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Centenaire de la naissance de Guy Rozemont (1915-2015)

«Pas de religion, pas de communalisme, pas de statut social dans la lutte du travail contre le capital ». L’homme politique et syndicaliste chevronné des années 1940 -50 qu’aura été Jos Guy Rozemont a placé ces mots en exergue de son action politique. Il est un homme d’une rare loyauté sur la scène syndicale et politique dont la vie n’a pas été un long fleuve tranquille. Il est né du peuple. De par son cheminement exemplaire reposant sur une droiture et une philosophie d’abnégation, il a lutté pour le bien-être de ses concitoyens dont les conditions de travail laissaient à désirer. Ainsi, de simple citoyen, Guy Rozemont devient tribun. Maurice Curé et Emmanuel Anquetil en savent quelque chose. D’ailleurs, ils lui accordent leur estime, voire leur confiance. Les insuffisances sociales que ces derniers ont découvertes chez les travailleurs deviendront très vite son souci. Qui plus est, ces deux hommes forts de l’époque lui confient la mission de les transformer selon la norme de la dignité humaine.
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/div> Fait pour le parti travailliste, Guy Rozemont deviendra son président. Homme du peuple, il deviendra tribun par la suite. Toute la pensée politique de Guy Rozemont est fécondée par ce double rêve. Ses convictions politiques, sa foi inébranlable dans la justice, son indéfectible attachement à ce socialisme marquent son combat. Il sent beaucoup plus les ivresses qu’il n’en connaît les subtilités. Tout cela contribue à sa grandeur, peu commune. Loin d’être un opportuniste, ce tribun est façonné par le destin. Aidé par deux autres tribuns, au dessein désintéressé, il lutte à sa façon pour une cause juste et noble : l’instauration d’un socialisme à visage humain et l’émancipation des travailleurs. Une lutte qui vise à donner aux travailleurs dignité et respect. Comme Raoul Rivet, c’est au faubourg de l’ouest à Port-Louis, plus précisément au 44 rue Souillac, que vient au monde Marie Joseph Guy Rozemont. Son père Joseph Alexis Anatole Rozemont, employé à la Maison Ireland Fraser, épouse le 14 mai 1910, Joséphine Marthe Danré. De cette union, cinq ans après, naît leur premier enfant, celui qu’on appellera affectueusement plus tard Jos Guy Rozemont. La famille décide de quitter la capitale pour s’installer à Beau-Bassin. Après ses études primaires, Guy Rozemont poursuit ses études secondaires au collège Royal de Curepipe. Mais il n’y passera que quelques mois. Son père le fait transférer au collège St-Joseph où son frère Philippe fait déjà ses classes. à l’âge de 16 ans, il obtient le Junior Cambridge Certificate. Son vœu est de réussir à décrocher le Senior. Le 24 janvier 1931, un malheur frappe la famille: après une brève maladie, son père pousse son dernier soupir. La famille qui est allée habiter à Curepipe entre-temps retourne à Beau-Bassin où la misère s’installe au foyer. Guy Rozemont, voulant continuer ses études, se fait admettre dans un collège privé de Rose-Hill. Il y travaille en même temps comme instituteur surnuméraire. Mais cela sera de courte durée. Mme Rozemont sollicite l’aide de l’Assistance publique, qui offre à son fils ainé un emploi de laboureur à la construction du moulin à maïs de Richelieu tandis que Philippe prend de l’emploi comme apprenti mécanicien à Highlands. Guy Rozemont s’acquitte de sa tâche avec honneur afin de faire vivre sa mère et sa sœur. Mais il n’y demeure pas longtemps.

Mousse

Bientôt, sa candidature est retenue pour travailler comme mousse à bord d’un des derniers bateaux sillonnant l’océan Indien. Il fait souvent le voyage des îles. Cependant, il ne restera pas matelot pour longtemps. Cela laisse supposer que le destin a choisi pour cet homme une mission avant-gardiste : il est mis à l’épreuve dans toutes les écoles de la peine et du labeur. Il retourne à ses livres. Le voici à 18 ans, recruté comme enseignant dans une petite école de Quatre-Bornes, que dirige M. Maurice Félix. Deux ans plus tard, il accepte un emploi chez MM. Desvaux, chargés d’exploiter une propriété à Case Noyale. Rozemont habite les lieux et est affecté à la comptabilité. Plusieurs fois durant son service, il tombe malade. Le climat ne convenant pas à sa constitution, elle-même quelque peu fragilisée. Guy est en quelque sorte exposé à la maladie. Donc étant gravement atteint, on décide de le transporter chez sa mère, habitant rue Sir Virgil Naz à Rose-Hill. Sa convalescence se révèle pénible. Il lui est impossible de retourner à Rivière-Noire. Il est un jeune homme de 20 ans, mais sans emploi. Reprenant ses forces et ne baissant pas les bras devant l’adversité, Guy décide avec son frère Philippe de trouver du travail pendant la coupe. Ils arrivent ainsi à se faire embaucher comme chargeurs de wagons sur l’établissement de St-Pierre. La coupe terminée, les deux frères sont renvoyés. Guy reprend alors le chemin de la mer et des îles. Il entre à la compagnie Raphaël Fishing et y restera jusqu’à 1938, année où il décide de ne pas renouveler son contrat. Il fait par la suite une demande d’emploi, comme inspecteur de l’assistance publique, mais en vain. L’étape suivante, il porte son choix sur la force policière. Il passe brillamment les épreuves préliminaires. Mais le destin en a décidé autrement. Dans l’attente d’être enrôlé comme policier, il est victime d’un accident de la route au début de 1939. L’autobus à bord duquel il voyage pour Port-Louis, avec son bras droit reposant sur le rebord d’une des fenêtres du véhicule est pris en écharpe par un autre autobus roulant en sens inverse. Guy a donc le bras broyé. Il subit une intervention chirurgicale qui lui permettra de faire ultérieurement usage de sa main pour la signature et la rédaction des textes toujours très courts. Ainsi à 24 ans, il voit disparaître ses chances de devenir policier. Le destin encore une fois se charge du reste. Et en 1936, entre en scène un homme qui au fil des années, va marquer la vie politique et sociale de l’Ile Maurice. Pourtant essuyant un revers aux élections législatives de 1936, Dr Maurice Curé – c’est bien lui – qui met sur pied le Parti travailliste. Les premiers animateurs en sont le Dr A.G. Jeetoo, vice-président, MM. Samuel Barbé, secrétaire, F. Moses, assistant-secrétaire,  F. Courtois, Marcel Geneviève, Marcelin Savrimootoo, Me. Barthelemy Ohsan, Ismaël Assenjee et le Pandit Sahadeo. La création du parti est rendue officielle à un meeting public tenu au Champ-de-Mars le 8 février 1936.

Témoin

Guy Rozemont, bénéficiant de certaines circonstances, parvient à se rapprocher de Maurice Curé. Le 28 janvier 1940, un programme de séga, organisé par le Bureau du Travail est diffusé à l’intention des auditeurs de la radio, opérée sous la dénomination de ‘The Universal Sound Equipment Ltd’, et ayant pour propriétaire-directeur Charles Jollivet. Au cours de l’émission, quelqu’un parodie un séga à la mode dans lequel il allègue que le Dr Curé s’est illégalement approprié les fonds d’une société de bienfaisance. Marcel Cabon, qui est au micro, interrompt l’émission. Pour cette intervention, il obtiendra les félicitations du juge plus tard. Dr Maurice Curé, n’étant pas à l’écoute du texte incriminé, n’en est informé que le lendemain. Il décide d’en appeler à la justice afin d’intenter un procès en dommages et intérêts. Il se trouve que personne n’ose se présenter pour être témoin dans cette affaire.  Le Dr. Curé, découragé, est sur le point de ne pas donner suite à cette affaire quand, un matin, un jeune homme se présente, déclarant qu’il est prêt a témoigner de l’authenticité de l’injure radiodiffusée. Ce jeune homme n’est nul autre que Guy Rozemont.

Quasi ruiné

Pour les besoins des procédures, il jure un affidavit attestant qu’il a entendu l’injure radiodiffusée. Dr Curé intente ainsi un procès en dommages-intérêts à Radio Maurice et réclame Rs15 000. Il se fait représenter par Me Jules Koënig, avocat et Jérôme Tranquille, avoué. La cour condamne les défendeurs à payer Rs 500 de dommages. Le Dr Curé, ayant pensé à faire appel de ce jugement, abandonne bientôt l’idée. Désabusé et découragé, quasi ruiné, le Dr Curé décide en 1941 de démissionner comme président du Parti travailliste. Il désigne Emmanuel Anquetil comme son successeur. Guy Rozemont entre, ainsi, dans l’histoire de par sa rencontre avec Curé. La carrière du jeune homme prend une autre dimension. Infirme, inconnu, amer sans aucun doute, Rozemont décide de rester aux cotés d’Anquetil. Ce dernier le prend en amitié. En 1940, il devient le collaborateur bénévole du Peuple Mauricien, un journal fondé par le Dr  Maurice Curé. Il embauche Marcel Geneviève comme premier rédacteur en chef du journal. Plus tard, Anquetil lui succède. Rozemont s’essaye aussi à la typographie, aide à la correction des épreuves et à la rédaction d’articles. Hélas, cela ne durera pas longtemps. Quand le Peuple Mauricien ferme ses portes, Anquetil et Rozemont s’installent dans une mansarde à la rue Rémy Ollier, à Port Louis. Elle devient le premier siège social du Parti travailliste. Maurice Curé leur rend souvent visite, partageant leurs modestes repas de pain et de gâteaux-piments, suivis d’une tasse de thé. Rozemont observe beaucoup et se plait en leur compagnie. Le 23 mars 1956, Guy Rozemont rendra le dernier soupir à l’hôpital Victoria. L’absoute est donnée en l’église du Sacré cœur à Beau-Bassin. Des milliers de personnes convergent à St-Jean auprès de sa femme. Le lendemain de son décès, deux journaux qui n’étaient pas de son bord politique lui rendaient un vibrant hommage en ces termes: Le Cernéen: « En Rozemont disparait l’une des figures les pittoresques de notre histoire politique. Son intelligence, la sincérité qu’il mettait à exprimer ou à défendre ses convictions ainsi que son remarquable talent d’orateur l’avaient hissé au pinacle de la politique travailliste locale […] En lui, les classes laborieuses du pays ont perdu un ami sincère ». Le Mauricien: « Il était doué d’une éloquence qui exerçait une action puissante sur la masse. Jeune et vigoureux, Guy Rozemont paraissait destiné à une magnifique carrière politique. Il était absolument sincère dans ses convictions et jamais aucun homme public à Maurice n’avait été aussi intiment associé à la vie des humbles et des petits...».
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