Catastrophes naturelles : Berguitta pousse à la réflexion

Maisons inondées, risques de glissement de terrain, centres de refuge surpeuplés… La forte tempête tropicale Berguitta a certes laissé des séquelles, mais il y a de nombreuses leçons à en tirer. Quelles mesures correctives prendre après le passage de Berguitta ? Des experts livrent leur avis.

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Les récents événements survenus avec le passage de Berguitta ont permis de mettre en exergue plusieurs failles de notre système quand on parle de catastrophes naturelles. Le nombre de sinistrés qui se sont rendus dans les centres de refuge a atteint les 3 000 à un certain moment. Ce qui a compliqué la situation dans quelques centres.

Une planification faite en amont pourrait aider, indique Manisha Dookoonee de la Mauritius Society Renewal. Elle estime qu’une pré-identification des victimes est prioritaire afin de ne pas pénaliser ces dernières. Une tâche qui, selon elle, peut être accompli par les organisations bénévoles qui sont les plus aptes à connaître les personnes qui sont réellement en détresse. « Bon nombre d’organisations non gouvernementales travaillent avec des personnes vulnérables. Elles peuvent faire une liste. Mais cela ne peut se faire sans une bonne planification. »

Pour Manisha Dookoonee, Maurice ne devrait pas se comparer aux pays africains. Elle ajoute que le pays devrait mettre sur pied un système dans lequel la responsabilité d’un certain nombre de familles d’une région spécifique serait confiée à une personne.

L’aide logistique des associations socioculturelles peut également être bénéfique, selon Manisha Dookonee. « Ces associations possèdent des lieux pourvus de facilités. Les temples, mosquées et églises sont proches des habitations. C’est plus facile d’y accéder. »

Navin Mahadoo, représentant de La Croix Rouge, est d’avis qu’il faudrait identifier les lieux pouvant abriter les sinistrés en cas de force majeure. Une bonne communication entre les acteurs concernés est donc de mise. « Nous devons mener des actions immédiates mais aussi à moyen et long termes », souligne-t-il.

Une liste de partenaires

Geerish Bucktowonsing, ancien président du MACOSS, invite, lui, les différents secteurs à se pencher sur la question des catastrophes naturelles et à penser aux moyens qui peuvent être déployés pour venir en aide aux personnes en difficulté. « Il faut qu’on ait une liste de tous ceux qui peuvent aider en cas de détresse afin de savoir à quelle porte frapper en situation d’urgence », suggère-t-il.

Quid du fonds de soutien mis sur pied pour aider les sinistrés ? Geerish Bucktowonsing estime qu’il ne résoud en aucun cas les problèmes liés aux catastrophes naturelles, car il ne fait que mitiger les effets : « Il appartient à nos décideurs politiques d’ajouter cet objectif dans leur liste face aux défis qui nous guettent. »

Pour l’océanographe Vassen Kauppaymuthoo, le passage de Berguitta prouve que le land drainage est un réel problème à Maurice. Raison pour laquelle il est convaincu qu’il faut « faire de l’évacuation de l’eau de pluie une priorité ». Les récentes inondations prouvent, selon lui, que l’accent n’a pas été suffisamment mis sur les endroits à risques. Il précise que les villes sont dépourvues de drains. Ce qui fait que l’eau de pluie ne peut être canalisée comme il faut.

Il est d’avis qu’il est temps de revoir la méthode de calcul des dimensions des drains. Il ajoute que la pluviosité est un facteur dont il faut tenir compte au moment de construire des drains. « Un cyclone, ce n’est pas uniquement du vent. C’est aussi beaucoup de pluie. Il faut par conséquent des drains plus larges », conclut l’océanographe.


Dharmen Elayya : «Trois régions sous constante surveillance»

Trois régions sont menacées par des glissements de terrain, selon Dharmen Elayya du National Disaster Risk Reduction and Management Centre. Il s’agit de Chitrakoot à Vallée-des-Prêtres, de Vallée-Pitot et de Quatre-Sœurs. Ces régions nécessitent un monitoring constant. « Il y a un protocole à suivre. Avant tout, il y a l’étape de l’alerte. À ce stade, la police se rend sur place pour avertir les habitants de ces régions à risques. Ils sont préparés à évacuer les lieux à tout moment. Une fois que la pluviométrie enregistrée est de 100 mm en 24 heures, nous déclenchons l’évacuation. La police et la Special Mobile Force procèdent à l’évacuation des familles. »

Prem Goolaub, directeur p.i. de la station météo : «L’humidité excessive a changé la nature des averses»

Flash floods, inondations, glissements de terrain… Le pays est sur le qui-vive à chaque averse. Une nouveauté pour beaucoup de Mauriciens qui disent ne pas avoir connu de telles calamités dans le passé. Le 30 mars 2013 a été une première pour beaucoup d’entre eux. Onze personnes ont perdu la vie ce jour-là à cause d’une soudaine montée des eaux.

Berguitta n’a pas manqué de réveiller de douloureux souvenirs. D’autant que Maurice n’a pas connu de cyclone depuis quelques années déjà. Selon Prem Goolaub, directeur par intérim de la station météorologique de Vacoas, Maurice n’a pas véritablement connu de cyclone depuis le passage de Dina en 2002. Il y a certes eu des cyclones mais ils n’étaient pas de la même intensité. « Pour ce qui est des inondations, les Mauriciens se souviennent de celles de 2008 mais avant cela, nous avons eu des inondations localisées. Ce qui se passe maintenant c’est que nous avons des accumulations d’eau provoquées par une grande quantité de pluie dans un petit laps de temps. C’est un phénomène qui risque de perdurer. »

Qu’est-ce qui provoque cette situation ? L’environnement physique de Maurice qui a changé y est pour beaucoup, mais le plus grand problème reste le réchauffement climatique. « Maurice a beaucoup changé depuis les années 80. Il y a eu de nombreux développements. Mais le problème fondamental reste le réchauffement climatique. L’humidité excessive dans l’atmosphère a changé la nature des averses. Nous avons beaucoup plus de pluie dans un petit laps de temps. »

Selon Prem Goolaup, une pluie torrentielle est définie par une pluviosité de 100 mm enregistrée en 12 heures. Un avis de pluies torrentielles est émis à partir de ce seuil. Sommes-nous assez préparés à anticiper ce genre d’averses ? En tout cas, selon Prem Goolaub, un radar en provenance du Japon, plus performante que ce que nous avons déjà à la station météorologique, sera opérationnel en septembre de cette année.


Affaire des biscuits

« Ziska lafin siklonn pou bizin manz biskwi bwar delo. » Ces propos d’Étienne Sinatambou ont marqué les esprits. C’était lors d’une conférence de presse dans l’après-midi du mercredi 17 janvier. Pour le ministre de l’Environnement, cette mesure qui concerne les sinistrés est préconisée par un protocole international. Cette déclaration a immédiatement provoqué des remous.

Pour Navin Mahadoo, responsable de la gestion des catastrophes au sein de La Croix Rouge et membre du National Disaster Committee, les protocoles internationaux ne font pas mention de biscuits et d’eau uniquement. Les réfugiés, selon lui, ont droit à un repas décent. « Les sinistrés ont droit à des aliments de base. Soit une nourriture conforme aux normes pour éviter les épidémies et des cas d’empoisonnement. » Il est d’avis que Maurice doit réadapter les protocoles internationaux au contexte mauricien tout en améliorant les normes. Manisha Dookonee rappelle que les protocoles internationaux préconisent 2 100 kilocalories par jour et que les sinistrés ne peuvent donc pas consommer uniquement des biscuits et de l’eau.

Khemraj Servansing :  «Maurice parmi les 13 pays les plus à risque»

Le World Risk Report des Nations unies classe Maurice parmi les 13 pays les plus à risques aux aléas naturels. C’est ce que fait ressortir le commandant Khemraj Servansing qui est aussi Officer-in-Charge du National Disaster Risk Reduction and Management Centre.

Ce sont les récents événements liés au temps qui ont précipité la mise sur pied de cet organisme. « Le centre est composé d’officiels de différents ministères, comme celui de l’Environnement, ou encore de la police, entre autres. Nous comptons 27 membres du personnel. Nous sommes régis par un conseil présidé par le ministre de l’Environnement Étienne Sinatambou et composé d’officiels de plusieurs ministères, de la police, de Business Mauritius et de la Chambre de commerce de Maurice, entre autres. Nous nous rencontrons une fois par mois pour prendre des décisions et faire des recommandations. La NDRM Act de 2016 fait état des rôles et des responsabilités du centre. »

Khemraj Servansing explique que pour permettre une surveillance accrue, un Local Disaster Risk Reduction and Management Committee a été mis sur pied dans les mairies et les conseils de district. Selon ce dernier, en cas de désastre imminent, le National Emergency Operations Command est activé. « Ce protocole n’a pas été inventé au petit bonheur. Nous avons été en Floride pour voir comment ce pays fonctionne. À la Réunion aussi. Nous avons alors élaboré un modèle mauricien qui est multi-agency, composé de trois niveaux qui sont déclenchés, dépendant de la situation. »

 

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