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Baz Zero GaspiyaZ : l’éco-engagement de Nathalia Vadamootoo

Nathalia Vadamootoo a grandi en Colombie. « BaZ Zero GaspiyaZ » est une marque écologique déposée à Maurice.

Dans un monde de surconsommation et de préoccupations environnementales croissantes, une voix se distingue : celle de Nathalia Vadamootoo. À Le Dimanche/L’Hebdo, elle relate sa quête de sens dans un univers de gaspillage où chacun de ses gestes quotidiens porte un message de préservation de notre planète.

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Son accent espagnol est immédiatement perceptible. Nathalia Vadamootoo sourit. Née à Maurice, elle a grandi en Colombie, le pays d’origine de sa mère. « Voilà pourquoi j’ai un accent », explique-t-elle.

À 47 ans, cette administratrice publique de formation, détentrice d’un master en entrepreneuriat, dirige avec ses trois enfants « BaZ Zero GaspiyaZ », une marque écologique enregistrée à Maurice. Cette initiative a démarré lors du premier confinement lié à la pandémie de COVID-19, en juin 2020. « Nous ne sommes ni une association ni une entreprise. Nous préférons agir en tant qu’acteurs engagés de la société civile », précise-t-elle. 

En effet, « BaZ Zero GaspiyaZ », dont le message est « donner au lieu de jeter », a pour objectif de sensibiliser à la réduction des déchets solides et au refus du gaspillage, non seulement des objets, mais aussi du temps, des ressources et du talent humain, avec le soutien d’un groupe de personnes. La sensibilisation à la protection de l’environnement se traduit par un tri des déchets et la création d’un marché économique basé sur la réutilisation. « Nous nous engageons également dans la recherche académique et scientifique pour transformer les habitudes et mieux répondre à la transition écologique et économique », fait savoir Nathalia Vadamootoo.  

Le REUSE Market, son « thrift shop » situé à Rose-Hill, dans un espace qu’elle loue, propose tout ce qui a déjà été utilisé dans les foyers, bureaux ou entreprises. « Ce sont des articles qui ont été vérifiés, nettoyés et réparés avant d’être exposés, offrant ainsi une riche variété pour satisfaire tant ceux qui apprécient la beauté des objets que ceux qui souhaitent protéger l’environnement et leur portefeuille », indique-t-elle. Les gens peuvent ainsi y acheter des pièces uniques de très bonne qualité et en bon état à des prix très bas. Par ailleurs, grâce à l’identification de familles à faibles revenus sensibilisées à la réutilisation, ces personnes bénéficient gratuitement des articles du REUSE Market. Le projet « RÉQUINQUÉ »

Dans le cadre de la Journée internationale du Zéro déchet, le 30 mars dernier, Nathalia Vadamootoo a lancé le projet interactif « RÉQUINQUÉ » qui permet aux citoyens de réparer ou d’apprendre à réparer des objets qui ne fonctionnent pas ou sont endommagés et qui ont été reçus en donation dans un espace convivial à Rose-Hill. L’objectif, selon elle, est d’éviter de les jeter, de les remettre en circulation, et s’ils ne sont pas réparables, d’utiliser leurs pièces ou de les transformer en un autre objet afin de profiter des matières qui les constituent. 

Et si un objet n’est ni réparable ni convertible ? « La dernière option est la séparation des matériaux pour une élimination finale adéquate. Pour l’instant, une fois par mois, nous organisons cette journée RÉQUINQUÉ où les objets sont restaurés pour une seconde vie. » 

Les Mauriciens étant polyvalents, ceux qui aiment et savent réparer des meubles et autres objets sont invités à le faire, le temps d’une journée de partage « Les personnes qui sont intéressées à se joindre à nous peuvent nous contacter pour s’inscrire dans le groupe RÉQUINQUÉ », déclare-t-elle.
Quels objets récupère-t-elle ? Nathalia Vadamootoo indique que ce sont des livres, des jouets, des vêtements, des chaussures, des appareils électroménagers, du matériel de sport, des accessoires de décoration, des articles de bricolage et de DIY. Mais aussi, la vaisselle, des équipements de jardinage, des outils, des meubles, des bijoux, etc. « Tout ce qui a déjà été utilisé dans les foyers, bureaux ou entreprises et qui peut encore servir à quelqu’un d’autre », indique-t-elle. 

Nathalia Vadamootoo en profite pour partager le fond de sa pensée : « Les importateurs sans scrupules qui se retrouvent avec des stocks de mauvaise qualité que les Mauriciens refusent d’acheter, sont priés de s’abstenir de nous proposer des dons d’articles neufs. Nous les invitons à renvoyer ces marchandises polluantes à leur lieu d’origine, à leurs frais, afin de ne pas accroître la pression sur le site d’enfouissement de Mare-Chicose. » 

Où déposer les dons et quand ? Elle explique que la réception des dons se fait en mars et en septembre à l’Atrium Building près de la gare centrale de Rose-Hill. « Les donations sont reçues pendant les mois de mars et septembre car nous n’avons pas d’entrepôt. » 

En dehors de ces deux mois, il est demandé à la personne d’attendre ou de contribuer à hauteur de Rs 10 par kilo pour le financement des frais de traitement des dons en dehors de la période de réception, poursuit Nathalia Vadamootoo. Selon elle, cette contribution de Rs 10 par kilo permet également aux gens de prendre conscience de la valeur de leur service. 

Cependant, elle précise que le but n’est pas d’encourager les gens à vider leurs armoires pour ensuite les remplir en effectuant des achats irresponsables et compulsifs. « Nous souhaitons que les dons soient faits par des personnes qui envisagent d’acheter des articles d’occasion, et des consommateurs qui privilégient la qualité car ils réfléchissent aux personnes qui ont fabriqué ces objets et aux matériaux utilisés pour leur production. Ils rejettent également le gaspillage et les industries qui ne respectent pas l’environnement, comme celle de l’habillement », fait-elle comprendre. 

 Et comment s’assurer que le site de dépôt ne devienne pas un autre Mare-Chicose ? « Nous sommes le meilleur marché de Maurice en matière de ‘thrift shop’. Nous sommes actifs toute l’année afin que les personnes dans le besoin puissent recevoir ce qui leur manque. Nous disposons également de comptoirs solidaires où nous mettons à disposition des objets pour que chacun puisse prendre ce qui l’intéresse gratuitement », affirme Nathalia Vadamootoo. 

De plus, « chaque semaine, nous disposons le plastique, le papier, le verre et le métal chez des structures spécialisées dans leur collecte pour un recyclage à l’étranger ».

Pourquoi, selon elle, est-il important de mener des actions écologiques ? Que risquons-nous si nous ne le faisons pas ? « Le risque est de se retrouver un jour avec un camion poubelle qui ne passe pas et des ordures qui s’entassent devant sa porte. Il ne faut pas attendre ce jour et dès aujourd’hui, réduire autant que possible la taille de sa poubelle », affirme Nathalia Vadamootoo. 

Des conseils pratiques pour que nos lecteurs puissent disposer de leurs déchets de manière responsable ? Tout d’abord, elle indique que le meilleur déchet est celui qui est évité. « Donc, n’achetez pas ce qui deviendra nécessairement un déchet rapidement. Ensuite, identifiez sur Internet les points de collecte pour différents matériaux, en particulier ceux qui se trouvent près de chez vous, et fixez un jour par mois où vous les déposerez, tels que le plastique, le papier, le verre et le métal », recommande-t-elle.

Impacts environnemental et social 

Chaque mois, 100 personnes sont sensibilisées et formées scientifiquement à la réduction des déchets solides pour la protection de l’environnement. De plus, grâce au REUSE Market et aux Pop-Up Stores, 500 kilos d’objets déjà utilisés trouvent un nouveau propriétaire chaque mois, et 100 kilos de déchets sont évités grâce aux réparations mensuelles, indique Nathalia Vadamootoo. 

Qu’en est-il de l’aspect social de cette initiative ? Elle affirme que chaque mois, 250 personnes achètent des pièces uniques de seconde main pour mieux gérer leur budget familial. De plus, 100 kilos d’objets sont distribués gratuitement dans les comptoirs solidaires tous les mois. 

Comment inciter les gens à faire le tri ? Elle estime qu’il est nécessaire de les récompenser financièrement pour les motiver, d’autant qu’ils ne sont pas responsables de la production de ces déchets. En ce qui concerne la réutilisation, Nathalia Vadamootoo considère que porter des vêtements de seconde main permet aux gens de trouver des pièces uniques de bonne qualité. « En effet, la qualité des produits change de propriétaire. Ce qui peut sembler ancien peut en réalité être plus durable que les produits neufs. Il suffit souvent d’un bon nettoyage ou d’une simple couche de peinture pour les rendre plus actuels et esthétiques », estime-t-elle.

Les défis

Quels sont les défis liés à cette action ? Plusieurs espaces non utilisés appartenant à l’État ou au secteur privé ont été identifiés, dit-elle. Cependant, malgré l’urgence de la coopération pour la protection de l’environnement, elle regrette que les propriétaires hésitent à les mettre à la disposition de la communauté. « C’est un crime de préférer laisser un bâtiment se détériorer plutôt que de permettre à la société civile organisée de mettre en place des projets et des actions pour le bien-être et le développement. Nous sommes prêts à signer un mémorandum d’entente pour que les conditions du prêt soient clairement définies et respectées », souligne Nathalia Vadamootoo. 

Pas de salaire

Nathalia Vadamootoo affirme qu’elle ne touche pas de salaire. À quoi l’argent des ventes est-il utilisé ? « Les revenus des ventes sont utilisés pour couvrir les frais de location, les services publics, les frais de transport incluant le diesel, les assurances, les taxes, l’organisation des ateliers et la publication de matériel éducatif, etc. », répond-elle. 

Mode de vie « eco-friendly » 

Pourquoi cette fibre écolo ? Nathalia Vadamootoo répond que depuis son enfance, elle a toujours eu une connexion avec la nature et qu’en grandissant, elle a pris conscience de l’enjeu de la destruction de l’environnement. 

« Grâce à mes études supérieures en sciences politiques et administratives, j’ai découvert l’importance de l’action citoyenne et collective. De ce fait, je suis toujours consciente de l’impact négatif ou positif de chacun de mes gestes quotidiens », affirme-t-elle. 

Quels sont ces gestes ? Nathalia Vadamootoo confie que tout d’abord, elle privilégie une nutrition saine et équilibrée. Elle considère que si notre corps est nourri adéquatement, notre cerveau peut mieux comprendre et analyser les enjeux écologiques, économiques et politiques. Ensuite, elle adopte une consommation responsable. « Ce que j’achète doit répondre à un besoin identifié, mesuré et évalué », précise-t-elle. 

Elle insiste également sur la qualité de ce qu’elle achète, qui répond à son estime personnelle. « Je rejette les importateurs de produits de mauvaise qualité et sur-emballés, qui pensent que les Mauriciens ne s’en rendront pas compte. »

Pour elle, tout gaspillage doit être évité, de la simple goutte d’eau qui fuit dans le lavabo aux grands bâtiments publics construits sans utilité immédiate, restant vides faute de projet, d’équipe de travail ou d’une communauté pour les animer. 

Elle partage également que ses journées ne se limitent pas à la recherche de subsistance financière. Elle croit fermement qu’il est essentiel de rendre son existence utile à l’amélioration de la vie pour tous, ainsi qu’à la réconciliation, à l’innovation et à l’entraide.

Pourquoi est-ce important ? Si ces gestes peuvent sembler complexes au début, Nathalia Vadamootoo affirme que leur application quotidienne rend la vie plus enrichissante et dynamique. « C’est ce qui permet aux gens de se sentir authentiques et accomplis sans avoir besoin d’addictions ni de dépendances. Les masques et les apparences tombent, laissant le chemin libre à la créativité, à la transformation et au développement personnel et collectif », assure-t-elle. Le choix d’un tel mode de vie, souligne Nathalia Vadamootoo, lui permet non seulement de mieux se connaître, mais aussi de mener une vie harmonieuse et équilibrée lui offrant la possibilité de donner le meilleur d’elle-même. 

Ainsi, pour cette dynamique quadragénaire, la protection de l’environnement n’est pas seulement l’affaire des autorités, mais de tous. « Je pense que les foyers mauriciens doivent adopter des gestes écologiques. Cependant, il ne faut pas oublier qu’ils ne sont pas les principaux responsables de la pollution ni de la surproduction de déchets solides. »

Elle estime, de ce fait, que le gouvernement doit clairement identifier les responsables de chaque phénomène négatif, quelle que soit la puissance du lobby à l’œuvre. Elle montre notamment du doigt les hôtels qui détruisent les coraux pour rendre une plage plus esthétique. Dans sa liste, on trouve également les propriétaires de terres agricoles plantées avec des cannes qui en bloquent l’accès au profit de la spéculation foncière, privant ainsi les Mauriciens d’un accès à un logement décent et à des terres agricoles pour assurer leur sécurité alimentaire. 

Nathalia Vadamootoo mentionne aussi les compagnies textiles qui déversent des produits chimiques dans les rivières, et les compagnies de boissons gazeuses vendues en bouteilles plastiques qui refusent d’utiliser uniquement des bouteilles en verre. Elle dénonce, de plus, les importateurs qui inondent le pays de plastique et de produits de mauvaise qualité. Il est « scandaleux », regrette-t-elle, que les autorités considèrent cela comme étant « normal », voire un signe de progrès. Elle en est convaincue : la responsabilité de la protection de l’environnement incombe d’abord au secteur privé, puis au secteur public, et enfin aux citoyens.

 

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