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Azim Currimjee: un observateur économique qui a le social dans la peau

Neuf ans après avoir présidé la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice, Azim Currimjee, directeur de Quality Beverages, est retourné à ce poste. S’il estime que le salut du pays réside dans les investissements étrangers, il est d’avis qu’il faut tout mettre en œuvre pour donner de réelles chances d’intégration aux jeunes. Rencontre avec un homme engagé économiquement et socialement. À la rue Louis Pasteur, siège de la maison Currimjee Jeewanjee, les portraits en noir et blanc des trois pères fondateurs de la famille, étroitement associés à l’histoire de Maurice, trônent dans le grand salon où nous reçoit Azim Currimjee. À 52 ans, il est un des membres de la quatrième génération de cette illustre famille. L’homme, époux de Sara Rawat Currimjee, Chairperson du Mauritius Sports Council, affiche une affabilité et une humilité qui imposent le respect de tout visiteur. « Je pense qu’on ne peut pas vivre toute sa vie pour amasser des fortunes, il faut en donner. Mon épouse et moi le faisons à travers le social. Mais pour y arriver, il faut des moyens. Heureusement que mes fonctions me le permettent », souligne Azim Currimjee. Le fils de Fakhru Currimjee est passé par deux écoles primaires, notamment Lorette de Curepipe et Notre Dame des Victoires, avant d’atterrir au collège Royal de Curepipe. Mais, il n’y terminera pas le Higher School Certificate.

Entreprises familiales

Il ira, en effet, rejoindre ses frères au Massachussetts College, aux États-Unis, où, pendant quatre ans, il étudiera les mathématiques, la philosophie, l’économie et les arts, entre autres. À son retour à Maurice, il rejoint les entreprises familiales. D’abord, chez son oncle Abbas, qui fabrique des appâts, puis à Bonair Knitwear, aux côtés de son père. En 1987, lorsque l’usine est contrainte de fermer, ce sera une véritable tragédie nationale puisque ce sont 2 300 postes qui seront supprimés, affectant des familles entières dans le Nord. « On a tout fait pour sauver cette entreprise : l’État, les banques et nos propres investissements n’y ont rien fait. Le problème est venu de la dévaluation de l’euro à 82 centimes, face au dollar. Nous achetions en dollars et vendions en euros. C’était un déséquilibre implacable », se souvient-il. Depuis 2002 à la direction de Quality Beverages, à Belle-Rose, Azim Currimjee est toujours resté au premier rang de l’observation économique, sociale et politique de Maurice. « La crise des subprimes, l’émergence des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) a déplacé les pôles économiques mondiaux. Après le krach de 2008, tous les grands pays ont restructuré leurs économies. On sait ce qui est arrivé à la Grèce, mais des pays comme la France et l’Allemagne ont tenu le coup en pompant dans leurs économies. La Grande-Bretagne, elle, est confrontée au Brexit. De manière générale, on gagne ici, on perd ailleurs, mais il n’y a plus potentiellement de grandes croissances, ni non plus de risques systémiques. » Comment se retrouve l’île Maurice entre ses marchés traditionnels et les marchés émergents indiens et chinois ? « Notre salut réside dans les investissements étrangers, conjugués à ceux domestiques, provenant du privé et de l’État. Il n’y a aucun mal à accroître les dépenses publiques tant qu’elles contribuent à la croissance. Tous les pays le font. Il faut investir dans les infrastructures, dont les routes, le port et l’aéroport mais aussi, en amont, dans la formation continue de manière à avoir un réservoir de talents locaux à la disponibilité des investisseurs étrangers. Il faut aussi d’autres dessertes aériennes, dont un vol quotidien à Mumbai. » Pour le nouveau président de la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice, il faut commencer par une rupture avec nos orientations budgétaires, « en arrêtant de faire comme on le faisait ». « Cela dit, nous nous sommes bien débrouillés jusqu’ici. En 1975, le Produit intérieur brut par tête d’habitant à Maurice était de 400 dollars, soit le même que le Kenya et la Corée du Sud. Par la suite, le Kenya a régressé à 280 dollars, la Corée du Sud a atteint 28 000 dollars et en 2011, l’île Maurice en était à 10 000 dollars », poursuit-il.

Joindre le geste à la parole

Cette croissance est due à la diversification de notre économie et au contrôle de notre croissance démographique, ajoute Azim Currimjee. « Nous avons toujours cette capacité de croissance en nous fixant sur les trois pôles suivants : l’aspect fiscal, monétaire et l’ouverture, avec des mesures telles que la réduction du taux d’intérêt et l’augmentation de nos connexions aériennes. » Parallèlement aux défis posés par une nécessaire croissance, il fait valoir l’engagement social afin de réduire les inégalités et les poches de pauvreté. À cité Mangalkan, son épouse et lui ont fait construire un espace d’accueil destiné aux enfants de la localité. « Il faut donner quelque chose à la communauté. Cette structure qui peut accueillir quelque 80 enfants offre des activités culturelles et artistiques. Lorsque ces gosses sont livrés à eux-mêmes dans la rue, ils sont en proie à des fléaux. On sait où se situent les lieux de misère extrême. Il faut juste joindre le geste à la parole pour donner de réelles chances d’intégration aux jeunes. On peut agir. Il n’y a pas de fatalité. »
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