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Crise au sommet de l’État : le PM prépare la motion de destitution de la présidente

Pravind Jugnauth et Ameenah Gurib-Fakim La méfiance au sommet de l’État le 12 mars au Champ-de-Mars.

À la suite du refus de la présidente de démissionner, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, prépare la motion de destitution qu’il présentera au Parlement au plus tard le 27 mars. Le message est clair : Ameenah Gurib-Fakim doit partir.

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Maurice est ainsi devant une situation inédite depuis son accession à l’Indépendance il y a 50 ans. Maintenant qu’Ameenah Gurib-Fakim a communiqué officiellement sa décision de ne pas démissionner de son poste de présidente de la République, l’Hôtel du gouvernement enclenche les procédures devant déboucher sur un vote portant sur la mise sur pied d’un tribunal spécial visant à la destituer. Jamais jusqu’ici, le pays n’a été confronté à un tel bras de fer.

La communication officielle indiquant l’intention d’Ameenah Gurib-Fakim de rester à son poste a été vécue comme une véritable trahison. D’autant qu’elle avait à deux reprises indiqué au Premier ministre, Pravind Jugnauth, son intention de quitter ses fonctions. La première fois, c’était lors d’une rencontre en tête-à-tête, jeudi soir, et la seconde, en présence d’autres membres du gouvernement, vendredi matin. Du coup, au Bureau du Premier ministre, on s’interroge sur « la valeur à accorder à la parole de la présidente. »

Puis, le chef de l’État avait donné la garantie qu’elle allait prendre ses cartons immédiatement après les célébrations du 12-Mars.

D’autres sources indiquent toutefois que l’intervention d’un membre influent d’un parti de l’opposition, en fin de semaine dernière, aurait pu contribuer à ce revirement de situation.

Quoiqu’il en soit, Pravind Jugnauth est résolu à faire de sorte qu’Ameenah Gurib-Fakim quitte la State House. « Le Premier ministre aurait préféré qu’elle parte d’elle-même. Vu qu’elle refuse, il n’y a d’autres options que de déclencher les procédures de destitution », déclare Raj Meetarbhan, conseiller du Premier ministre, au Défi Quotidien.

Il ajoute qu’il se « réjouit du fait que l’opposition approuve cette motion de manière consensuelle. Il est essentiel de sauvegarder la réputation de l’État. Maurice ne peut avoir de présidente sur laquelle pèsent des soupçons de mauvais comportement éthique. Le principe est acquis : elle doit partir. »

La rentrée parlementaire est prévue le 27 mars, mais le Premier ministre peut rappeler l’Assemblée nationale avant cette date afin de présenter sa motion pour la mise sur pied d’un tribunal spécial. C’est la première étape vers la destitution d’Ameenah Gurib-Fakim.

Pour le moment, les choses ne sont pas encore très précises par rapport à la date à laquelle la motion sera déposée. « Avec les gros chantiers, le Premier ministre a un calendrier chargé, mais sa détermination à faire partir la présidente est intacte », ajoute Raj Meetarbhan.

Nuances

Puis il y a la question de la suspension ou pas d’Ameenah Gurib-Fakim. Sur ce point, la Constitution stipule qu’une fois la motion de mise sur pied d’un tribunal spécial voté par une majorité de 2/3 au Parlement, l’Assemblée peut suspendre la présidente. C’est un point sur lequel les conseils légaux du gouvernement vont se pencher car la Constitution dit qu’il n’y a aucune obligation de suspension. Si, pour le moment, les partis de l’opposition penchent pour la mise sur pied de ce tribunal, il y a des nuances par rapport à la suspension d’Ameenah Gurib-Fakim.

Au Parti travailliste, on affirme que leur soutien à une motion de mise sur pied d’un tribunal spécial dépendra de son libellé. Certains au niveau de l’opposition souhaitent carrément la mise sur pied d’une commission d’enquête sur toute l’affaire Sobrinho. Aucune décision n’a été prise à cet effet, car la priorité est de faire partir Ameenah Gurib Fakim.
Le communiqué de la State House, considéré comme une déclaration de guerre d’Ameenah Gurib-Fakim aura, bien entendu, aussi des répercussions ailleurs. Les rendez-vous hebdomadaires entre la présidente et le Premier ministre, qui ont traditionnellement lieu les jeudis ne seraient plus d’actualité, tout comme le décaissement de fonds pour les déplacements à l’étranger de l’actuelle locataire de la State House.

Motion de destitution: comment ça fonctionne

Destituer un président de la République n’est pas chose facile. Mais la Constitution offre une solution si le gouvernement estime que la personne qui occupe la responsabilité de président de la République a commis « un acte d’inconduite grave ».

L’article 30(1) de la Constitution stipule que le Premier ministre doit présenter une motion au Parlement pour mettre sur pied un tribunal spécial qui examinera les circonstances nécessitant la révocation. La motion doit préciser les motifs pour lesquels la révocation est demandée. Et la motion doit être adoptée par un vote des deux tiers au moins de tous les membres du Parlement. Donc, 45 des 68 députés doivent voter en faveur de la motion. Une fois adoptée, « l’Assemblée (…) peut suspendre le président ou le vice-président de l’exercice de ses fonctions ».

Cette instance devant laquelle la présidente pourra se défendre doit, après examen, soumettre son rapport au Parlement et communiquer son jugement. Il appartiendra alors au Premier ministre de revenir avec une motion requérant la révocation. Celle-ci doit être approuvée par une majorité simple de la Chambre.

La composition du tribunal est également régie par la Constitution. Le tribunal doit être « composé d’un président et de deux ou quatre membres nommés par le président de la Cour suprême et choisis parmi des personnes occupant ou qui ont occupé les fonctions de juge d’une cour ayant compétence générale en matières civile et pénale dans tout État du Commonwealth ou d’une cour ayant compétence pour connaître des appels de telles cours ».

 

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