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Coût à la pompe des carburants : des prix élevés partis pour rester

La baisse du prix de l’essence à Rs 66, 20 samedi relance le débat sur la structure de prix de ce produit.

Le prix des produits pétroliers n’a eu de cesse de prendre l’ascenseur ces dernières années à Maurice. Le coût du litre d’essence à la pompe a grimpé d’environ Rs 20 depuis 2021, alors que celui du diesel a bondi de plus de Rs 25. La récente réduction de 4 % du litre d’essence est-elle de bon augure pour 2024 ?

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Le Petroleum Pricing Committee (PPC) a tenu sa première rencontre de 2024 le 27 janvier dernier. Le comité a vérifié le calcul des prix de détail du Mogas et du Gas Oil, comme prévu par le règlement 8 du Consumer Protection (Control of Price of Petroleum Products) Regulations 2011. La recommandation a été faite pour que le prix du litre d’essence passe de Rs 69 à Rs 66,20 et que celui du diesel soit maintenu à Rs 63,95.

En dépit de ce qu’on laissait prétendre du côté de la State Trading Corporation (STC), le pétrole ne semble pas être un produit dont le prix à Maurice fluctue au rythme des secousses internationales. Cela consisterait-il un leurre d’espérer que les prix à Maurice retrouvent le niveau d’avant ?  Megh Pillay, ancien directeur de la State Trading Corporation (STC), est d’avis que cela dépend surtout de la volonté politique. Selon lui, le prix des carburants à Maurice n’a rien à voir avec les éléments qui auraient dû être déterminants comme le fret, le taux de change roupie-dollar ou encore le cours mondial du pétrole. « Les prix pratiqués à la pompe à Maurice dépendent grandement de la taxation. Les produits pétroliers ont toujours été une source de revenue pour le gouvernement et la question ne se pose pas. Le PPC est un tampon en caoutchouc, car le prix des carburants à Maurice est une décision politique », fait-il comprendre. 

Après des estimations d’environ Rs 4,41 milliards en 2022-23, le gouvernement entend bien engendrer Rs 4,55 milliards de revenus en 2023-24 issus de l’imposition sur les produits pétroliers selon ses prévisions. L’économiste Bhavish Jugurnath explique que selon la State Trading Corporation (STC), l’ensemble des taxes, droits et prélèvements représente 40 à 55 % du prix de détail de l’essence et du diesel à Maurice. «  Indéniablement, cette forme de taxation constitue une source de revenus très importante pour le gouvernement. Ces taxes sont utilisées pour maintenir et garantir un prix raisonnable pour le gaz ménager ainsi que pour des denrées alimentaires de base telles que le riz et la farine », indique-t-il.  Par exemple, dit-il, les subventions sur le riz ration, la farine et le gaz ménager représentent plus de Rs 1,2 milliard.  « Je pense que si d’autres formes de taxation ne sont pas examinées, cette taxe restera une source de revenus cruciale », avance l’économiste. Cependant, il est d’avis qu’à long terme, avec la prédominance des véhicules électriques sur le marché, le gouvernement devra trouver des moyens alternatifs. 

PSA, encore et toujours

Le PPC a également examiné le déficit total de Rs 4,5 milliards dans le compte de stabilisation des prix (PSA) du diesel qui résulte à un retard total d’environ Rs 4,2 milliards dans les comptes de stabilisation des prix. Le PSA de l’essence affiche un surplus de Rs 300 millions au 27 janvier 2024. D’après Megh Pillay, avec l’amendement de janvier 2023, la STC peut baisser le prix dès que la PSA n’est plus déficitaire. Cependant, suivant cette logique, le prix du diesel ne pourrait être réduit tant que son PSA sera déficitaire. Et à en croire Megh Pillay, inverser la tendance nécessitera des années et des années, car le cours mondial du diesel ne fléchit pas. Pour lui, le gouvernement aurait intérêt à faire enlever ce déficit de la structure de prix et  le traiter comme une dette de la STC remboursable à long terme par un prélèvement de « Debt Recovery », d’environ Rs 2.20 par litre. « La STC peut, à cette fin, retenir cette somme en baissant la contribution du diesel de Rs 7,20 à Rs 5 par litre pour les subsides du gaz, farine et riz. Une formule similaire fut mise en place pour payer la dette du hedging. Dans la mesure où le ministre des Finances identifie une autre source de fonds pour pallier le manque, la STC pourrait même accélérer la concurrence des paramètres favorisant une baisse de prix », argue-t-il.

 

Rajiv Servansingh, directeur général de la State Trading Corporation (STC)

 Il faudra beaucoup de temps pour le déficit du PSA du diesel soit inversé "

Le Price Stabilisation Account (PSA) pour l’essence révèle un excédent de Rs 300 millions au 27 janvier 2024. Est-ce que l’augmentation du prix à la pompe de l’essence à Maurice a contribué à accroître le surplus de Rs 200 millions par rapport aux Rs 100 millions enregistrés au 6 octobre 2023 ?

Ce n’est pas le prix élevé à Maurice qui a permis cela, mais le prix auquel nous avons acheté l’essence sur le marché international. Son coût sur le marché mondial avait baissé pendant deux mois, ce qui a entrainé un excédent dans le PSA de ce produit. Il a depuis augmenté de nouveau. Nous ne pouvons réduire le prix si le PSA est déficitaire et c’est pourquoi nous sommes parvenus à revoir à la baisse le prix de l’essence à la pompe. 

Le fonds pour le diesel est déficitaire de Rs 4.5 milliards au 27 janvier 2024. Combien de temps sera nécessaire afin de renverser la vapeur ?

Il faudra beaucoup de temps pour que cette situation déficitaire du PSA du diesel soit inversée. Nous ne pouvons prédire ce qu’il adviendra sur le marché mondial entretemps. Ceci dit, le prix du diesel à la pompe est resté inchangé à plusieurs reprises précédant la rencontre du PPC du 27 janvier dernier. Le comité avait, cependant, suggéré d’augmenter le prix à Maurice en raison du coût d’importation. Le statu quo à Rs 54.55 pendant quelques mois en 2022-23 n’a pas été sans conséquence sur le déficit du PSA pour le diesel.    

Le prix du litre d’essence à la pompe était de Rs 50.70 en juillet 2021 et celui du diesel à Rs 37.30. Peut-on espérer retrouver ce niveau cette année ?

Le pétrole étant un produit non renouvelable, on peut s’attendre à ce que les prix redeviennent comme avant. La production mondiale des produits pétroliers est en baisse alors que la demande prend le chemin inverse. Cela se répercute sur le cours mondial. 

La contribution au Fonds de solidarité Covid-19  et l’apport au financement du coût des vaccins Covid-19 sur les prix à la pompe avaient fait couler beaucoup d’encre. Ceux-ci ne font plus partie de la structure des prix. Peut-on s’attendre à ce que d’autres taxes soient enlevées ?

Ces deux contributions qui faisaient effectivement partie de la structure des prix avaient été enlevées quelques temps après. La décision appartient au gouvernement concernant le fait de retirer ou d’ajouter une contribution. Ceci dit, je ne pense pas que d’autres contributions risquent d’être retirées.

 
Suttyhudeo Tengur, président de l’APEC


 Les produits ne connaîtront pas de baisse immédiate, mais au moins ils ne devraient pas non plus augmenter "


Le carburant est une source d’énergie essentielle dans le monde moderne et constitue l’élément vital des économies. C’est ce que déclare le président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs. « Les personnes et les entreprises dépendent du carburant pour leur vie quotidienne, leur production et leur commerce. Les fluctuations des prix des carburants ont donc des effets significatifs sur les économies », explique-t-il. Par ailleurs, il souligne que le rôle du carburant dans des secteurs clés tels que les transports, la production industrielle et l’agriculture amplifie encore l’impact des fluctuations des coûts énergétiques sur la stabilité économique. « Lorsque les prix du pétrole baissent, il devient moins coûteux de faire le plein, tant pour les ménages que pour les entreprises. Ainsi, cela réduit réellement les coûts des secteurs axés sur le transport, comme les compagnies aériennes et le camionnage, mais cela a un impact direct sur l’industrie pétrolière nationale », appuie-t-il.

 Avec la baisse du prix de l’essence, Suttyhudeo Tengur estime que les produits ne connaîtront peut-être pas de diminution immédiate, mais au moins ils ne devraient pas non plus augmenter. « Ce n’est pas vraiment une surprise étant donné que le prix des biens des autres secteurs n’a pas changé malgré la baisse des prix de l’essence », avoue-t-il. Évidemment, dit-il, cela coûtera désormais moins cher pour se rendre au supermarché, mais les prix du lait, du fromage, de la farine et d’autres produits restent supérieurs à la moyenne. « La production locale ne sera pas affectée par la baisse du prix du pétrole, car le salaire minimum, la dépréciation de notre roupie par rapport au dollar, l’augmentation du fret due à la guerre entre la Russie et l’Ukraine et l’instabilité de la mer Rouge coûteront plus cher aux matières premières », soutient-il.

 

Baisse sur le prix du diesel vivement attendue

Shameem Sahadut, vice-président et secrétaire de l’Association of School Bus Owners, est catégorique. Selon lui, la baisse du prix de l’essence n’a aucun impact sur les coûts d’exploitation des propriétaires de vans. « Il est bon de savoir que tous les vans scolaires roulent au diesel. Ainsi, nos coûts demeurent inchangés et nous avons toujours du mal à joindre les deux bouts », déplore-t-il. Par ailleurs, il est d’avis que la diminution du prix de l’essence est négligeable. « Une réduction de Rs 2,80 par litre ne soulagera pas vraiment les automobilistes », soutient-il. De plus, il fait comprendre que le prix du carburant n’est pas le principal facteur influençant les prix. « Il faut également prendre en considération le taux d’inflation, le taux d’intérêt, les coûts de production, entre autres », ajoute-t-il. Yovan Jankee, Sustainability & Communications Manager chez Panagora, abonde dans le même sens. Ce dernier affirme que le prix des produits est principalement influencé par d’autres facteurs tels que la déstabilisation du fret liée à la géopolitique. En ce qui concerne la baisse du prix de l’essence, il explique que cela n’aura pas d’impact direct sur la plupart de leurs opérations, car les camions de Panagora roulent au diesel. 
Pour sa part, Suttyhudeo Tengur affirme qu’une baisse du prix du diesel aurait été bénéfique pour certains automobilistes, mais aussi pour de nombreuses activités économiques. « À titre d’exemple, dans le secteur agricole, les planteurs utilisent du diesel pour l’irrigation. En effet, les moteurs diesel alimentent environ 75 % de tous les équipements agricoles, y compris les grosses machines et les tracteurs. Une baisse du prix du diesel aurait ainsi soulagé les opérateurs », explique-t-il.

L’Essence – fixé à Rs 66,20 par litre  (une baisse de 4,1 %)

Nouveau prix de référence : 804,35 USD par tonne métrique 
Les prix réels de novembre 2023 à janvier 2024 et les prix futurs de février à avril 
Taux de change de Rs 45,15 par dollar 

Diesel (maintenu à Rs 63,95 par litre)

Le règlement 5 (2) stipule que « sous réserve qu’il y ait des fonds dans le PSA, le prix de détail d’un produit pétrolier doit être diminué ». 
Conformément aux dispositions du règlement, le PSA du diesel étant déficitaire d’environ Rs 4,5 milliards, le prix demeure inchangé.

Taxes sur les produits pétroliers

2020/21

Rs 3,86 milliards

2021/22 

(estimations révisées) 

Rs 4,29 milliards

2022/23 (estimations)

Rs 4,41 milliards

2023/24 (estimations)

Rs 4,55 milliards
 

 

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