Société

Ces Mauriciens qui touchent un salaire de misère

Le travail décent : une utopie. Taux de chômage élevé, perte d’emploi et entreprises à la recherche de main-d’œuvre bon marché. Les syndicats livrent un combat acharné depuis des années dans l’espoir d’une réforme. Alors que Maurice veut se mettre au « smart », qu’en est-il des «délaissés» touchant un maigre salaire? Près de 500 salariés sont récemment descendus dans la rue. Leur revendication : un travail décent pour tous. Le travail décent pour un employé est avant tout savoir exercer dans la dignité un travail productif permettant de bien vivre.  De nos jours, nombreux sont ceux qui subissent et restent dans leur emploi par obligation, malgré les mauvaises conditions. «Pour qu’un travail soit décent, les travailleurs doivent pouvoir exprimer leurs préoccupations et mesurer l’importance de se syndiquer», explique Jane Ragoo, syndicaliste. Le ‘National Remuneration Board’ a ramené les salaires du privé au seuil de Rs 6 500. En 2014, 60 000 employés du secteur privé touchaient un salaire de base de moins de Rs 5 000 par mois, dont 70% d’entre eux sont des femmes. Ce sont les secteurs agricole, manufacturier et vente qui sont les plus touchés. Selon les rapports du ‘International Labour Office’, les employés de maison en font partie. Jane Ragoo tire la sonnette d’alarme.  « Il faudrait que ce gouvernement respecte son programme électoral. Le ‘Sustainable Development Goal’, fixé pour 2030, vise 17 objectifs dont l’instauration du travail décent. Le gouvernement atteindra-t-il cet objectif? Qu’en est-il de ces 500 femmes qui touchent un salaire de misère et travaillent comme ‘cleaners’ dans les écoles primaires et secondaires du gouvernement ? » Les syndicats restent dubitatifs quant à la création du National Wage Consultative Council prévu d’ici à la fin de l’année. Ce conseil s’occupera du salaire minimal, des exemptions et des compensations salariales. Il se penchera également sur les conditions de travail des employés de différents secteurs.
 

La CTSP milite pour un travail décent

  Dans le cadre de la Journée mondiale pour le travail décent, la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP) a tenu au début d’octobre, un forum-débat. Y ont pris la parole, l‘avocat Dev Ramano, Sheila Bunwaree, Vasant Bunwaree et Reeaz Chuttoo. Me Dev Ramano, le premier à intervenir, a fait ressortir qu’un travail décent, c’est un travail qui respecte les droits des travailleurs. « C’est le devoir des représentants syndicaux de faire valoir ces droits », explique-t-il. « Un emploi décent, c’est un emploi productif  où les travailleurs ont des droits et où il y a une protection sociale et un dialogue social ». Pour lui,  il y a beaucoup de discours et peu d’actions concrètes. Il a aussi expliqué en détail les changements apportés à la législation, notamment le passage entre la Labour Act et l’Employment Right’s Act. « Il y a une régression des lois en ce qui concerne les licenciements et un assouplissement de la loi en faveur du patronat ». Le syndicaliste Reeaz Chuttoo a émis quelques critiques au sujet de l’Employment Rights Act. Il a lancé un appel aux représentants des travailleurs présents pour qu’ils se mobilisent en faveur d’un travail décent. L’ex-ministre du Travail, Vasant Bunwaree, a fait ressortir que quand il était ministre, les mêmes critiques étaient formulées, mais maintenant elles sont devenues acerbes en raison de l’assouplissement des lois du travail. Sheila Bunwaree s’est, de son côté, attardée sur la question du chômage, et les promesses du nouveau gouvernement de créer des emplois à travers les Smart Cities et le Real Estate.
 

Jane Ragoo, syndicaliste de la CTSP: « Une loi scélérate »

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/div> Le nouveau gouvernement prévoit la construction de Smart Cities qui permettra la création d’emplois. Qu’en pensez-vous ? Je pense que c’est une farce.  Quel genre d’emplois vont-ils créer? Je suis sceptique, je pense que c’est une façon déguisée de vendre notre terre à des étrangers. 75% des terres de ces smarts cities sont réservées à des étrangers et 25% aux Mauriciens.  Les femmes de ménage y seront exploitées à outrance et toucheront moins de Rs 6 000.  Est-ce cela  un ‘High Income Country’ ? Quelle serait donc la solution ? Plus de transparence au sujet des Smart Cities. Le Parlement populaire a déjà interpellé le gouvernement à ce sujet. Nous sommes les citoyens de ce pays et nous avons notre mot à dire.  Donc il faudrait un échange urgent. Les employeurs préfèrent rechercher la main-d’œuvre étrangère, qu’en est-il des 50 000 chômeurs ? Avec la bénédiction de l’Etat, il est permis de recruter des travailleurs étrangers dans l’hôtellerie, la zone franche et le ‘sea food hub’.  Comme les Mauriciens refusent de travailler pour des salaires de moins de Rs 5 000 et accomplir 55 heures de travail, les patrons en profitent pour demander encore plus de travailleurs étrangers.  Actuellement, on compte 35 000 travailleurs étrangers à Maurice alors que le nombre de chômeurs s’élève à 50 000 au moins. Plusieurs problèmes surgissent au niveau des Employment Relations Act et de l’Employment Rights Act, quelles sont les lois qui devraient être revues, selon vous ? C’est principalement l’Employment Rights Act qui devrait être revue.  C’est une loi scélérate qui protège les employeurs.  La loi permet le ‘hire and fire’. Le patron a le pou-voir de licencier sans payer de compensation, même si vous en avez droit.
 

Témoignages

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Anita, 42 ans, machiniste: « Kouma gayn kas la, li fini »

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Cecile, 51 ans, caretaker: « Je travaille aussi comme bonne... »

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Sameeya, 37 ans, employée du seafood hub: « De Rs 2 000 à Rs 4 800, en huit ans »

«J’ai commencé il y a huit ans avec Rs 2000 et aujourd’hui je reçois un salaire de Rs 4800. Je suis mariée et j’ai deux enfants. Ce salaire de misère ne me suffit pas, après avoir payé les dettes à gauche, à droite. Après avoir acheté les provisions, je suis obligée de faire du repassage les week-ends pour payer les leçons de mes enfants. Mon mari aussi travaillait dans cette usine, mais il a pu trouver du travail ailleurs» [row custom_class=""][/row]

Sanjeeta, cleaner: « Comment vivre avec Rs 2 200 par mois ? »

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