Interview

Conseil pratique - Aide juridique : comment y avoir accès

L’avocate Zareena Tawheen Choomka. L’avocate Zareena Tawheen Choomka.

C’est toujours un casse-tête pour ceux qui n’ont pas les moyens de se faire représenter par un/e avocat/e dans un procès au criminel ou civil devant une Cour de Justice. Mais, l’État ne les a pas oubliés. Avec la « legal aid », ceux ayant de faibles ressources peuvent bénéficier d’un aide juridique dont l’État se charge des frais. L’avocate Zareena Tawheen Choomka nous explique la procédure et les critères requis pour recourir à une aide juridique.

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C’est toujours un dilemme pour une personne qui n’a pas de moyen d’avoir recours aux services d’un homme de loi pour assurer sa défense dans un procès au pénal ou au civil. Comment l’État peut-il venir en aide à cette personne ?
Si une personne se voit incapable d’assurer sa défense dans un procès au pénal ou au civil, faute d’argent, ce n’est pas nécessairement la fin. L’État, par le biais du cadre législatif, a établi un projet de loi qui date depuis 1973. Cette législation, intitulée aujourd’hui la « Legal Aid and Legal Assistance Act 1973 » permet à une personne qui est dépourvue du moyen financier de faire une demande auprès d’un magistrat ou d’un juge pour pourvoir accéder à l’aide juridique.

C’est quoi une aide juridique ?
L’aide juridique, plus connue comme la « legal aid » est le service juridique gratuit qui est offert aux membres du public qui disposent de faibles ressources financières afin qu’ils puissent avoir accès à la justice au civil ou au pénal. C’est l’État qui s’occupe des honoraires et des frais de justice. Si une personne répond aux critères requis, l’État lui accorde ce service en lui procurant les services d’un avoué et d’un avocat (selon les besoins de la personne concernée).

Avec les amendements de 2012 apportés à la législation de 1973, aujourd’hui l’aide juridique comprend non seulement la représentation légale en cour mais aussi l’assistance légale et les conseils juridiques pendant l’enregistrement de la défense d’un détenu lors d’une enquête criminelle.

Quels sont les critères requis pour obtenir un aide juridique ?
Pour être bénéficiaire de l’aide juridique, une personne doit impérativement répondre aux critères suivants : (1) le plan économique et (2) la couverture des services, comme prescrite dans la législation.

Le requérant doit confirmer qu’il n’a pas la somme de Rs 500 000  en valeur, excluant ses habits, ses outils de commerce et le sujet des procédures qu’il intentera en cour. En outre, il doit confirmer que ses revenus mensuels sont moins de Rs 10 000.

On note que dans le discours budgétaire 2018/2019 du Premier ministre, le plafond de revenus mensuels sera augmenté pour atteindre le montant de Rs 15 000. Une mesure qui va supposément davantage ouvrir l’accès à la justice.

Les bénéficiaires doivent répondre à certains critères

Qu’en est-on des  procédures ?
Toute personne qui désire bénéficier de l’aide juridique doit se rendre à la « Legal Aid Unit » qui se trouve au bâtiment New Court House à Port-Louis pour compléter une demande d’aide juridique, fournir les informations et documents requis pour le traitement de sa demande.

La demande est faite en écrit sous la forme prescrite adressée à l’autorité concernée (le juge ou le magistrat). Les informations requises sont, notamment, les détails personnels du requérant, son état civil, les détails sur les personnes qui sont à sa charge, sur sa profession ou son emploi, son revenu mensuel moyen, ses autres sources de revenus et les détails sur ses propriétés immobilières et ses véhicules (le cas échéant).

C’est à noter que la demande est faite sous la forme prescrite d’une attestation ou d'un affidavit qui doit être juré/e par le requérant. L’autorité concernée analysera la demande selon les critères établis.

N’oublions pas que notre loi prévoit que la personne qui jure un affidavit qui est faux commet une infraction à la loi.  Si elle est reconnue coupable, elle sera assujettie à une peine de servitude pénale d’un maximum de trois ans ou à une amende qui n’excédera pas Rs 10 000

Dans quel cas de figure peut-on bénéficier d’une aide juridique ?
En matière pénale, il y a une liste établie dans la législation quant aux infractions qui sont sujettes à l’aide juridique. Je dirais toutes les infractions qui sont punissables par la servitude pénale sont couvertes. Une personne peut également faire une demande d’aide juridique en cas d’appel d’un jugement de condamnation au pénal. Un mineur, accusé d’un délit ou d’un crime, bénéficiera de l’aide juridique (sur demande).

L’aide juridique, bien sûr, ne couvre pas les frais auxquels une personne peut être condamnée comme les amendes, les dommages et intérêts, etc.

Si la personne n’est pas satisfaite des services de l’homme de loi que l’État lui a accordé, que doit-elle faire ?
Il faut savoir qu’un homme de loi qui a été assigné par l’autorité concernée ne peut refuser son assistance et ses services à un bénéficiaire d’une aide juridique, sauf s’il donne au chef juge des raisons dites valables pour justifier son refus.

Certes, la protection des droits des plus démunis repose sur le professionnalisme et le dévouement des professionnels du barreau. On dit qu’un homme de loi représente quelqu’un « in forma pauperis » lorsqu’il représente un bénéficiaire d’aide juridique. Il est interdit à l’homme de loi, dans ces cas, de faire ces bénéficiaires  payer pour ses prestations.

Quel est le devoir de l’homme de loi envers son client bénéficiaire d’aide juridique ?
Selon le code de déontologie, l’homme de loi se dote des mêmes responsabilités envers les personnes qui sont bénéficiaires d’aide juridique que les clients qui payent habituellement ses honoraires. Donc, l’homme de loi doit obligatoirement exercer le même degré de professionnalisme et de compétence.

Comment agir si le bénéficiaire d’aide juridique n’est pas satisfait des services de l’homme de loi assigné pour son affaire ?
Par exemple, si un avocat qui est assigné pour représenter un bénéficiaire d’aide juridique, ne suit pas les instructions de son client (selon les normes de la profession légale), le bénéficiaire d’aide juridique pourra lui demander de faire une demande en cour pour se retirer de l’affaire.

Dans cette optique, est-ce que l’État peut-il lui accorder un autre homme de loi ?
Le magistrat/juge pourra donc, en cas de raisons valables, révoquer la nomination de l’homme de loi et nommer un autre à sa place. Le bénéficiaire d’aide juridique réserve également le droit de porter plainte contre l’homme de loi au conseil de l’ordre concerné en cas de violation du code de déontologie.

Peut-on dire que la justice est accessible à tout le monde ?
Si vous voulez mon avis personnel, je suis catégorique : la justice n’est pas accessible à tout le monde. Certes, l’État milite d’année en année pour que le système judiciaire et l’accès à ce système puissent s’améliorer. Mais on ne peut fermer les yeux sur la réalité des choses. Il y a toujours une marge d’amélioration. Qui sait, avec la coopération de tout un chacun, une île Maurice avec un accès illimité à la justice sera un jour une réalité. Entre-temps, on se bat…

 

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