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Alain Muneean de Terre de Paix : prendre des enfants par la main

Alain Muneean Alain Muneean joue au papa auprès de ces enfants qu’il accueille au centre de Terre de Paix. (Photos : Eshan Sheriff)
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Il n’aurait jamais pu être un père fouettard. Plutôt un Père Noël en permanence. Ces jeunes débrayés, délaissés, incompris, abandonnés, dépravés, pour lui, c’est une manne. Même s’il n’est qu’un simple citoyen, il leur tend la main. Il se prénomme Alain, tout simplement. Un homme qu’il en faudrait davantage chez nous.

« Lorsqu’il y a eu des problèmes internes au centre, on a fait appel à moi, j’ai dû démissionner de mon job d’infirmier après 15 ans de service »

Quand vous prenez votre petit-dej, vous ne vous souciez jamais de ce que les autres ont dans leur estomac. Mais au Centre de Terre de Paix, les autres, soit des mineurs, mangent avant eux. La direction se fait un devoir de le faire, après que les ados domiciliés dans le centre aient fait leur travail hebdomadaire. Quant aux autres logés chez des familles d’accueil, ils sont bien lotis.

Le centre de Terre de Paix.
Le centre de Terre de Paix.

Abaim, Alain, Marousia, c’est un ensemble, un tout. On ne pourrait expliquer ce geste envers les autres. Mais surtout Alain a eu ce déclic, il a eu comme un message. « Tout a commencé quand il y a eu un mouvement de protestation au centre des aveugles à côté de ma maison à Colonel Maingard, Beau-Bassin, et on était en pleine crise économique. On a créé le groupe Abaim composé de jeunes artistes aveugles avec des chansons qui ont fait le buzz. On a même fait des spectacles avec des dizaines d’artistes sur scène, c’était formidable ».

Pour Alain, cette mouvance progressiste et militante, « cet élan de Mai 75 de Maurice a été trahi et c’est triste, car cela aurait pu faire bouger les choses, nous étions prêts à le faire dans la discrétion, car nous étions et nous le sommes avant tout des patriotes, mais d’autres se sont accaparés de cette idéologie et l’ont déviée ».

Pourquoi Terre de Paix après tout le ram dam qu’il y a eu atour vers le début des année 90 ? « Lorsqu’il y a eu des problèmes internes au centre, on a fait appel à moi, j’ai dû démissionner de mon job d’infirmier après 15 ans de service ».

Après des études au collège de La Confiance et à celui du St-Esprit avec un choix scientifique, il se parfait dans des sujets qu’on va dire militants : le PIB, le changement climatique : « Anywhere mo pou nowhere, mo l’esprit ti ouvert deza rezma ».

Le groupe Abaim composé de jeunes artistes.
Le groupe Abaim composé de jeunes artistes.

Militant dans l’âme sans être accolé au MMM naissant, il veut se battre « mais ti bizin manzé, lerla ine gagne possibilité pou vine infirmier, mais mo l’experience à l’Ouest dans dispensaire fine enrichi moi boucou, ti ena ene echange entre patients ek moi, nou ti vine couma dire camarades ». Petit à petit, il s’engage au niveau social, il se parfait dans des études psycho-social, se jette dans l’aspect de la vie sociale, la dimension médicale et paramédicale, se complait à lire les philosophes, les écrivains locaux, ceux qui ont étudié la race humaine et les raisons de ses perditions. « Cela m’a permis d’être à l’écoute des autres, de comprendre leurs misères, leur lassitude et leur mal-être »

Est-ce pour cela qu’il joue au papa auprès de ces enfants qu’il accueille au centre de Terre de Paix ou qu’il place dans des familles d’accueil et qu’il envoie dans des ‘special needs schools’ ? Alain Muneean sourit et répond : « Je fais cela avec beaucoup d’amour. Le centre n’avait que Rs 200 000 quand je suis arrivé et, aujourd’hui, on a une entité de Rs 27 millions. Tout l’argent qu’on reçoit est utilisé à bon escient, car on a cinq familles d’accueil et deux foyers d’accueil, on reçoit de l’aide en tant qu’ONG, mais on ne fait pas des dépenses exagérées ».

De la petite maison en bois et en tôle d’il y a 20 ans, s’est élevée une bien belle bâtisse avec un dortoir pour une quinzaine de garçons uniquement, une terrasse pour le repas qui est bien entretenue, un bureau administratif comme il se doit et tuti quanti.

Bref, pour Alain, qui prenait le bus de Beau-Bassin pour Albion depuis 20 ans, il a pu avoir une voiture de fonction. « Il était temps », nous lâche-t-il en ricanant.

Il arrive dans la vie qu’il faut savoir attendre son heure. Parce que prendre des enfants par la main, comme le chante Yves Duteuil, n’est pas donné à tout le monde. It’s God’s blessing, disent nos vieux.


Florence Pierre-Louis : « Il faudrait d’autres Terre de Paix »

Florence Pierre-Louis

Cela fait cinq ans qu’elle panoce, nettoie, balai tout en sourire. À 7h00, elle était au centre à mettre de l’ordre. « Ces enfants, je les adore, ils viennent de Flacq, de Bambous, de Petite-Rivière, de Roche-Bois, de Camp Créole. Ici, ils sont encadrés, ils apprennent les bonnes manières, le respect des autres », nous dit Florence Pierre-Louis.

Pour elle, quand elle regarde ces adolescents nettoyer la cour et autres, elle est contente : « Cela les responsabilise, ils nettoient leurs dortoirs, les toilettes, la cour, bref ils se responsabilisent et deviennent sérieux ».

Florence est d’avis que ce concept de Terre de Paix devrait être copié à travers le pays : « Si on pouvait avoir d’autres centres de Terre de Paix à travers le pays, cela éviterait bien de problèmes aux jeunes ».

 

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