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Analyse - Populisme

Et si la victoire électorale du 10 décembre 2014 était celle du populisme ? Aussi inattendu que celui du Brexit et de Trump, du moins aux yeux de l’establishment, le triomphe de Lalyans Lepep, comme ce nom l’indique, devait se traduire en des mesures politiques consistant à satisfaire le peuple. Mais le peuple grogne, et ce, malgré deux années perdues pour les réformes de l’économie. Le jugement des analystes économiques et financiers dans le présent baromètre est sans appel.

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On donne un sens péjoratif au populisme, mais comme le cholestérol, il existe du bon et du mauvais populisme. Un populiste, c’est quelqu’un qui veut le meilleur pour les pauvres, la classe moyenne et, à terme, toute la population (la racine latine du mot signifie le peuple). Le bon populiste ne travaille pas pour lui ou pour des intérêts particuliers. Il est ainsi l’opposé de l’élitiste, ce soi-disant expert qui défend l’ordre établi pour tirer profit du système économique. Le populiste n’est pas contre l’élite, mais contre le fait d’être ignoré par l’élite.

Pour certains analystes politiques, ce système est le « néo-libéralisme » qui remonte au thatchérisme et au reaganisme des années 80, et c’est lui qui a créé l’actuelle vague populiste dans le monde. Rien n’est plus invraisemblable, car le populisme ne date pas d’hier, mais constituait déjà un mouvement politique aux États Unis à la fin du dix-neuvième siècle. Ce sont ni plus ni moins les politiques d’Obama qui ont porté au pouvoir Donald Trump. Ce dernier ne peut pas être populiste, puisque son programme économique ressemble à celui de Ronald Reagan. Trump est d’ailleurs soutenu par l’économiste Arthur Laffer, rendu célèbre pour sa fameuse courbe démontrant que plus d’impôts tuent l’impôt. Quant au vote en faveur du Brexit, on l’impute au rejet de l’Europe de Bruxelles, dans le droit fil de la pensée de Margaret Thatcher !

En fait, ce qui a été sanctionné lors du référendum britannique et des présidentielles américaines, c’est le capitalisme de copinage : ceux faisant partie de l’establishment utilisent tous les leviers du pouvoir pour distribuer richesses et privilèges à eux-mêmes et à leur entourage. Ils dirigent l’appareil d’État comme une élite riche et puissante dont les intérêts sont opposés à ceux des petits entrepreneurs et des travailleurs productifs. C’est une politique conservatrice, et non libérale. Le vrai libéralisme consiste à être pro-marché plutôt que pro-business.

On observe les mêmes dérives à Maurice. Lalyans Lepep était censé travailler pour le petit peuple. Mais les ministres et leurs proches s’enrichissent et abusent des privilèges du pouvoir. Après 184 missions à l’étranger de janvier 2015 à juillet 2016, nos ministres en ont effectuées près de 60 ces quatre derniers mois pour un coût total de Rs 32 millions, dont presque la moitié en indemnités. Même jouissance dans les organismes publics, en particulier à l’ICTA, où les membres du conseil d’administration ont empoché Rs 6,6 millions en 18 mois. Business Mauritius n’a rien à redire, car les promoteurs de Smart Cities ont bénéficié de Rs 5,4 milliards d’exemptions fiscales.

Quand les exclus du système voient des largesses aussi indécentes, ils se raidissent dans des intérêts corporatistes : les enseignants veulent leurs leçons particulières, les agriculteurs leurs subventions, les fonctionnaires leur voiture hors-taxes. Ils croient faussement que le gouvernement a la capacité financière de distribuer des prébendes à tout va. Dès lors, il lui est difficile de refuser une compensation salariale malgré un taux d’inflation officiel très bas. Même si elle n’est pas suffisante, il l’accorde par goût de l’expérience populiste.

Tous les partis politiques regorgent de populistes. On dit que les succès de Trump et des pro-Brexit relèvent du populisme et de la démagogie, comme si leurs adversaires étaient tout sauf populistes et démagogues. Or la classe politique traditionnelle verse aussi dans la démagogie populiste. Ici, pour se faire élire, on fait des promesses qu’on ne pourra pas tenir en toute connaissance de cause, comme un miracle économique ou la création de 100 000 emplois en cinq ans.

Une joute électorale à Maurice est devenue un concours pour être le plus populiste. Est populiste celui qui est politiquement correct. Il est partout, dans les partis politiques, les médias, les organisations patronales, les syndicats, les ONG. Il utilise la langue de bois pour donner de l’espoir aux gens. Mais quand c’est le désespoir qui pointe, ils se laissent séduire par le mauvais populiste, celui qui est pour tout ce qui est contre, et contre tout ce qui est pour.

Le mauvais populiste met tous les problèmes quotidiens sur le dos des phénomènes économiques. Il fait croire qu’il suffit de corriger les « excès » de la mondialisation et du marché pour réduire les inégalités de revenus et pour maintenir l’État-providence tel qu’il est. La vérité est que les échanges de biens et de services sont les résultats des actions volontaires des hommes, et que la prospérité ainsi générée permet de soutenir la viabilité de l’État-providence et de créer des emplois.

C’est l’État qui est incapable de résoudre les problèmes économiques. Mais personne ne cherche à être économiquement correct de peur d’être mal vu par les bien-pensants. Ceux qui expliquent naïvement la montée du populisme par le déterminisme économique affirment la supériorité du pouvoir politique sur les forces du marché. Ils font plutôt le jeu du populisme.
(www.pluriconseil.com)

 

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