Législatives 2019

Campagne virulente entre adversaires : quand les réseaux sociaux sont pollués d’attaques

Fake news, manipulation d’informations, désinformations, allégations de censure sur les réseaux sociaux. La campagne 2.0 est bien partie pour déraper. L’utilisation des réseaux sociaux lors de la campagne électorale, par les candidats, les agents ou le citoyen lambda, sans oublier les groupes de presse qui ont affichés leurs couleurs gravitent autour d’une certaine stratégie : diviser pour mieux régner. Mais la campagne d’information sur Internet peut, en parallèle, tourner autour d’une désinformation, afin de ternir l’image de ses rivaux. La police prévient que tout profil manipulé, circulation de photomontages et autres vidéos compromettants sont condamnables par la loi et les contrevenants risquent l’emprisonnement.

Publicité

Les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter…) sont couramment utilisés par les politiciens en cette période de campagne électorale, en marge des scrutins du 7 novembre prochain. Ces derniers privilégient cette plateforme 2.0 pour véhiculer leurs informations au public. Cela a, pour rappel, été le cas lors de la campagne de 2014. Des photomontages, bandes sonores, vidéos et autres fake profiles, dans le but de nuire aux adversaires politiques pullulent sur les réseaux sociaux. 

Dans un communiqué émis vendredi après-midi, Xavier-Luc Duval, le leader de l’opposition sortant, faisait ressortir que son compte Facebook a été piraté. Selon le leader du PMSD, « 47 nouveaux fake profiles » auraient ensuite été créés. Il a appelé à la « vigilance » et a souligné que « nous sommes face à des gens sans scrupules, dangereux et capables de tout… ». Dans le courant de la semaine, la supposée boîte de réception de messages Facebook de la ministre sortante de l’Éducation Leela Devi Dookhun-Luchoomun, circulait sur la Toile. Un internaute avait posté un message portant sur les examens du SC et du HSC qui seront en cours durant la campagne électorale.

Les partis politiques dénoncent 

Les différents partis politique en lice pour ces élections générales du 7 novembre 2019 dénoncent chacun les nombreux cas de faux profils, de sites d’informations, des vidéo et photomontages postés sur les réseaux sociaux. 

Patrick Assirvaden du Parti Travailliste (PTr) voit rouge. « Ou pou trouve ki kalite travay malprop pou deroule dan sa eleksion la. Ena ban lekip ki inn vini depi dehor pou fer ban video e fotomontaz ki fos net pou vinn zet labou lor ban adverser. Nou pena sa kalite moyen la pou fer sa ban Fake news la, ouswa pou sensire », explique le président du PTr. Il est cependant d’avis que ce n’est pas cela qui intéresse la population. « Au niveau du PTr, nous allons dénoncer cela. Utiliser un langage de vérité et de dénonciation, c’est le seul moyen que nous avons pour contrecarrer la manipulation d’information. C’est un travail de lâche, car ils ne savent pas comment défendre leur bilan. Ils préfèrent se cacher derrière de faux profils ».

Pour le PMSD, Yannick Cornet, porte-parole de la campagne des bleus est du même avis. « On essaie de monter l’opinion public contre l’opposition. Cela ne fonctionnera pas, nous allons nous battre contre vents et marées pour sauver la population. » Yannick Cornet pointe d’abord du doigt les faux sites d’informations, qui font les éloges du gouvernement sortant. « Zordi pli grav. Ena 47 fo profil pou Xavier-Luc Duval lor Facebook. Ena proprieter lagazet anlign kinn fer enn aplikasion pou MSM. Mo demann mwa si sa li normal ? » Il explique aussi que le PMSD lance un appel pour qu’on vérifie bien les sources d’informations et qu’on soit bien avisé avant de croire tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux.

Pour le MMM. Paul Bérenger a mis en garde Mauritius Telecom et les éléments de Safe City de la police, afin qu’ils ne prennent pas n’importe quel ordre de « lakwizinn ». Il a aussi souligné qu’il fallait mettre un frein à la « censure déguisée » sur les réseaux sociaux. Au niveau des dirigeants du MMM, on lance le même appel. Ne pas croire tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux ou même dans certains médias.

Pravind Jugnauth dément 

Le Premier ministre sortant est revenu sur les allégations au sujet des censures, de comptes Facebook bannis, entre autres. « Nous n’avons aucun lien avec cela. Nou pa pe blok oken kont facebook. Nou pas anpes person koze. Selman ena ban limit, ena ban lalwa, dan tou seki ou dir bizin asim enn par responsabilite. Pa kapav zis vinn zet labou lor dimoun », explique Pravind Jugnauth.

Ken Arian, conseiller au Bureau du Premier ministre : «C’est une campagne pour nuire à la réputation des gens»

Réagissant à une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux, Ken Arian, conseiller au Bureau du Premier ministre, a été sans équivoque : « C’est une campagne qui est truffée de faussetés. Il y a des informations erronées et des amalgames qui ont été faits pour nuire à la réputation d’une famille », soutient-il. 

Selon lui, le groupe de presse qui a publié cette vidéo a même voulu faire croire qu’il y a eu censure d’une quelconque autorité mauricienne. « Si cela été avéré, comment se fait-il que la vidéo soit disponible sur YouTube et qu’un autre groupe de presse a pu le publier sur son site ? » s’interroge notre interlocuteur. Pour lui, il s’agit de la politique de bas étage. « On n’a plus affaire à des journalistes dans cette rédaction, mais à des agents politiques », dit-il.

Plus de 300 faux profils Facebook créés

Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, le dimanche 6 octobre dernier, plus de 300 faux profils Facebook ont été créés. La Cyber Crime Unit de la police accentue ses patrouilles en lignes afin d’éviter tout dérapage sur la Toile à l’approche des élections générales. Des actions immédiates seront prises afin d’enlever les publications à caractères diffamatoires pouvant mener à la haine raciale, ou même à des propos pouvant perturber l’ordre public. « Un signal fort doit être envoyé aux personnes qui commettent ce type de délit ». Propos de Me Nawaz Dookhee. Selon lui, en dépit du fait que l’ICTA Act a été amendée pour être plus sévère, cela n’a pas découragé certains, qui font circuler de fausses informations. « Il n’y a pas eu de test case depuis l’amendement de la loi », dit-il.

L’homme de loi est d’avis que tous les moyens sont bons pour véhiculer des fake news et faire passer des messages pour atteindre certaines personnes. « Sous le couvert de l’anonymat, les pirates profitent de la situation pour faire passer des messages désobligeants, indécents et même à caractère communal. Mais ce qu’ils ne réalisent pas, c’est que chaque ordinateur a un code unique et qu’il est possible de retracer l’origine du message, même si cela peut prendre un peu de temps. Entretemps, la balle est déjà partie et a eu le temps de toucher sa/ses cible/s, en attendant que les sanctions puissent être prises », souligne Me Nawaz Dookhee.

L’avocat ajoute ensuite que, malgré les ravages que peuvent causer ces Fake news, il n’est pas question de museler les réseaux sociaux, car ce serait aller à l’encontre des droits fondamentaux des citoyens et d’une société. On ne peut, à cause de cela, précise-t-il, s’attaquer à la démocratie du pays. Selon ce dernier, agir de la sorte témoigne d’un « manque d’éducation », mais il y a aussi des « vested interests ». « Il est grand temps d’envoyer un signal fort et des sanctions doivent être prises pour mettre fin à ce genre de pratique », martèle l’ancien consultant juridique de l’IBA et ancien directeur légale de l’ICTA.


La circulation d’une image, montée ou pas, constitue un délit très grave

Des hauts gradés du Central Criminal Investigation Department (CCID) et ceux de la Cybercrime Unit de la police avancent que la loi est très sévère concernant la manipulation des profils facebook, la divulgation de fausses nouvelles, ou encore la circulation des fausses images en public. Ces derniers, sous le couvert de l’anonymat, disent redouter davantage de faux profils durant cette campagne électorale.

Selon une source de la Cybercrime Unit, le piratage d’un profil Facebook constitue un délit très grave sous la section 46 de l’Information and Communication Technologies Act. Les contrevenants risquent une amende maximale de Rs 1 million et 10 ans d’emprisonnement. 


François Mark, développeur multimédia : «Des sanctions sévères prévues à l’encontre des pirates informatiques»

Les professionnels en informatique gagneraient plus à dépenser leur énergie dans des pratiques saines que de semer des « fake news ». C’est ce que soutient François Mark, développeur multimédia. Pour lui, ce sont des inconscients qui pervertissent l’outil informatique pour leur sale besogne. « Les pirates informatiques ne devraient pas se considérer à l’abri derrière leur écran. C’est possible de les retracer et ils risquent de lourdes sanctions, qui sont prévues dans la loi », prévient-il. Notre interlocuteur recommande de rapporter immédiatement le piratage de son compte soit au National Computer Board, soit à la Cyber Crime Unit de la police. Mais en attendant, il est possible de changer immédiatement son mot de passe ou de bloquer son compte. 

Afin de diminuer le risque d’être piraté, François Mark recommande d’activer l’authentification à deux facteurs que propose le réseau social Facebook, par exemple. Ce qui permet à l’utilisateur authentique d’être averti si son compte a été ouvert par quelqu’un d’autre et ainsi avoir un meilleur contrôle de sa page. 

Afin de pouvoir discerner entre un faux profil et un vrai, il suffit de copier la photo, la télécharger dans un moteur de recherche de photo. Il ajoute qu’il n’est pas recommandé d’accepter l’invitation d’ami d’une personne qui figure déjà dans sa liste sans une vérification de son authenticité au préalable. 


Yvan Martial, ancien journaliste et observateur politique : «Face aux ‘Fake news’, il est préférable de se tourner vers la presse écrite»

L’ancien journaliste et observateur politique, Yvan martial est catégorique. Les Fake news sont monnaie courante, car il y a des personnes disposées à les croire et à les transmettre. Dans ce cas, ce n’est pas étonnant que certains partis se sont tournés vers cette pratique. Il est ainsi préférable de se tourner vers la presse imprimée, mais pas n’importe lequel. « Si j’achète Le Dimanche/L’Hebdo, je suis sûr que j’obtiendrai de vraies nouvelles qui ont été vérifiés au préalable. De cette manière, on évite de voir des vidéos ou des photos montées. Ou de fausses nouvelles publiées par des sites en ligne qui disparaitront après les élections », explique Yvan Martial.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !