50 ans independance

Bahal Gowry, auteur de «Donne to la main, prend mo la main» : «Je suis fier que cette chanson aide à façonner l'unité nationale»

Bahal Gowry

Il sera sur le podium le 12 mars prochain.

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Un demi-siècle après, « Donne to la main, prend mo la main » des Gowry Brothers n'a pris aucune ride. Le 12 mars, elle sera interprété par une pléiade d'artistes mauriciens lors des célébrations marquant les 50 ans de l' indépendance. Rencontre avec Bahal Gowry, auteur de cette chanson mythique qui a fait vibrer le cœur de nombreux Mauriciens.

Calé dans un fauteuil de son salon à Vacoas, Bahal Gowry nous avoue qu’il ne s'attendait pas à ce que cette chanson connaisse un tel succès. À l'époque, il était membre du groupe Gowry Brothers, l'un des précurseurs de la chanson bhojpuri à Maurice. Les principaux animateurs étaient Bahal et Soogreeve, surnommé Chandu. « On nous invitait pour animer les soirées lors des mariages hindous. On chantait bénévolement et on rentrait à pied, tard dans la nuit », relate-t-il. C'était avant l'indépendance du pays, la majorité de la population vivait dans la misère. À l'époque, il interprétait aussi des chansons en créole et bhojpuri dans des centres sociaux, lors de la campagne menée par la Family Planning pour le contrôle des naissances.

Puis vint la campagne de 1967 pour l'indépendance opposant le Parti de l'indépendance, mené par Seewoosagur Ramgoolam au PMSD, mené par Gaëtan Duval, qui prônait l'intégration à la Grande-Bretagne. Pros et opposants à l'indépendance menaient à l'époque une farouche campagne qui allait marquer les esprits.

«Donne to la main prend mo la main»

Bahal Gowry était favorable à l'indépendance. C'est ainsi qu'il a composé « Donne to la main prend mo la main » pour prêcher l'unité de la nation mauricienne. « À l'époque, le pays était divisé entre ceux qui soutenaient le projet d'indépendance et ceux qui s'y opposaient. La campagne prenait une tournure communale. J'ai assuré le côté musical avec pour instruments l'harmonium, le tabla et le dholak … »

Après avoir écouté ces paroles, Seewoosagur Ramgoolam en a fait un chant de ralliement pour sa campagne en faveur de l'indépendance. Au terme d'une rude campagne, les indépendantistes remportèrent les élections. L'indépendance est proclamée le 12 mars 1968.

Quelques mois avant, en janvier 1968, une bagarre communale éclate, touchant principalement les faubourgs de Port-Louis. De nouveau, les frères Gowry sont invités à chanter dans certains lieux pour favoriser la paix à travers le pays. La chanson devait passer plusieurs fois par jour sur les ondes de la MBC, et le soir à la télévision. « À travers cette chanson, je prêchais un message de paix et d'amitié entre les diverses communautés. Je suis fier d'avoir contribué à ma façon à la construction de la nation mauricienne et à l'indépendance du pays. Certes, il reste encore un long chemin à parcourir, mais toutes les communautés vivent en paix et notre pays est un exemple pour le monde entier…»

Pas invité à la fête nationale depuis 2015

Bahal Gowry a été décoré à deux reprises par le gouvernement. Il a reçu un Badge of Honour, la première fois sous un gouvernement de sir Seewoosagur Ramgoolam, et la deuxième fois sous celui de sir Anerood Jugnauth, pour sa contribution dans le domaine culturel. Depuis 1968, il affirme avoir toujours été invité aux célébrations marquant la fête nationale, sauf après le changement de gouvernement en 2014. Il estime que c'est parce qu'il avait chanté sur l'estrade du parti adverse. « Pour le cinquantième anniversaire de l'indépendance, j'ai été invité et j'y serais. On m'a demandé d'interpréter ‘Donne to la main prend mo la main’ avec la participation de divers artistes. Nous venons d’achever l'enregistrement et il sera sur les ondes radio, quelques jours avant le 12 mars », avoue-t-il. « Ce jour-là, je serai sollicité en plusieurs endroits du pays. »

Enfance difficile

Né le 17 septembre 1935, Bahal a connu une enfance très difficile, comme la plupart des enfants de l'époque, d'avant l'indépendance. « J'allais pieds nus à l'école », dit-il. En raison de cette misère, il quitte tôt l'école et prend de l'emploi à l'usine à sac. Il est sur pied de 18 heures à six heures du matin pour Rs 35 par semaine. On était au début des années' 50.
Il se souvient d'avoir emprunté Rs 40 de la compagnie pour s’acheter une radio. On déduisait Rs 2 de son salaire chaque semaine. Par la suite, il a pris de l'emploi comme peintre dans le département des Travaux publics.

Parallèlement, Bahal menait une carrière musicale. Il est non seulement connu à Maurice, mais aussi en Angleterre, en France, en Inde et en Afrique du Sud. Lors de son passage dans ces pays, il a été sollicité pour des interviews. Il a même reçu un award à Durban, Afrique du Sud où ses chansons sont très populaires.

Bahal a aussi côtoyé plusieurs artistes mauriciens et internationaux. Citons Serge Lebrasse, Ti-frère, Marie Josée et Roger Clency et des vedettes internationales comme Kurt Jurgens et Brigitte Bardot.

Ce combattant pour l'indépendance est fier de l'accomplissement du pays en 50 ans. «Seuls ceux qui ont vécu la période coloniale pourront vraiment apprécier le grand changement qui s'est opéré après l'indépendance… »

 

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