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Au cimetière de Mahébourg : l’espace où reposaient les siens ne lui appartient plus

« C'est ici que les miens sont enterrés. C'est ici que je reviendrai toujours », déclare-t-elle.

Penchée sur le lieu où sa mère a été enterrée, Jacqueline Montaigu se lamente.  « Maman, ils ont pris ta place, ils t’ont jetée dehors », marmonne-t-elle. Avant d’éclater en sanglots et de dire : « Maman, je me bats pour toi depuis trois ans. » La concession funéraire lui ayant été reprise et attribuée à une autre personne, cette dame de 64 ans crie à l’injustice.  

Au cimetière de Mahébourg, la famille Montaigu disposait depuis 1969 – c’est ce qu’affirme Jacqueline Montaigu – d’une concession. Autrement dit, un espace alloué par la propriété responsable du cimetière, moyennant une somme d’argent payable tous les ans.

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Jacqueline Montaigu y a enterré sa maman. Mariée depuis 1976 à Jean-Yves, elle y a aussi enterré son quatrième enfant, une fille mort-née.

Tout s’est déroulé normalement jusqu’en octobre 2009 quand Jacqueline, qui avait pris la responsabilité de la concession depuis 1985, a cessé de payer à cause de plusieurs circonstances malheureuses ou hors de son contrôle.

Elle explique : « En 2009, je suis tombée malade. Ma vie a basculé. C’est alors que je n’ai pas pu payer. Oui, je reconnais qu’il y a eu un retard concernant le paiement. Mais je compte tout rembourser. Une seule chose compte pour moi. Qu’on me rende l’espace qui m’appartenait. Parce que c’est là que sont enterrés les miens. À chaque fois, c’est ici même que je reviendrai. » 

Jacqueline montre la tombe. « Je l’ai toujours entretenue. Le tombaliste peut en témoigner puisqu’il est toujours vivant. Je l’ai fait peindre toutes les années. À chaque fois que je viens ici, je lave la tombe et je dépose des fleurs. Mais maintenant, il y a des étrangers qui sont enterrés dans la même tombe. Ce n’est pas correct », déclare-t-elle.

En effet, se reposant sur le fait que Mme Montaigu n’a effectué aucun paiement dans le temps prescrit, le secrétariat du cimetière de Mahébourg, qui dépend de La Fabrique Notre Dame des Anges, a alloué la concession à une autre personne. 

Depuis, Jacqueline se bat pour retrouver « son » espace dans le cimetière. Elle maintient que jamais on ne l’a informée que sa concession allait être allouée à quelqu’un d’autre. « Quand j’ai posé des questions, ils m’ont dit qu’ils m’avaient appelée et qu’ils avaient mis un communiqué dans les journaux. Mais moi, je ne sais pas lire, je suis analphabète. Et j’insiste : ils ne m’ont pas appelée. » Le secrétariat du cimetière de Mahébourg affirme le contraire.

Au cimetière, Jacqueline, pourtant une femme de caractère, ne peut s’empêcher de se lamenter. « Il y a des membres de la famille qui viennent ici de Quatre-Sœurs, Bel-Air/Rivière-Sèche ou encore Flacq. Quand ils arrivent, ils me disent : ‘Mais où est passée la tombe appartenant à la famille ?’ », poursuit-elle.

 « Il y avait une couronne de fleurs posée sur la tombe de ma mère. Ils l’ont retirée pour la poser ailleurs sur un rocher. Je l’ai emmenée à la maison. Ils ont aussi enlevé deux croix en métal. Et également les quatre bornes », dit-elle d’une voix étouffée, les yeux remplis de larmes. « Une chose pareille ne se fait pas. »

Jacqueline avance qu’après qu’on lui a pris sa concession, « ils ont creusé un trou au milieu et ils ont mis un autre cercueil, celui d’un étranger. » Évidemment, elle a cherché à savoir à qui la concession a été réallouée. « Le lundi 26 septembre 2022, j’ai rencontré le nouveau concessionnaire. Je me suis alors rendu compte que c’était quelqu’un que je connaissais. »

Bataille juridique

Estimant être victime d’une injustice, Jacqueline Montaigu a porté plainte. « La police m’a conseillé de retenir les services d’un avoué. Je l’ai fait. Mon avouée a demandé une rencontre entre les parties concernées. Dans un premier temps, le secrétariat a déclaré n’avoir pas de temps pour me recevoir. Finalement, j’ai pu obtenir un rendez-vous avec eux… pour qu’ils me disent que rien ne pouvait être fait pour moi. Que c’est maintenant une affaire légale et qu’il faut que je m’adresse à leur homme de loi », raconte-t-elle.

Pour Stéphanie, la fille de Jacqueline, « c’est injuste ce traitement accordé à mes parents. » Elle rappelle que son père a été victime d’une attaque cérébrale. Elle poursuit : « Il y a mon père et toute la famille derrière qui viendront un jour ici. J’aimerais tant que ma mère retrouve la concession qui lui appartenait. S’il vous plaît… »

Le secrétariat du cimetière de Mahébourg : « Mme Montaigu n’a pas répondu à nos appels, nous n’avons pas eu d’autre choix »

Le secrétariat du cimetière affirme que Jacqueline Montaigu n’a pas réagi quand on l’a appelée. Il soutient que La Fabrique a été de bonne foi, qu’elle n’a rien à se reprocher. « Nous avons tout expliqué à Mme Montaigu, que malheureusement sa concession a été allouée à une autre personne à cause de sa faute, à cause de son retard pour effectuer le paiement, à cause de son irresponsabilité. Mme Montaigu aurait dû nous répondre, au moins nous signaler sa présence. Elle a fait savoir qu’elle ne savait pas lire, mais ce n’était pas une excuse pour ne pas se présenter du tout à La Fabrique », explique le secrétariat.

La rédaction a appris du secrétariat du cimetière que Jacqueline Montaigu est devenue responsable de cette concession à la demande de ses deux frères. « Ce sont eux qui lui ont demandé de s’occuper de l’espace où était enterrée leur mère. Quand nous avons fait savoir aux deux frères que leur sœur n’avait pas assumé ses responsabilités, que le terrain avait été mis en vente et réalloué à quelqu’un d’autre, Mme Montaigu n’a jamais dit qu’elle n’avait pas payé pendant dix ans. De même, elle n’a jamais mentionné que La Fabrique l’avait appelée en deux occasions, peu avant l’expiration du délai. »

Pour prouver ses dires, le secrétariat nous a fait parvenir une copie du courrier adressé à la représentante légale de Jacqueline, Me Sheela Ramano, en juillet 2021.

Selon Ariane Botte, manager du secrétariat, Jacqueline Montaigu pourrait retrouver sa concession si elle paie tout ce qu’elle doit et à condition, bien sûr, que le nouveau concessionnaire accepte de lui céder la concession. S’il accepte, la Fabrique ne s’y opposera pas.

Si jamais le nouveau concessionnaire refuse, le secrétariat déclare que quand Jacqueline Montaigu ou son mari décédera, la Fabrique est disposée à lui allouer une autre concession. « Je précise bien que ce sera seulement en cas de décès. Car la Fabrique ne vend pas de terrain sans enterrement », dit la responsable.

 

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