Changement climatique : le pire reste à venir

Inondations, glissement de terrain, érosion, montée des eaux, blanchiment des coraux... Autant de phénomènes qui affectent le pays et qui sont dûs au changement climatique. Mais le pire reste à venir pour Maurice, affirment les experts.

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« 56 % des problèmes liés au changement climatique sont les inondations. » C'est ce qu'affirme Vassen Kaupaymuthoo, ingénieur en environnement. Selon lui, les catastrophes seront plus fréquentes à l'avenir. En attendant, le pays subit les caprices de Dame Nature.

Inondations, érosion côtière, vagues de chaleur, montée du niveau de la mer, blanchiment des coraux, des espèces animales en voie de disparition, entre autres. Autant d'effets sur notre écosystème et, par conséquence, la population. Le climat et l'agriculture étant étroitement liés, la production légumière est elle aussi grandement affectée.

Sok Appadu
Sok Appadu indique qu'il voit une différence au niveau du climat par rapport à 30 ans de cela. 

« Ce n'est que le début », prévient Subiraj Sok Appadu, ancien directeur de la station météorologique de Vacoas. L'atmosphère se réchauffe depuis ces 30 dernières années et crée un déséquilibre dans les régions tropicales, explique-t-il. L'humidité accrue et la condensation provoquent plus d'averses et de tempêtes. « Nous avons des relevés de ces derniers 30 ans et le changement est déjà perceptible », explique Subiraj Sok Appadu. Les pluies abondantes provoquent des accumulations d'eau et la saturation du sol, ce qui cause des inondations subites, comme cela a été le cas en 2008, 2013 et cette année.
Le réchauffement de l'atmosphère favorise également la formation de tempêtes de plus en plus intenses. « Avant, nous avions plus souvent des tempêtes tropicales modérées dans notre région. Depuis quelques années, nous sommes affectés par des cyclones intenses et cela continuera dans les années à venir jusqu'à ce que nous subissions des super cyclones », a fait ressortir le météorologue. Il affirme que les cyclones étaient d'une intensité moyenne de 150 km/h mais que depuis deux à trois ans, la région est frappée par des cyclones avec des vents de 250 km/h en moyenne.

La force de ces vents occasionne des houles qui frappent les côtes et érodent les plages. Ainsi, 11 % de nos côtes ont été érodées, surtout dans les régions de Mont-Choisy, Albion et Bel-Ombre. C'est ce qui ressort d'une étude publiée en 2015 par des experts japonais, a souligné Yan Hookoomsingh, activiste écologique. Ce phénomène est accentué par la montée du niveau de la mer par un à quatre millimètres par an. Sans parler du blanchiment des coraux causé par la hausse de la température. Celle-ci devrait également causer des feux de brousse plus fréquents, affirme Subiraj Sok Appadu.

Dr Vikash Tatayah
Dr Vikash Tatayah

Autre conséquence : les averses récurrentes sur les versants est et nord représentent une menace pour certaines espèces d'oiseaux endémiques qui risquent de disparaître. Selon le Dr Vikash Tatayah, Conservation Director de la Mauritian Wildlife Foundation (MWF), les crécerelles de Maurice pondent entre novembre et février. Avec les averses continuelles, la survie de leurs œufs est compromise. « Il y a une baisse du nombre d'oiseaux qui voient le jour. Peu d'oisillons survivent à ce climat. Nous surveillons la situation de près », a souligné le Dr Vikash Tatayah. Les données démontrent aussi que le Petrel de l'île Ronde, une autre espèce d'oiseau endémique, subit les effets du changement climatique. Il y a de moins en moins d'oisillons qui survivent après l'éclosion. Parmi les mesures préconisées pour pallier cela, l'installation de couveuses protégées dans leurs milieux naturels. Par ailleurs, la MWF est actuellement en train d'étudier l'effet du climat sur la reproduction des plantes endémiques.


Vassen Kaupaymuthoo, ingénieur en environnement : «Les instabilités climatiques ont été décuplées durant la dernière décennie»

Vassen KaupaymuthooQuels sont les effets du changement climatique à Maurice sur la mer, la plage, le lagon et la terre ?
Maurice est le septième pays au monde le plus exposé aux catastrophes naturelles et bon nombre de ces catastrophes sont liées au changement climatique : pluies diluviennes, orages violents, cyclones puissants. Le changement climatique a également de nombreux impacts sur le lagon et la terre.
En effet, la mer est le principal stabilisateur de notre climat en raison de la grande quantité de chaleur atmosphérique qu'elle stocke. Cette chaleur cause une dilatation des masses océaniques, qui, associées à la fonte des glaciers, cause une remontée accélérée du niveau de la mer de 3,8 mm par an. Ce chiffre a tendance à augmenter au fil des années.

Les masses océaniques représentent aussi cette interface entre l'atmosphère et l'eau des océans où le dioxyde de carbone atmosphérique se dissout, acidifiant les eaux et attaquant, de ce fait, les structures fondamentales de la mer. Le carbonate de calcium dont sont constitués les coraux et les coquillages, tout en diminuant la quantité d'oxygène qui peut être dissoute, asphyxie de grandes zones océaniques. L'énergie atmosphérique, transformée en vagues quand le vent souffle sur la mer, s'abat sur nos plages et se combine au niveau de la mer qui monte, exacerbant l'érosion des plages qui disparaissent au fur et à mesure et menaçant nos nappes d'eau souterraines.

Les lagons qui sont des zones tampon riches en biodiversité entre la plage et les océans subissent ces impacts de plein fouet : les coraux meurent car ils ont trop « chaud », les poissons n'ont plus d'habitat, les eaux devenant acides attaquent les édifices coralliens et les coquillages et les lagons se transforment en zones de coraux morts recouverts d'algues, comme on le constate déjà dans certains lagons à Maurice et à travers le monde.

La terre subit elle aussi les effets du changement climatique avec des glissements de terrain, des inondations et des crues qui menacent directement les infrastructures résidentielles, commerciales et hôtelières à travers l'île. Et tout cela n'est que le début car d'après les dernières mesures, il se pourrait bien que le changement climatique soit en train de s'emballer, ce qui accélère et amplifie les effets ci-dessus.

Depuis quand sommes-nous grandement affectés ?
Les effets du changement climatique ne se sont pas faits sentir de manière linéaire. En effet, on peut sans conteste affirmer que ces effets se sont amplifiés ces dernières décennies. Il est vrai qu'il y avait des événements climatiques importants il y a quelques décennies, événements que nous ne pouvions expliquer tant le concept de changement climatique n'était pas établi. Mais les effets se font de plus en plus sentir depuis deux décennies et il semble désormais acquis que le phénomène s'emballe et que les perturbations et les instabilités climatiques ont été décuplées durant la dernière décennie.

Pour preuve, nous n'avons pas connu de phénomènes de pluies diluviennes si longues de mémoire d'humain et les orages répétés de ces dernières semaines ont représenté des phénomènes nouveaux et inattendus, nous prenant par surprise et créant des perturbations dans notre vie de tous les jours.

Que risquons-nous à l'avenir?
Ce que nous risquons ? L'avenir de nos enfants et la survie même de l'humanité. Nous sommes en train de nous « suicider » et de détruire la biosphère qui a connu la naissance et qui a soutenu le développement de la vie sur terre. Au train où vont les choses, les espèces disparaissent les unes après les autres, et les humains sont en train de créer une nouvelle ère géologique : l'anthropogène. Une époque qui marque une trace indélébile, désormais, du passage de l'être humain sur Terre et cela, même s'il disparaissait demain, tant il a modifié sa planète, son atmosphère et ses océans avec ses activités : utilisation de combustibles fossiles changeant la composition de l'atmosphère, acidification des océans, pollution par le plastique et les matières radioactives, entre autres. Cela, alors que l'humain n'existe que depuis 5 millions d'années, et que la Terre existe depuis 4 550 millions d'années !


Le changement climatique affecte les plantations des fruits et des légumes

Kreepalloo Sunghoon
Kreepalloo Sunghoon

Un des plus gros problèmes auxquels les planteurs font face actuellement est le changement climatique. En janvier dernier, il a plu abondamment et le stock alimentaire du pays a pris un coup. Entre 75 à 80 % de la production de légumes ont été affectées par les averses. Ce qui a amené le gouvernement à importer 36 tonnes de légumes.

En temps cyclonique et de grosses pluies, le gouvernement se retrouve dans l’obligation d’importer certains légumes des pays avoisinants. Durant le premier semestre de 2017, 3 332 hectares de terre ont rapporté des légumes alors que l'année précédente pour la même période, la superficie était de 3 766 hectares, ce qui constitue une baisse de 11.5 %.

Selon Kreepalloo Sunghoon le secrétaire général de la Small Planters' Association (SPA), avec le changement climatique, les planteurs sont nombreux à délaisser leurs cultures. « Ces dernières années, on a vu l’évolution du changement climatique. De 2011 à 2016, on a eu des conditions défavorables à la plantation au début de l’année. Le changement climatique a affecté la production de plusieurs légumes et le gouvernement a dû avoir recours à l’importation des légumes. Il fait plus chaud que d’habitude et les plantes ne s’adaptent pas à cela. Et les averses détruisent les plantes », affirme-t-il.

Autre problème auquel les planteurs font face : la prolifération des bactéries. « Un fort taux d’humidité est propice à la prolifération des bactéries. Du coup, une fois que les terres sont infectées par des bactéries, elles ne sont plus fertiles. De ce fait, on ne peut pas planter », dit-il. 

Le secrétaire général de la SPA va plus loin en disant que cela à un impact sur la production de fruits et des légumes dans le pays. « L’exportation de certains fruits va prendre un sale coup dans les années à venir. Le changement climatique est une des raisons pour lesquelles les planteurs se tournent vers l’hydroponique. Mais cela coûte cher », précise-t-il.

Le gouvernement mauricien à pied d’œuvre

Maurice a été parmi les premiers signataires de l'accord de Paris (COP 21) sur le climat. De plus, le gouvernement a investi massivement dans la construction de drains pour protéger la population contre les inondations. Depuis 2015, le ministère de l'Environnement opère le National Disaster and Risk Reduction Center. Toute une équipe de policiers, pompiers, ambulanciers, et météorologues coordonnent leurs efforts pour protéger la population et les infrastructures lors des catastrophes.

Par ailleurs, le département du changement climatique du ministère de l'Environnement a été mis sur pied en 2010. Il a pour but de développer un cadre d'atténuation et d'adaptation au changement climatique, de coordonner les projets nationaux, régionaux en relation avec le changement climatique et l'élévation du niveau de la mer et de contribuer au programme de sensibilisation du public, entre autres.

Plusieurs projets et campagnes de sensibilisation ont été mis sur pied pour faire face aux catastrophes naturelles. Parmi, on retrouve la construction d'un centre de refuge dernier cri à Quatre-Sœurs. Concernant l'agriculture, il y a eu l'introduction des technologies antiparasitaires pour les producteurs et la micro-irrigation pour une gestion durable de l'eau.

Le gouvernement encourage aussi la collecte des eaux de pluie par des individus et l'introduction des technologies de dessalement dans le secteur de l'hôtellerie. Plusieurs travaux ont été initiés : la restauration de la végétation, le revêtements des côtes contre l'érosion, la protection des zones humides et l'introduction de l'énergie solaire à échelle industrielle, entre autres.

 

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