Interview

Alain Wong: «Si je dois sauter en parachute, je n’hésiterai pas»

Le ministre de l’Environnement et de la Fonction publique revient sur la polémique entourant sa partie de plongée dans le cadre de l’affaire MV Benita. Il semble que vous soyez contre l’utilisation d’explosifs pour libérer le MV Benita des récifs. Pourquoi ? J’ai été interpellé lorsqu’on m’a parlé de dynamitage. On ne parle pas là de feux d’artifice, que j’aime regarder d’ailleurs. J’ai demandé à ce qu’on m’en explique le procédé. On m’a alors dit qu’il s’agissait plus précisément d’une implosion. Il y en a plusieurs sortes. D’abord, on peut utiliser la différence de température. Par exemple, on met de l’eau chaude et de l’eau froide dans une cannette et la vapeur fait le reste. On ne peut faire cela sous la mer. Un autre procédé implique l’utilisation d’explosifs, comme pour raser de vieux bâtiments. Les explosifs sont placés de telle façon qu’avec la déflagration, tout va vers l’intérieur. Il y a aussi le mode hydraulique, utilisé pour casser les roches, mais ce n’est pas l’option la plus simple. Cette alternative a été écartée par les propriétaires du MV Benita. Pour eux, le dynamitage est plus rapide. Boum ! Et cela, même si les poissons et les récifs en subissent les conséquences. Ce n’est pas parce qu’ils vont payer et qu’ils ont de l’argent que nous devons tout accepter. Je ne peux permettre qu’on souille notre environnement.
Beaucoup se sont demandé si c’était le rôle d’un ministre de faire un constat de visu d’un navire échoué ? Un gouvernement fait un appel d’offres pour pouvoir choisir le meilleur soumissionnaire. Dans le cas de l’échouement d’un navire avec un tirant d’eau de 7 à 8 mètres, c’est le propriétaire qui choisit. Il fait ce qu’il a envie. Cela m’a immédiatement interpellé. J’ai demandé comment on allait procéder à l’évaluation des dégâts. Les experts m’ont dit de ne pas m’en faire et que les choses sont sous contrôle. Or, l’environnement est menacé avec de l’huile qui se répand. J’ai insisté pour qu’on fasse vite. J’ai demandé s’il allait y avoir une évaluation sous l’eau. C’était comme-ci j’avais dit une bêtise. On m’a répondu : « On n’est pas assez fou pour plonger dans cette mer ». J’ai répondu que sous l’eau, il n’y a pas de vagues et pas beaucoup de courant et que si c’était le cas, le navire aurait déjà dévié.
[blockquote]« Le développement durable concerne tout un chacun... Si nous continuons d’agir sans raisonner, nous allons vers la sixième extinction de la vie sur terre »[/blockquote]
Vous vous êtes alors jeté à l’eau… Je leur ai montré que cela pouvait se faire. On a fait des vidéos. La visibilité était assez bonne et l’eau était claire. Pour mieux voir, il fallait s’approcher du navire. C’est ce que nous avons fait (ndlr : il nous a montré les images qu’il a faites sous l’eau). Était-ce votre rôle de faire cela ? C’est le rôle d’un ministre d’aller voir. J’ai entendu les critiques dire que j’aurais dû laisser cela aux experts. En l’occurrence, je suis un plongeur. Je crois être the right man in the right place. Certes, ce que j’ai fait est assez inhabituel, mais il fallait comprendre ce qui se passait. J’ai eu la chance d’avoir une vie remplie d’action. Je suis habilité à faire ce genre de choses. Si demain, je dois sauter en parachute, je n’hésiterai pas une seule seconde… Je m’investis dans tout ce que j’entreprends. Je suis très terre-à-terre. Je ne crois pas qu’un ministre se résume à un type en costard, cantonné derrière son bureau ou dans une belle voiture. Même ministre, je reste moi-même. Et quel est votre constat de l’affaire MV Benita sur le plan environnemental ? Nous avons pris toutes les mesures nécessaires. Nous avons mis des barrages flottants pour empêcher l’huile de se répandre. Nous avons nettoyé les côtes et enlevé l’huile. Il y a très peu de risques d’une catastrophe. Mon rôle désormais est d’observer et de m’assurer qu’il n’y a pas plus de dégâts matériels à l’environnement. C’est une belle faune, avec beaucoup de poissons et quelques espèces de requins. Ce serait dommage de l’abîmer. On vous reproche aussi d’avoir privilégié cette plongée à une rencontre avec Nicolas Hulot et Patrick Poivre D’Arvor… J’ai rencontré Nicolas et Patrick. Ce sont des amis de longue date (ndlr : il nous montre, sur son portable, des photos de leur récente rencontre). Je ne sais pas pourquoi on me reproche cela. C’est de la pure méchanceté. Je souhaite avoir des gens comme Nicolas Hulot autour de moi. D’ailleurs, on va se revoir. Le ministère de l’Environnement est-il désormais paré à affronter ce genre de problème ou faut-il un protocole ? Nous avons des protocoles. Il y a deux façons d’apprendre : en étant confronté à une catastrophe écologique ou alors avec des simulations. Cependant, on ne devient expert qu’en faisant face à la réalité. L’épisode Angel 1 (navire panaméen qui a coulé à 67 kilomètres de Pointe-d’Esny en 2011) nous a permis de ne pas commettre les mêmes erreurs. À l’époque, nous n’avions pas d’expérience. Aujourd’hui, des personnes nous conseillent, surtout par rapport aux claims. Il faut faire les choses de manière professionnelle. Le Conseil des ministres va bientôt décider s’il nous faut un avocat en la matière. Il y a une polémique concernant la surveillance de nos côtes et le temps de réaction de la National Coast Guard. Une opinion… Ce domaine relève du ministère de l’Intérieur. Ce n’est pas à moi de commenter ce sujet. Il faut savoir que, dans ce cas précis, trois domaines se chevauchent : la sécurité, la pêche et l’environnement. Je me cantonne à l’environnement. Et si on évoque le dynamitage, je vais faire entendre ma voix et réclamer des garanties. Le ministère de l’Environnement ne vous correspond-il pas mieux que la Fonction publique ? Disons qu’on m’a attribué le portefeuille de la Fonction publique à cause de mes qualifications en ressources humaines. C’est aussi pour relever le défi de la réforme de ce secteur, qui est en marche. Malheureusement, beaucoup ne savent pas ce qui se passe et c’est tellement facile de toujours critiquer… Quant à l’environnement, c’est un sujet qui me tient à cœur. J’ai fait du hiking, du trekking, de la varappe… Bref, tout ce qu’on peut imaginer. Nicolas Hulot est d’ailleurs mon idole. Il faudrait plusieurs vies pour voir tout ce qu’il y a dans la nature. Le développement durable concerne tout un chacun. Il nous faut une vision commune. Demain est un excellent film qui résume ma pensée. Si nous continuons d’agir sans raisonner, nous allons vers la sixième extinction de la vie sur terre. Pour certains, l’extinction concerne aussi le présent gouvernement. La déception est-elle aussi grande ? Je ne peux passer un jugement sur quelque chose à laquelle j’appartiens. C’est au public de juger. Il y a des choses qui prennent du temps. On ne peut semer et récolter le même jour. Rien n’apparaît par magie. J’aurais aimé être un magicien et rendre le monde meilleur. Les Mauriciens ont de la discipline et des valeurs morales. Ils ont aussi la chance de vivre dans un beau pays. Des fois, nous ne réalisons pas notre chance. Comparé à d’autres pays, nous sommes mieux lotis. Essayons de préserver notre environnement et serrons-nous les coudes. Il faut que chacun fasse sa part.
Publicité
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !