque, tellement l’opposition était forte cela obligeait les ministres à être performants.

Ces élus qui sont visés, sont-ils des ‘drums' vides ?
Ils sont des drums pleins à ras bord. Ils sont débordant de louanges à leur leader. Pour ce qui est du nivellement vers le bas, c’est voulu, ce ne sont que des instruments du MSM.

Cette situation était-elle semblable du temps de SAJ ?
SAJ n’avait pas de choix, car il était entouré de jeunes de carrière venus combler un vide politique au départ de dinosaures comme SSR, SSB, SGD. Il fallait inventer l’État après le premier 60-0. SAJ a été ferme et brutal, par moments.

Ne faudrait-il pas effectuer un bon 'screening' avant de porter le choix sur un candidat ?
Pour le screening, il y a des agents recruteurs. Le leader sous-loue cet exercice de screening.

Le ministre Soodhun vient de payer une réclamation en cour à Mireille Martin, il y a eu d’autres fracas de sa part, comme contre Xavier-Luc Duval. Est-ce un récidiviste ?
Showkutally Soodhun doit s’estimer heureux qu’il ne soit pas poursuivi sous la POTA. Le DPP a eu raison de ne pas le faire, pour l’image du pays.

Et Ravi Rutnah ?
Ce parlementaire est fougueux et est entraîné pour ferrailler, gérer des désaccords et faire étalage de ses connaissances du droit. Mais l’Assemblée nationale mérite plus.

Les agissements du PPS Tarolah ?
Personne ne connaissait Tarolah jusqu’à maintenant. The flickening of his tongue is more noisy than his arguments. Comment le MSM a pu recruter un homme venant de nulle part pour faire n’importe quoi? S'attend-on à ce que le CP mesure la longueur de la langue sur le selfie pour savoir si c’est bien celle de Tarolah ?

La Speaker a déclaré qu’elle ne peut prendre position aussi longtemps que l’enquête n’a pas pris fin. Aurait-elle dû le faire vis-à-vis de Tarolah ?
Les relations entre un Speaker et les députés sont privilégiées et ce contact est permanent, même en congé. S’il y a quelque chose de répréhensible qu’un député fait hors du Parlement, un Speaker ne doit pas attendre la fin d’une enquête ou la rentrée pour prendre action. Il peut initier une enquête sur un élu.

A la décharge de la Speaker, le PPS Tarolah donne tout l’air d’un enfant de chœur au sein de l’hémicycle…
Si le PPS Tarolah se comporte comme un moine au sein du Parlement et comme un dépravé sexuel à l’extérieur, la Speaker se doit d’intervenir et d’attirer l’attention s’il y a eu contempt of Parliament.

Selon les allégations, le PPS Tarolah a fait ces 'selfies' aux toilettes, pas au sein de l’hémicycle, donc pas de ‘contempt’, semble-t-il…
L’enceinte de l’Assemblée nationale est définie comme toute infrastructure liée à la Chambre et toutes les places de travail ou autres offertes aux parlementaires. Toutes les facilités ancillaires qui ont un lien étroit avec cette structure du Parlement sont considérées comme faisant partie du Parlement.

Même les toilettes ?
Bien sûr que les toilettes font partie de la structure du Parlement. Ce qui n’est pas acceptable au sein de l’hémicycle ne l’est pas moins aux toilettes.

Quant aux ‘pieds banane’, ce sont les partis qui imposent une liste bloquée».

Estimez-vous qu’il y a un manque cruel de décorum actuellement au Parlement ?
Quand on parle de décorum, cela englobe le langage, la bienséance, la façon de s’habiller, la formalité. Le Parlement n’est pas un fancy dressed party podium. Tout a foutu le camp.

Si vous étiez à la place du PM, qu’auriez-vous fait ? Auriez-vous coupé quelques têtes ?
Si j’étais PM, j’aurais dissous le Parlement et tout recommencé à zéro. J’aurais balancé l’excédentaire, les toxic materials, au lieu de cultiver cette gale qui plomberait mon gouvernement. Mais, gouverner coûte que coûte pendant un mandat de cinq ans, relève de l’insolence.

Recommencer du ‘ground zero’ veut aussi dire s’allier à un parti pour la reconquête du pouvoir. Quel partenaire pour le MSM ?
Il y a deux types d’alliance : la première est de prendre le pouvoir pour le bien commun et la seconde est une alliance de convenance et de subterfuges. C’est le pouvoir coûte que coûte. Alors qu’il faut pour le pays une convergence ou un centre de gravitation qui attire l’électeur. Actuellement, il n’y en a pas, car certains leaders politiques sont perçus comme répugnants.

Au niveau du Sun Trust, ils sont confiants de remonter la pente. Partagez-vous cet optimisme ?
Le MSM prendra du temps pour se recréer et retrouver les acquis perdus. Ce n’est pas demain la veille.

Sommes-nous donc condamnés à des alliances traditionnelles ?
Pas du tout. L’électorat aura un choix entre non seulement X et Y, mais aussi Z.

Z comme Zorro ?
Je vois un certain Zorro arriver, car le vote n’a jamais été bloqué aux paddocks. Je n’en dirais pas plus.

Les mauvaises langues avancent que les Mauriciens votent, même pour un bananier…
Les Mauriciens votent toujours pour botter en touche quelqu’un dont il ne veut pas comme dirigeant. Quant aux pieds banane, ce sont les partis qui imposent une liste bloquée. Le public subit le gouvernement pour lequel il vote et qu'il mérite.

Venons-en à la file d’avocats qui font la queue devant la Commission sur la drogue. Ils partagent la même robe que vous…
Un avocat n’est pas l’employé de son client, sinon il perd de sa liberté d’action pour des conseils détachés.

Est-ce l'attrait de l’argent facile qui fait agir de la sorte certains avocats ?
J’aurais souhaité que ce soit la gourmandise pour l’argent facile bien plus que le fait de protéger des intérêts occultes.

Soyez plus explicite…
Si certains avocats agissent de la sorte, c’est qu’ils encouragent la création d’un État dans un État avec sa propre hiérarchie, ses juges, sa police, ses prisons.

Ces avocats, sont-ils des brebis galeuses ?
J’ai une idée de l’étendu de cette économie parallèle. Les barons de la drogue choisissent l’avion, le siège dans l’avion, l’hôtel pour ceux qu’ils soudoient. Si Pravind Jugnauth veut cultiver son ton menaçant, il ne doit pas se battre contre des individus. Le combat est ailleurs.

Vous étiez Drug Commissionner, vous devez connaître tout un chapitre sur les agissements des barons de la drogue…
En tant que Drug Commissionner, j’avais voulu savoir comment le choix politique est influencé par le réseau du trafic, si ce choix est influencé par un groupe occulte. L’ex-juge Lam Shang Leen a le devoir de dire à quel point le réseau de la drogue a infiltré l’État et comment des décisions politiques ont été chamboulées. C’est à l’ex-juge de dire si nous avons des pourris à la tête du pays.

Qu’en est-il de la partielle au No 18 ?
Cette partielle est comme un enfant non-désiré. Rien ne va sortir de cette joute.

 

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